Ce titre de Vitisphère : Le beaujolais renoue avec les jeunes, un papier signé le vendredi 17 novembre 2017 par Bertrand Collard que je connais bien, il officiait à la France Agricole au temps où j’usais mes pantalons au 78 rue de Varenne, m'a fait réagir.
Alors j'écris !
Les jeunes, tous dans le même grand sac, comme les vieux, les femmes, les ménagères de plus de 50 ans…
Sans vouloir faire injure à ce cher Bertrand Collard, je puis affirmer qu’il ne doit pas beaucoup fréquenter les bars à vins où le Beaujolo nouvo et ses petits frères coule à flots.
Alors, pour ne pas prendre de risque il enfourche sans barguigner les éléments de langage interprofessionnel d’InterBeaujolais.
Au temps de la crise du Beaujolais, lorsque l’immense statue du nouveau se fracassa la gueule, au milieu des ricanements de ses détracteurs, le fameux goût de banane, j’avais commis plusieurs chroniques pour, disais-je, sauver le Grand Corps Malade.
Je ne vais pas ici revenir sur les causes de cette chute de ce qui fut, et reste encore, la plus belle opération de communication dans le monde du vin.
Fiers et dominateurs, sous la houlette ferme de Georges Duboeuf, les vignerons du Beaujolais imposaient même à l’INAO que seuls leurs vins pourraient se voir attribuer le qualificatif de nouveau. Les autres, la piétaille, à l’époque le Touraine, le côtes-du-rhône, le Gaillac, se contenteraient de Primeurs, ce qui dans le langage populaire sent plutôt le choux fleur.
C’était la grosse fiesta dans les caboulots, toute une génération célèbre de morts de soif levait le coude sans retenue. Oui, on ne pouvait échapper au Bojolo Nouvo.
Tout le cérémonial lié à la date, ce 3e jeudi du mois de novembre, les gros porteurs en bout de piste pour aller le déverser chez les japonais, les people qui se faisaient rincer chez Duboeuf, les croisières, le Bojolo nouvo surfait sur la vague insoucieux du ver qui commençait à le ronger de l'intérieur.
Mais, comme le renard de la fable, par l’odeur du pognon facile alléché la GD se jetait sur le Bojolo Nouvo comme la vérole sur le bas-clergé.
Fallait voir les montagnes de Bojolo Nouvo chez les gars de la marge arrière, quand je travaillais à la SVF j’en ai brassé des hectos de Bojolo Nouvo à prix canon.
Et puis, patatras, après l’excès d’amour, le désamour, que faire ?
La réponse basique c’est : faire de la qualité ! Mais qu’est-elle donc cette fameuse qualité pour madame et monsieur tout le monde qui va acheter son vin au supermarché ?
Et, bien sûr, reconquérir le terrain perdu chez ces fameux jeunes qui aiment le jaja.
Alors, InterBeaujolais a sorti la grosse artillerie en venant faire une tournée à travers Paris en bus à impériale, avec une fanfare, et cinquante vignerons pour la sortie du beaujolais nouveau. Fin de journée avec la presse (laquelle ?)
Le délégué général d’InterBeaujolais Jean Bourjade tire un bilan positif de sa tournée à travers Paris, il est ravi note Collard. Comme le disait le Georges de la place du colonel Fabien, un bilan globalement positif.
« Les jeunes sont venus nombreux le déguster. Les réseaux sociaux ont bruissé de l'affaire. »
Ha, les réseaux sociaux qui bruissent tels les branches de sassafras, nouveaux miroirs aux alouettes pour les gogos. C’est du bas bruit sans grand effet sur une population restreinte qui like pour liker.
« Les Parisiens et les touristes ont sorti leurs smartphones. Ils nous ont pris en photo et les ont postées sur les réseaux sociaux. Le hashtag #beaujolaisnouveau a été le plus populaire de la journée. »
Et le jour d’après ils sont où les adorateurs du Bojolo Nouvo ?
Ils ont passé à autre chose.
« Les jeunes n'ont pas d'à priori » note Bourjade
Toujours ces fameux jeunes, ici ceux croisés au hasard dans les rues de Paris, ce qui n’en fait un échantillon très représentatif de cette population.
« À tous les arrêts nous avons été bien accueillis, indique-t-il. Beaucoup de jeunes de 25 à 30 ans sont volontiers venus déguster. Ils n’ont pas les « à priori » à l’égard du beaujolais nouveau qu’ont les gens plus âgés. Sur le Pont Neuf, une farandole s’est spontanément formée au son de notre fanfare. »
« Tout au long du parcours, armé de son porte-voix, il a rappelé aux Parisiens que la sortie du beaujolais nouveau était un moment de fête. Il les a invités le déguster au restaurant ou chez eux. » note Collard.
Fort bien les bateleurs mais ils étaient où ces fameux jeunes que vouliez appâter ?
En grande majorité dans des bars à vin ou des caves, à s’envoyer derrière la cravate du nouveau qui n’était pas forcément du bojolo.
Je prends un exemple, hors Paris, à Ivry, bastion rouge, où officie dans sa cave le célèbre et ténébreux Paco Mora. Voici son compte-rendu de la soirée de jeudi :
« Mesdames, messieurs, la direction de la cave d'Ivry, son personnel, son service communication, la Direction des Ressources Humaines, son service logistique se joignent à moi pour vous faire part de la disparition des vins primeurs 2017, que soient ici remerciés Jean Claude Lapalu, Rémi Dufaitre, pour leurs Bojos, Julien Bresteau, Marc Houtin pour leurs Anjous, Jean François Nicq des Foulards rouges pour son Octobre, rouge, cela va de soi, et évidement sans oublier Jeff Coutelou et sa barrique de Languedoc, Go Fast , cinsault merveilleux... nous tenons à remercier chaleureusement les nombreux et nombreuses buveurs et euses, gai lurons et ronnes qui à l'heure actuelle ont dû picoler et pisser les prés de 800 quilles, tout en restant dignes, dans la joie et le partage, deux bouteilles ont été sauvés de cette horde de joyeux et euses drilles, elles seront bues, n'ayez crainte demain matin dans les studios de Sud Radio, à l'occasion de l'émission " au bistrot du marché" en présence de Gilles Vérot, charcutier émérite , à l'invitation de Philippe Toinard du Jajazine 12.5°, laissons donc reposer, les 2017 restants, en cuves , amphores, muids, fûts , les nouveaux ont ouvert la danse... notre bonheur sera à la hauteur de notre patience, ainsi , va le vin... »
Hé oui, c’est là qu’ils étaient les jeunes, et les moins jeunes, cher monsieur Bourjade, c’est là qu’il faut aller pour retrouver le goût du vin nouveau qu’il soit du Beaujolais ou d’ailleurs. Sont pas « racistes » ces fameux jeunes ils font la fête avec des vins qu’on ne trouve pas dans la GD.
Cette GD qui tente de surfer sur la tendance nature en proposant des sans soufre, des non-filtrés à 2 balles ou même presque donné.
Toujours le Paco qui monte sur ses grands chevaux :
COUP DE GUEULE ,vu dans un magasin un Beaujolais nouveau avec l'inscription "sans souffre" avec 2 f , du verbe souffrir sans doute, inscription en diagonale sur l’étiquette, calligraphie plus grosse que le nom du domaine et de l'appellation, si ça c'est pas du marketing...renseignements pris, c'est un domaine de 33 hectares travaillant en culture raisonnée , pour être clair, pas bio, mais se faisant passer pour un vin nature,ce qui est drôle pour ne pas dire burlesque , les efforts déployés par certains pour taper sur le bio et à fortiori sur le nature et les mêmes efforts pour leur ressembler sur le linéaire, attention, je ne critique pas systématiquement un vigneron non bio, mais là, on sent le foutage de gueule énorme, la faute en partie à la profession, à force de se contenter de communiquer que sur le soufre, comme étant le diable, non seulement on oublie le reste, thermovinification, flash pasteurisation, etc...mais l'agroalimentaire s'engouffre dans a brèche ,alors oui, vivement un cahier des charges reconnu par les pouvoirs publics , non seulement pour informer le consommateur mais également pour protéger les vigneron(ne)s de plus en plus nombreux et nombreuses à s'engager ne serait-ce que timidement vers cette voie là...les travaux de l’association des vins naturels ou de Seve devraient servir de référents. »
Car ces bien là que les athéniens s’atteignirent, comme le note Collard « Reste que les chiffres sont un peu moins brillants. David Ratignier, vice-président d’Inter Beaujolais, les a rappelés le soir même durant la conférence de presse qui s'est tenue au Point Ephémère, une usine désaffectée qui accueille un bar branché et des salles de spectacle. Un lieu choisi par l’interprofession pour montrer les beaujolais « restent des vins contemporains, qui intéressent les jeunes ».
Côté chiffres, le marché du vrac accuse une nouvelle baisse en volume. Il devrait s’élever à 150000 hl contre 153000 hl l’an dernier. Les exportations vers le Japon sont en recul. Le marché français continue de s’éroder. »
Et là, patatras, on touche là où ça fait mal « Il faut que la GD s'engage un peu plus »
« En fin d’année, il y a plein d’opérations commerciales dans la grande distribution, constate David Ratignier. Les rayons des chocolats ont pris une place énorme. Il est difficile pour nous de s’en faire une. La GD a aussi peur de ne pas vendre le beaujolais nouveau. Beaucoup de magasins n’en référencent même pas. Des clients ne trouvent pas de produit. Il faudrait que la GD s’engage un peu plus dans la mise en avant des beaujolais nouveaux. »
Ben oui, c’est ainsi, chez Paco on compte en flacons alors que du côté de l’Interprofession on chiffre en hecto, ce fameux vrac dont une néo-journaliste du Monde, jusqu’à ces derniers mois ignorait l’existence.
Je comprends parfaitement que les dirigeants interprofessionnels veuillent relancer la mécanique pour tenter de retrouver des jours meilleurs mais je ne suis pas persuadé que c’est en faisant du ramdam dans les rues de Paris avec flonflons et haut-parleur.
Le travail de fond est un travail de longue haleine, la bonne image du Beaujolais nouveau se situe dans ces petits lieux conviviaux et non dans les allées grises et froides de la GD.
Moi ce que j’en dis c’est pour causer, ce ne sont pas mes sous mais ceux des vignerons cotisants par obligation, ça mérite tout de même réflexion.