Je ne suis pas comme St Pierre, je ne me renie pas, avant que le coq ne chante 3 fois, mon analyse partagée dans le document stratégique Cap 2010, j’y souscris toujours sans rougir ni battre ma coulpe. Une fois posé notre diagnostic nous demandions aux grands dirigeants de la vigne France de faire des choix clairs qui engagent l’avenir. Ils n’ont pas été fait alors il ne faut pas s’étonner que la grande masse des vins français naviguent dans la belle ambigüité du « tout origine » AOP-IGP.
Le terroir rien que le terroir !
Aujourd’hui, en vacances éternelles, je me contente de boire ce qui me plaît sans pour autant stigmatiser ceux qui ne boivent pas comme moi. Ce que je n’admets pas c’est la bonne vieille technique de la fermière sur le pot de yaourt produit à la chaîne.
Le vin dit nature, brocardé, moqué, par les dégustateurs patentés mais drainant de nouveaux consommateurs est en passe d’être récupéré par notre chère GD.
La dénomination nature n’étant pas définie juridiquement – peut-elle l’être d’ailleurs – donc non protégée car non protégeable, peut être utilisée par tout un chacun avec le seul risque que la DGCCRF face à une telle extension sorte l’arme lourde : l’interdire.
Certains petits malins, profitant du marqueur « sans sulfites ajoutés » baptisent joyeusement leur cuvée en y incluant le mot nature. Profitant de la vague bio, ces petits malins, la main sur le cœur, affirment : certifié bio+sans sulfites ajoutés = vin nature. Sauf que ça n’a rien à voir, le process d’un vin bio ne cadre pas exactement avec celui des vins nature. Il suffit de consulter le cahier des charges UE des vins bio pour s’en convaincre.
La boîte noire de la vinification, ce qui se passe dans le chai, nos naturistes d’occasion se gardent bien d’y faire allusion : la flash-pasteurisation ça nettoie bien le vin.
La meilleure dénomination du vin nature est sans aucun doute : le vin nu, le pur jus de Fleur Godart, le vin sans aucun intrant.
Certains m’ont reproché d’allumer salement Carrefour avec ses « cuvées nature » dans sa foire aux vins 2016. Un ancien acheteur de la GD m’a fait remarquer que ses anciens collègues étaient des gens sérieux. Je n’en doute pas mais la question n’est pas là : ce qui m’intéresse c’est que le contenu du flacon corresponde à sa dénomination.
Moi je veux bien me faire avoiner et je suis tout prêt à reconnaître que mon jugement hâtif et non fondé, mais seulement après avoir mis mon nez dans les rayons pour vérifier.
J’ai donc pris mon beau vélo et j’ai filé au Carrefour Market du 13e près du métro Nationale puis au retour je me suis arrêté au Monoprix du 13e rue Daviel pour acheter des flacons estampillés nature.
Dans le premier, où le rayon vins baignait dans un joyeux bordel, j’ai trouvé avec beaucoup de peine, en tête de gondole 3 représentants de ces cuvées dites nature : le Naturae de Gérard Bertrand sous 3 cépages : syrah, merlot, cabernet-sauvignon, le Intact de la coopérative de Buzet et le château Les Vieux Moulins un Blaye Côtes de Bordeaux.
Comme les vins de Gégé on les trouve partout, j’ai acquis les 2 derniers pour la somme de 9,90€ soit 4,95€ le flacon. Le Blaye est bio, le Buzet non. La mention sans sulfites ajoutés est inscrite en gros sur l’étiquette.
Chez Monop les étiquettes affichaient la couleur :
- Esprit Nature by Rauzan Bordeaux
- Nature Chiroubles
Le premier est biologique, l’autre non.
Le second applique une pastille verte « sans soufre ajouté » et le second rien du tout.
J’ai raqué 15,55€ soit 4,95€ pour le Bordeaux de la coop de Rauzan et 10,60€ pour le Chiroubles du domaine Didier Desvignes estampillé d’un petit escargot rouge anima vinum
À partir de là quoi faire ?
Les mettre à déguster chez des naturistes échevelés c’était risquer de les envoyer à l’abattoir, de les voir se faire déchiqueter.
Après réflexion j’ai opté pour une dégustation par des gens dont le métier est de guider madame et monsieur tout le monde dans le choix du vin à boire à table. Des sommeliers donc, à l’esprit ouvert, sans préjugés.
La dégustation s’est faite sous chaussette, les dégustateurs ignorant tout de mes intentions.
Nous sommes le mardi 25 octobre en fin de journée juste avant l’heure du dîner, dans de beaux verres, sans façon.
Mes dégustateurs jouent le jeu. Leurs commentaires sont mesurés mais petit à petit se dégage une opinion commune : ces vins ont la gueule de vin de comptoir, sans défauts ni qualité, chaud, courts en bouche, et conclusion : nulle envie de les acheter.
Quand le tour de table des 4 cuvées a été terminé j’ai moi-même goûté. Rappelons qu’il s’agissait de 4 vins d’AOC : 1 Buzet, 1 Bordeaux, 1 Cote de Blaye et un Chiroubles qui est un cru, deux estampillés bio, tous « sans sulfites ajoutés ».
Rien à voir avec des vins nature, morne plaine, comme un vieux souvenir des dégustations d’échantillons de vin de table en fin de matinée à Gennevilliers. Même pas déçu, ces vins sont tous passés sous les fourches caudines de la dégustation d’agrément et dans leur créneau de prix : moins de 5€ ils sont bien dans la norme des acheteurs de la GD.
Rien à leur reprocher, c’est du tout-venant, sauf que l’on veut les faire passer pour des vins nature alors qu’ils n’ont comme seul dénominateur commun le « sans sulfites ajoutés ».
Est-ce si important ?
Mon opinion est mitigée.
Pour l’heure le consommateur-type de vin nature est fléché caviste spécialisé alors la concurrence déloyale n’a pas beaucoup d’impact sur l’image de ce type de vin.
En revanche, l’utilisation sur l’étiquette du mot NATURE dans les 2 cuvées de Monop : l’une bio issue d’une coopé : Rauzan et l’autre non bio d’un vigneron rattachée à un logo commercial (le petit escargot) est indue et de nature, si je puis l’écrire, à « enduire » le consommateur en erreur.
Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, faites comme moi, délestez-vous de 25€ et envoyez-moi un petit compte-rendu de votre buvaison.
Merci par avance.