Au cours d'une conversation avec mon ami François, le président de la région Bourgogne, alors qu'il occupait le 78 rue de Varenne, et que les conclusions de mon rapport le laissaient dubitatif, j'avais eu cette boutade "La Bourgogne, de part son image et sa dimension, est condamnée à l'excellence..." Façon de dire que mes élucubrations ne s'adressaient pas en priorité à cette belle Région. Ce matin, rebondissant sur ma boutade, il m'est agréable de souligner, même si certains vont de taxer d'être trop gentil, un comble pour moi, que s'il est bien une maison qui symbolise cette excellence bourguignonne c'est bien la maison Louis Jadot que dirige Pierre-Henry Gagey. Mais, aujourd'hui, c'est au président de l'Interprofession : le BIVB que mes 3 Questions s'adressent. En effet, dans les débats actuels qui agitent, à juste raison, notre beau secteur le poids de la Bourgogne, sa part de voix comme disent les spécialistes, sa petite musique, vont peser lourd. Je remercie Pierre-Henry Gagey de sa disponibilité.
Question n°1 :
Bonjour Pierre-Henry Gagey, lors de l’assemblée générale du BIVB, le 28 juin, vous avez déclaré dans votre rapport moral : « Sur le plan économique, la Bourgogne va encore plutôt bien. Après une campagne record, nous sommes actuellement dans le dernier trimestre de la campagne 2008/2009, qui a démarré rapidement et s’est poursuivie sur un bon rythme. » Pourquoi ce encore ? Êtes-vous inquiet de l’évolution de l’environnement économique international ?
Réponse de PH. Gagey : En 2007, tout a fonctionné merveilleusement pour la Bourgogne. La demande aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et au Japon, qui sont nos trois marchés les plus importants, s’est raffermie et le millésime 2005 qui est d’une qualité exceptionnelle a tiré toute notre région. Si nous ajoutons à cela la grande popularité du cépage Pinot Noir à travers le monde, toutes les conditions étaient là pour que le succès soit au rendez-vous. Comme toujours, nous avons des difficultés à trouver l’équilibre et quand nous vendons bien, nous avons tendance à vendre trop bien. Cela entraîne inévitablement une tension sur les achats entre le négoce et la viticulture et d’un seul coup les prix se raffermissent. Le niveau très élevé de l’Euro renforce encore ce sentiment de hausse de prix à l’étranger et nous nous attendons bien sûr à un ralentissement. Ce ralentissement est souhaitable car nous ne pouvons pas tous les ans vendre plus d’une année de récolte. Sera-t-il harmonieux, je ne le sais pas car comme toujours quand les ventes baissent, elles baissent parfois trop vite. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu dire à tous les opérateurs bourguignons : « attention, essayons d’atterrir en douceur, ne profitons pas de cette impression de manque pour augmenter nos prix car nos clients ne comprendraient pas. Au contraire, soyons d’une grande vigilance afin de pouvoir redémarrer tranquillement l’année prochaine ».
Question n°2 : Toujours lors de cette assemblée, en introduction du débat sur « agrément, typicité et marchés », en présence d’Yves Bénard, président du CN Vins et Eaux-de-vie de l’INAO vous avez souligné que la Bourgogne « mosaïque de terroirs » ne pourrait pas se contenter d’une « définition simpliste et triviale » de la typicité et que vous n’iriez pas au-delà « d’un renforcement les procédures d’agrément permettant d’éviter aux consommateurs certains vins ayant des défauts et faisant tort à notre Bourgogne. » Pensez-vous être entendu du CAC ? Beaucoup de vignerons d’autres régions sont, vent debout, contre la dégustation sanction "appartenance à la famille sensorielle de l’appellation. Le bon sens va-t-il triompher ?
Réponse de PH. Gagey :
La Bourgogne a été pilote pour mettre à l’essai le nouvel agrément. Depuis maintenant 2 ans un certain nombre d’appellations et de maisons de négoce ont joué le jeu afin de voir en réel ce qui allait pratiquement se passer. Les résultats ont été très positifs et nous sommes ravis de généraliser cette nouvelle procédure d’agrément. Par contre, nous avons clairement dit au CAC que notre souhait était l’élimination des défauts dans les vins et en aucun cas l’analyse de la typicité de telle ou telle appellation. Les professionnels bourguignons sont très soudés sur ce sujet et je pense sincèrement que le bon sens l’emportera. Quoiqu’il arrive, nous serons extrêmement vigilants et nous n’avons aucunement l’intention d’y déroger.
Question n°3 :
Dans le grand débat sur la gouvernance de la filière, avec le président Patriat, vous appelez à la vigilance car « vous ne souhaitez pas une économie administrée depuis Paris mais une gestion régionale de la filière. » Je partage depuis toujours ce point de vue mais pourquoi les professionnels, les entreprises du vin en général, à l’image d’autres grands secteurs économiques comme l’automobile, où à l’instar de Wine Australia, ne prennent-elles pas leur destin en mains, hors pouvoirs publics, pour mieux assurer le lobbying de leur produit au plan national ou international sur des sujets de grande importance à l’avenir : pesticides, taxe carbone, santé publique ?
Réponse de PH. Gagey :
En France, le monde du vin est fortement ancré dans la culture d’appellation d’origine contrôlée. Ce système mis en place dans les années 30 est un système collectif où l’état joue un rôle important, au même titre que les professionnels. Se dégager complètement de l’Etat est bien sûr un rêve quand on regarde ce qui se passe dans le nouveau monde, mais je crois que c’est un rêve irréaliste. Dans notre pays, les évolutions ne peuvent pas être aussi brutales car nous savons que dans la gestion du bien commun (l’appellation), nous, producteurs de vin, pouvons aussi faire des bêtises, surtout quand la situation est trop bonne et là, nous avons besoin d’intervenants extérieurs pour nous ramener dans le droit chemin. Je suis d’une tendance très libérale mais l’AOC mérite un encadrement. Naturellement il ne s’agit pas d’être contrôlé en permanence par l’Etat mais simplement encadré intelligemment et subtilement. C’est dans ce sens que nous souhaitons la réforme des AOC et bien sûr un pouvoir accru à chacune des régions. Il ne faut pas que tout remonte à Paris car les décisions prises nationalement sont souvent peu adaptées ; les problèmes ne peuvent pas se résoudre de la même façon en Bourgogne, à Bordeaux ou en Languedoc.