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10 juillet 2008 4 10 /07 /juillet /2008 00:00

Paris est une ville pleine de surprises, surtout lorsqu’on s’y meut à vélo. Dans les quartiers où les bourgeoises à l’ancienne – comme le pâté – permanentées et manucurées et les jeunes bourgeois échevelés ou rasés, en jeans et baskets, font la queue,  tels de vulgaires consommateurs de l’ex URSS face aux magasins d’Etat,  devant les échoppes gorgées de bons produits naturels, les devantures affichent des quasi-professions de foi. Dans la bonne bouffe on milite alors que dans la malbouffe on communique. Donc, en une belle fin de journée je pédalais joyeusement lorsque le rouge d’un feu m’obligeait à mettre pied à terre. Ce temps de latence je le mis à profit pour lécher les vitrines avoisinantes. Bien m’en pris car je découvris sur l’une d’elle une dénomination de choc : « Vins de Paysans éclairés » accompagnée de clichés des dits paysans éclairés. Permettez-moi de décrypter en commençant par le qualificatif éclairé.  


 

 

Dans l’histoire des Idées politiques, ce qualificatif fut mis en lumière par les philosophes des Lumières (facile j’en conviens) à propos du despotisme. Pour eux, les despotes  éclairés, des monarques,  guidés par la raison exerçaient leur  pouvoir absolu en se présentant comme les premiers serviteurs de l’Etat. Les plus emblématiques furent Frédéric II de Prusse et Catherine II de Russie qui ont entretenus une correspondance avec les philosophes du siècle des Lumières et les ont soutenus financièrement. Voltaire dans Candide dresse le portrait de ce monarque idéal. Qualifié de modernes ces despotes, même s’ils mettent en place certaines réformes, ne font que mettre au service de l’ordre établi les idées philosophiques de leur temps.

 

Appliqué à nos temps postmodernes pour les hommes et les femmes de la vigne et du vin, englobés ici sous l’appellation générique de paysans – je vais y revenir – le qualificatif d’éclairé prend un éclat tout particulier (facile je sais). En effet, face au pouvoir absolu des grands groupes, aussi bien de l’agro-alimentaire que de la distribution, qui ne rêvent que de normalisation réductrice de la diversité, transformant ainsi les paysans en fournisseurs de matières premières à bas coût, se dressent des irréductibles gaulois. L’image est belle et séduisante, réconfortante aussi mais un peu trop saint sulpicienne.

 

Que les Nestlé, Unilever, Danone&Cie ou les Wall Mart, Carrefour, les saint Jean bouche d’or de Leclerc et autres hard discounter soient des vecteurs d’un modèle alimentaire réducteur et obsolète, je suis le premier à le reconnaître mais pour éclairer les pousseurs de caddies qui sont le plus grand nombre les petites bougies ne suffissent pas. Sans ironiser sur leur côté sandales, shorts et chemises à fleurs, très babas cool ou néo-ruraux, nos paysans éclairés, aussi sympathiques qu’ils fussent, ne feront pas bouger d’un millimètre les lignes.

 

Pour autant je ne m’agenouille pas devant les propres sur eux, les cols blancs comme dirait l’ami Bizeul, mais je continue de penser que pour influer, changer les pratiques, il faut regrouper tous ceux qui se retrouvent autour d’une conception du vin adaptée à son temps sans renier la tradition. Une Claire Naudin, vigneronne en Bourgogne, présidente du suivi aval qualité au BIVB fait plus que bien des paysans éclairés pour que notre petit monde du vin retrouve ses marques.


 

 

Paysan, quel beau nom pour moi qui suis un fils de paysan du bocage vendéen ! Mais entre le paysan du « bonjour notre maître », de la « Terre qui meurt » de René Bazin, de la Corporation Paysanne de Pétain et le « Paysan-Travailleur » cher à Bernard Lambert devenu dans les années Mitterrand Confédéré Paysan, il y a un voisinage – un voisinage pas une communauté de pensée, on n’est jamais responsable des idées de ses voisins – qui me met mal à l’aise. Affirmer que seule une agriculture proche de la terre, paysanne, maitrisant la chaîne de ses produits, non marchande ou si peu,  soit une alternative crédible à une agriculture productiviste c’est entretenir de l’illusion et rendre impossible ou difficile la nécessaire transformation de nos systèmes de production. Entre l’agri-manager et le paysan éclairé je continue de croire qu’il existe des femmes et des hommes entreprenants, soucieux de leur environnement, désireux de créer de la richesse pour leurs enfants et leur pays, sans pour autant ruiner l’avenir de la planète, qui sont prêts à faire émerger des entités à taille humaine s’appuyant sur des modes de distribution innovants.

 

Dans ma lettre aux vignerons et vigneronnes du Languedoc, j’ai osé écrire qu’il n’y avait pas de sot métier, ni des métiers de cons, si on veut bien se prendre en mains, redonner au statut coopératif tout son sens : faire ce que le paysan viticulteur ne peut faire seul, du vin, pour vivre dignement au pays et non perdurer avec des expédients. Même si c’est ronflant de l’écrire tel est pour moi le sens profond du bien public : se mettre au service du plus grand nombre. Agir sur le réel ne change pas le réel mais fait que l’avenir soit le plus possible ce que l’on souhaite qu’il fut. Réformer est moins excitant que Révolutionner mais, dans l’Histoire des Hommes, c’est ce que j’ai trouvé de mieux en magasin…

 

À propos de magasin, un petit mot de celui qui promeut les vins de paysans éclairés : Arold 3, rue Monge, dans le Ve arrondissement cher à Jean et Xavière Tibéri, cher à mon cœur aussi, dont le patron est un homme jeune et avenant. Profession : Traiteur et un récent n° du Point sur les bonnes adresses parisiennes du bien manger accorde à sa terrine de campagne des lauriers en indiquant aussi la qualité de sa cave de vins "natures". Pour la petite histoire sur la photo le vigneron en pantalon est : Claude Courtois de Soings en Sologne, Loir-et-Cher et le vigneron en short est Olivier Cousin de Martigné-Briand dans le Maine-et-Loire.

 

 

Bien sûr j’ai acquis des flacons de ces deux paysans éclairés. Ils feront l’objet d’une dégustation dans le cours de l’été.

 

 

Par qui ? That’s the question…

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