Y’a des jours où, en me levant, je me dis dans ma petite Ford d’intérieur, tu n’es qu’un pauvre niais, t’as raté ta vie, tu es à côté de la plaque, t’aurais dû faire organisateur de spectacle pour grands amateurs. Ça t’aurais fait voyager au sens propre comme au sens figuré. T’aurais ainsi rencontré plein de gens cultivés. T’aurais appris à faire des moyennes sur 20, à classer, à écrire des beaux commentaires du style « Couleur rouge sombre, d'intensité moyenne. Nez fin, fruité, subtil. La présence de cèdre annonce le début d'un bouquet. Bouche soyeuse, très savoureuse, à la note fumée et grillée et aux tannins fins. Densité normale. Persistance légèrement vive, mais savoureuse et distinguée. A perdu son excès de bois. On peut commencer à l'ouvrir et avant 2030. »
Trop tard pour te reconvertir les bonnes places sont déjà prises mais tu peux quand même te fendre de quelques conseils pour aider tes chers lecteurs à organiser, comme JM Quarin, une petite dégustation à 19000€ de 7 millésimes des 4 grands de Saint-Émilion classés A conservés en Suisse.
Ha ! Les bulletins de JM Quarin, à chaque livraison électronique je suis excité comme une puce, une guêpe au-dessus d’un bocal de confiture. D’avance je me pourlèche les babines. Je me hâte. Je me jette comme un mort de faim dans leur lecture. Ils sont à déguster sans modération, pas à l’aveugle bien sûr, mais dans les règles de l’art. Surtout ne jamais les laisser en carafe. J’avoue sans honte que très souvent j’atteins l’extase : je jouis en solitaire !
Comme je suis partageux, hors du sérail, je ne puis m’empêcher de vous faire profiter des lumières de JMQ qui, je l’espère, donneront de l’éclat aux dégustations que vous allez vous empresser d’organiser avec vos amis.
Bonne dégustation comme nous le serinent les sommeliers en habit de croque-mort
1- Avoir envie de réunir quelques amis autour des millésimes : 2009, 2008, 2006, 2005, 2004, 2003 et 1998 des 4 premiers grands crus classés A de Saint-Emilion : les 2 anciens Ausone et Cheval Blanc et les 2 nouveaux Angélus et Pavie.
2- Disposer de vins achetés en primeurs, conservés en Suisse, à 850 km de Bordeaux afin de faire la démonstration aux ignorants qui « croient que les vins s'abiment parce qu'ils voyagent loin. »
3- S’assurer que vos quelques amis veuillent allonger sur la paillasse environ 19 000 euros
4- Pour les convaincre du bien-fondé de leur exercice dégustatif mettre en avant 2 questions essentielles :
- Les deux crus historiques, Ausone et Cheval Blanc enchanteraient-ils ou décevraient-ils ?
- Comment vont se comporter les deux nouveaux entrants : Angélus et Pavie ?
5- Afin d’avoir un sujet de discussion après la dégustation demander à vos quelques amis assemblés de lire l'arrêté du 6 juin 2011 relatif au règlement concernant le classement des «premiers grands crus classés» et des «grands crus classés» de l'appellation d'origine contrôlée «Saint-Emilion grand cru» signé par Bruno Le Maire et Frédéric Lefèvre. link
6- Suite à cette lecture faire semblant de croire, en pointant du doigt les incongruités de ce texte, que la plume de l’arrêté a été tenue par le Ministre et ses affreux fonctionnaires alors que tout le monde sait au village qu’il est le fruit des hautes réflexions de qui vous savez et qu’il a été gravé dans le bronze par les « moutons » du syndicat dit ODG.
« En choisissant d'instituer le bon goût d'une des régions viticoles les plus connues au monde à travers un règlement où la note sur le goût ne compte que pour 30 %, on peut se demander quelle mouche a piqué le législateur ? »
7- Disposer du petit matériel indispensable à toute bonne dégustation tire-bouchons pro, carafes bien rincées, verres propres, crachoirs ad hoc, blocs et crayons pour commentaires et notations.
8- Se payer un préposé pour réaliser les opérations matérielles afin qu’aucun biais ne s’introduise dans l’exercice dit à l’aveugle.
9- Indiquer à vos quelques amis, avant qu’ils mettent leur nez dans leurs verres, que la domination se jouera au ½ point près tout comme le niveau des 4 grands.
« Les deux premiers crus historiques (chacun 3 fois premier) dominent la dégustation. Un éclat gustatif et aromatique les caractérise. Ce référentiel aromatique, de parfums, de goût et de texture distingue aussi le classement des crus bourguignons. Je dirai même qu'il est le dénominateur commun des plus grands vins du monde. Dans sa courte histoire depuis l'introduction de la barrique dans ses chais en 1985, Angélus se remarque aussi pour sa capacité à offrir un goût éclatant, mais moins souvent. Pavie y échoue fréquemment. Il apparaît donc à travers ma dégustation l'idée que ces quatre premiers grands crus classés A de Saint-Emilion ne sont pas exactement au même niveau. »
La chronique de JMQ link