Le cycliste que je suis, lorsque le thermomètre se permet de descendre très au-dessous de zéro et que de surcroît l’impression de froid est amplifiée par de tranchantes lames de vent, mon corps a besoin de carburants autre que le café et le thé. Seule l’eau chaude fortifiée a sa place en ces temps de bonne froidure. Dès que le moteur a des ratés je m’arrête donc à la pompe pour faire le plein. Les deux premières boissons : le grog et le Viandox, entrent naturellement dans le champ de ma définition alors que la troisième : le vin chaud ne semble pas bien coller avec ma définition. Sauf que le vin c’est 80% d’eau donc j’ai raison !
Le grog semble être le territoire exclusif du rhum mais là encore les us et coutumes locales peuvent s’y substituer : voir ainsi ma chronique normande : l’eau chaude link Au risque de me faire traiter de parigot tête de veau d’un établissement dédié au rhum, sis au 166 Bd saint-Germain, qui tout naturellement se dénomme La Rhumerie. link
« Le grog est une invention de l’amiral anglais Edward Vernon qui, en 1740, eut l’idée d’ajouter un litre d’eau chaude à chaque quart de litre de rhum que l’on distribuait à ses marins, afin de réduire leur consommation de rhum. L’amiral était surnommé «le vieux grog» du fait que le vêtement qu’il portait en permanence était en tissu grossier, dit à gros grain, et appelé pour cette raison grogram en anglais. C’est ainsi que le surnom de l’amiral devint celui de la nouvelle boisson. Par la suite, du jus de citron y fut rajouté une fois ses propriétés antiscorbutiques connues. »
Mon second carburant est le Viandox. Pourquoi diable mettre en avant ce jus industriel plein de trucs pas clairs : extrait de levure, colorants : caramel (E150a - E150c), sauce soja (eau, fèves de soja, blé, sel), exhausteurs de goût : glutamate de sodium, inosinate et guanylate de sodium, acidifiants : acide citrique et acide lactique, extrait de viande de bœuf, extrait d'épices (fenugrec, livèche), arômes (dont céleri) détenu par une multinationale : Unilever ?
Tout bêtement parce que, lorsque j’accompagnais mon père à la foire aux bestiaux, tôt le matin, c’est ce que nous consommions pour nous réchauffer. Bien évidemment, en ce temps-là, ce jus de viande inventé par Justus Von Liebig ne faisait pas l’objet d’un étiquetage informatif et, pour dire le vrai, nous ne nous posions pas de question. Moi j’aimais bien ce brouhaha des conversations, des invectives, des histoires grasses, cette promiscuité avec les maquignons, les éleveurs, qui eux carburaient plutôt au petit blanc ou à la goutte. Avec le bouillon Kub fabriqué au Blanc-Mesnil link ce sont des gorgées de mon enfance que j’absorbe comme carburant en absorbant mon Viandox, sauf que pour dégoter un café qui sert du Viandox au bar il faut se lever de bonne heure.
Reste le Vin chaud qui est redevenu tendance car il peut se permettre de nombreuses fantaisies. Il a même droite à un site sur le Net link dans la nuit des temps le vin chaud épicé remonte à l’Empire Romain. . Sa composition en est donnée dans le Livre I. De Re Coquinaria d'Apicius. Par la suite, la majorité des recettes sont originaires de de pays catalans ou de langue d'Oc. Au XIIIe siècle, Montpellier fut réputé pour faire le commerce de vins épicés, des écrits montrent que la « recette » de ce vin remonte en l'an 1249. Sa fabrication était possible grâce au port de Lattes qui recevait les épices venues d'Orient. Sa renommée était telle qu’Henri III d'Angleterre s'en fournissait pour sa table : un document relatif à une commande de ses commandes nous fournit la première mention et recette de ce vin. Ce vin avait pour nom garhiofilatum, un mot du latin médiéval désignant le clou de girofle, épice reine des vins épicés.
Pour faire plaisir à l’internationalisme de Léon soulignons que, même si Angela et notre Président ne sont pas addict, la plus vieille cruche à vin chaud appartenait au Comte Jean IV de Katzenelnbogen, en argent et plaquée or, date d'environ 1420. Plus au nord, en Suède, comme je l’ai déjà signalé dans ma chronique sur le vin de l’île de Gotland la tradition du vin chaud s’installa quand le roi Gustav Vasa, grand amateur se le fit préparer avec un vin du Rhin, du sucre, du miel et des épices (cannelle, gingembre, cardamome et clous de girofle) À partir de 1600, cette boisson aristocratique devint populaire et prit le nom de Glögg (vin chauffé). Dès les années 1890, la tradition du vin chaud s'amplifia lors de la période de Noël. En Finlande, on l'appelle glögi.