L’édito de Michel Rémondat dans Vitisphère « des blogueurs et des journalistes » a provoqué une de ces petites tempêtes qu’affectionne notre micro marigot de la blogosphère du vin. Qui sème le vent récolte la tempête déclare un vieil adage, alors celle-ci n’a été qu’à la hauteur des arguments développés par l’auteur, échevelée, outrée, vite oubliée. J’y ai participé en donnant la parole à un jeune homme censé, Ryan O’Connell, dont la réponse link sans outrance m’est apparue se situer à la bonne hauteur face à un édito dont j’avoue n’avoir pas bien saisi où il voulait en venir et où je n’ai perçu aucune forme d’ironie humoristique. Mais qu’importe, les blogueurs agglutinés dans un même paquet, de la même manière que : les jeunes, les seniors ou les femmes, par leur amateurisme, leur manque de sérieux, leur absence de modèle économique, enlèveraient le pain de la bouche de ceux qui en ont besoin pour se nourrir. Nous enfoncerions plus encore un secteur déjà sinistré. Les hordes de blogueurs baladés en autocar par de sémillantes attachées de presse pratiqueraient la politique de la terre brûlée. J’exagère à peine.
Je m’attendais, puisque le patron-éditorialiste de Vitisphère fut un peu secoué, à ce qu’il y ait, comme je le pratique sur mon espace de liberté lorsque je lance un pavé dans la mare, un vrai débat argumenté. Que nenni, dans son nouvel édito, Michel Rémondat, ne revient pas sur le fond de son texte, mais adopte une stratégie qui mêle attrition et évitement. Le titre est étrange : lendemain de fête, la sienne d’abord : « Ce fut ma fête ! » pour, après avoir regretté le bon vieux temps du web qui était, selon lui, « un espace de courtoisie plutôt festif », mettre en avant la fragilité du Web due à des évènements qu’il qualifie de plus importants que nos petites humeurs – comme je le comprends mais à ce tarif-là on peut évoquer plus encore le rôle des réseaux sociaux dans le printemps arabe et en Chine – « la fermeture du site Megaupload, l'introduction en bourse de Facebook, les actions des Anonymous… »
Alors conclut-il bizarrement : « La fête est-elle finie ? » en ajoutant, sûrement pas !
Mais de quelle fête s’agit-il ? A-t-elle jamais existée ? La Toile libertaire des origines est enterrée depuis un bail et les maîtres des tuyaux du Net, les mercantis ont définitivement gagnés la partie, eux-seuls ont monétisé leur emprise. Alors pourquoi s’inquiéter de nous petits blogueurs de rien du tout, comme le disaient si bien les deux duettistes du Jumillagate ? Nous ne sommes que des survivants d’une période en phase terminale : l’ordre va enfin régner sur la Toile ! La récréation sera bientôt définitivement terminée : Google, Face de Bouc and Co vont mettre le troupeau dans de belles enclosures. Fini le Far West, la gratuité, la prédation, les grands espaces de liberté…
Pour autant, les grands systèmes intégrés recèlent des failles que nous, les chiures de mouches de la Toile, saurons exploiter. Puisque maintenant tout est lié sur notre planète, pourquoi continuer de s’ingénier à vouloir aborder les choses de façon fragmentée, segmentée. Dans nos sociétés démocratiques ouvertes nous recevons chaque jour de grandes quantités de messages. Savons-nous les ranger, les ordonner les uns par rapport aux autres, les prioriser ? Les médias traditionnels confondent la partie et le tout, ne distinguant pas l’urgent de l’important et nous transforment en consommateur passif, incapable de faire un tri. S’ajoute à ce trop-plein, à cette dictature de l’immédiateté, la grande fatigue de l’Occident : nos modèles ont perduré, ont été réadaptés, réimités, et pour autant nous n’arrivons pas à abandonner nos postures de supériorité.
Vous allez m’objecter que je suis en train de vous entraîner loin des vaguelettes de l’édito de Michel Rémondat et encore plus loin de nos rangs de vignes, de nos tonneaux ou de nos caisses à exporter. En êtes-vous si sûr ? À force de vouloir défendre des prés-carrés surpâturés, en voie d’épuisement, de vouloir soi-disant nous protéger avec des lignes Maginot illusoires, si nous ne faisons pas l’effort de remailler l’infiniment petit, ce qui peut apparaître, si l’on ne prend pas un peu de recul, un fouillis, un puzzle inextricable, alors nous gaspillerons ce qui fait notre singularité, notre avantage face aux émergeants qui sont devenus l’usine de monde. Oui, j’affirme que je crois au retour en force du contenu, du fond, de l’intelligence en sa meilleure acception.
Face à notre fatigue de Vieux Monde, à notre goût immodéré de ressasser nos illusions perdues de centre du monde, à notre complaisance vis-à-vis des déclinistes, à nos égoïsmes de nantis, nous pouvons opposer l’envie de vivre ensemble, de nous forger de nouveau un destin commun, de refonder la citoyenneté, de remettre en valeur le bien commun. Illusions d’un taulier en bout de course, d’un ex-soixante-huitard amorti… peut-être mais je suis certain que les gardiens du Net ne pourront rien contre ce mouvement d’apparence désordonné mais vivifiant, tonique et surtout vivace. Nos petits espaces de liberté sont et resteront des petits cailloux dans les grolles des Géants. Les e-informateurs s’alimentant à l’aune des dépêches d’agence, des communiqués de presse, en boucle ont du souci à se faire, pas nous petits blogueurs qui n’entrons en concurrence avec personne, qui ne mangeons le pain de qui que ce soit. Nos modèles économiques bricolés, bout de ficelle ou double vie, font de nous des virus résistants et quasi-indestructibles.
Je suis sur le Net depuis la mise en ligne en 2001 de ce qui est devenu, grâce à la Toile, le rapport B. Il a fait le tour du monde et depuis Google m’aime. En ce temps-là, Vitisphère titrait « Le rapport Berthomeau sonne la fin de l’été » et déclarait que « le rapport remis au Ministre de l’Agriculture fin juillet semble plutôt bien accueilli par les responsables professionnels. Pourtant il met au grand jour, sans détours, les faiblesses de la filière vitivinicole dans la compétition internationale. Quelles sont les raisons de cette approbation générale (qui ne dit rien consent) ? Que contient le rapport de Berthomeau ? Qu’est-ce qu’il ne contient pas ? » et Michel Rémondat d’écrire dans un bel élan : « Le rapport de J. Berthomeau tombe à pic. A la manière du colonel Charles de Gaulle qui en 1936 suggérait de créer des régiments de chars d’assaut, pour résister aux « panzers divisions allemandes », J. Berthomeau propose le renforcement des entreprises, la création de marques, une politique contractuelle entre les producteurs et les opérateurs commerciaux pour contrer les stratégies de conquête des pays concurrents… »
Bien, comme vous en vous en doutez en ces temps électifs il ne me reste plus qu’à croire dans un destin national… Faire de l’A.B.V. le socle de ma résistible ascension… Je rigole bien sûr car j’ai si longtemps fréquenté les ors de la République que je n’ai nulle envie de m’y retrouver enfermé. Pour autant, je ne lâcherai pas prise dans mon minuscule combat entamé en l’an 2000. J’aime convaincre. J’aime le débat. Je suis pugnace. Je ne lâche jamais prise. Alors, entre mes éleveurs à la ramasse et mon espace de liberté, j’agis, je vis et ça suffit à mon bonheur, et si par surcroît ça intéresse des lecteurs que demander de plus ?
Qu’une seule chose que vous vous mobilisiez autour de l’A.B.V ! link
C’est le geste qui sauve.