Les libertaires, quand ils ne sont pas devenus sectaires à force de trop bouffer du curé et de la culotte de peau, sont de bons vivants plutôt ripailleurs et bon buveurs. Benoist Rey qui, comme ma pomme, a « connu la saumâtre cuisine des collèges de curés », vient de commettre un petit opus au titre gouteux « Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir » aux éditions libertaires bien sûr 10 euros.
Adepte, comme Joseph Delteil (lire chronique « La cuisine émoustille l’âme : je choisis mon pain entre cent, à des lieues, et je foule mon vin moi-même... » link) de la cuisine considérée comme un art primitif, notre homme, cuisinier autodidacte, bonne plume, nous offre une tortore roborative toujours ponctuée du jaja qui va avec. Benoist Rey, dit « papy Mauzac » dixit ses petits enfants, est addict depuis vingt ans du Mauzac nature de Robert Plageoles à Cahuzac alors je peux hisser le drapeau noir au-dessus de la marmite ! Je le fais avec d’autant plus d’entrain que notre Ariégeois d’adoption sait porter le fer là où ça fait mal lorsqu’il écrit « Après la cuisine « bourgeoise », après la « nouvelle » cuisine nos Vatel modernes ont inventé la cuisine « déstructurée ». Trop alambiquée pour moi, je l’ai rebaptisée la « cuisine démolie ».
Rien que pour vanner Siné et tous les libertaires bouffeurs de curé : tout de même, vous faire imprimer dans un patelin répondant au nom de Vauchrétien, faut pas charrier mémé...
Pour vous mettre en appétit : une profession de foi - désolé Benoist - que je fais mienne moi qui fait toujours mon marché...
Le Marché
« C’est là où commence la vraie cuisine. Celui qui ne fait pas son marché est un faiseur. « et surtout, lève-toi tôt ! » dixit Delteil. Au saut du lit, à la pointe de l’aube, petit déjeuner roboratif et silencieux. Du café fort. Ne jamais jeter celui de la veille : il fera l’affaire avec son odeur de recuit et son goût de caramel.
Pendant vingt ans, j’ai mangé chaque matin, trois œufs au plat ou à la coque. Le pain de la veille est grillé. Du beurre, salé évidemment. Miel ou confiture, selon l’envie ou le ciel. Il faut toujours commencer une journée le ventre plein et chaud. Le jeûne et l’abstinence sont l’invention des curés de toutes confessions. Tout petit, chez les « bons pères », je tombais d’inanition, en attendant le petit déjeuner, après la messe et l’étude.
Et surtout, prendre son temps. Être lent est un luxe de pauvre. Depuis plus de quarante ans, je ne dois plus mon temps à personne qu’à moi-même. Et pourtant je ne le ménage pas. Je l’étire à mon goût, j’en dispose à mon gré. C’est pour cela que la course et la vitesse me semblent une occupation d’imbéciles. Aller vite pour revenir à son point de départ, quelle ânerie ! quelle perte de temps !
Pendant vingt-cinq ans, le marché de Saint-Girons, en Ariège. Un conseil : y arriver tôt. Le temps de faire le tour des étals, tous les sens en éveil. Toucher, tâter, renifler, goûter, au besoin. La fermeté d’un légume, le satiné d’un fruit, l’œil d’un poisson, l’onctuosité d’un fromage, l’odeur d’un pain... »
Pour finir : une anecdote à propos du regretté Marcel Lapierre, un aphorisme et une histoire de vigneron
- « Au premier salon (tout à fait informel) des vins sans soufre (mais pas sans soif), il ouvrait bouteille sur bouteille. À Poulos qui lui demandait comment il avait prévu si large, Marcel lui répondit, impérial : « j’en ai pris trop pour qu’il y en ait assez. »
- « un repas sans ail, c’est un baiser sans moustache ! »
- « Un vigneron se retrouve sous son tracteur, les jambes broyées. Au médecin du Samu qui lui demande : « Vous souffrez », il répond, stoïque : « Non je sulfate. »
Allez, comme l’écrit Benoist Rey « Que ce livre vous donne faim et soif ! »
Allez Françoise pousse la chansonnette pour Benoist !