Cette année le « avril ne te découvre pas d’un fil » n’a pas résisté aux ardeurs du soleil : les filles se sont effeuillées et la vigne s’est éclatée. Alors, fallait-il en parler au risque de me voir accuser d’avoir le mauvais œil, d’être un oiseau de mauvais augure, celui par qui les mauvaises nouvelles arrivent ? J’ai hésité. J’ai tergiversé. Puis je me suis dit qu’étant donné mon absence de ligne directe avec le Bon Dieu je pouvais faire référence directe à ses Saints. Ces 3 là ont un peu la gueule de Robert Ménard, c’est-à-dire tellement une sale gueule qu’on les a virés du calendrier. Faut dire que ces gars-là avaient des noms à coucher dehors Mamert, Servais, Pancrace et pour les remplacer les 11-12 et 13 mai le calendrier leur a préféré 2 femmes sainte Estelle et sainte Rolande, et Achille.
Moi je dois avouer, vu mes états de service en tant qu’enfant de chœur, que je rends grâce à Saint Mamert d’avoir introduit la fête des Rogations à partir de 470, afin de mettre fin à une série de calamités naturelles. (Lire une très belle chronique de février 2006 link ) A cette occasion les agriculteurs se retrouvaient et récitaient au cours de processions paroissiales des prières pour protéger les cultures durant ces jours critiques. Mais retour du bâton le patronage de ces saints ne se révélant pas toujours favorable, ils ont fini par incarner le retour du froid. D’où leur appellation : les saints de glace.
Je laisse la plume à mon vigneron bourguignon.
« Le onze, il se lève à l’aube.
Une sombre inquiétude lui resserre les entrailles.
C’est la Saint-Mamert, le premier des trois Saints de glace, ces saints qu’on redoute toujours, sans les révérer jamais.
On ne saurait rendre culte qu’à la bonté.
Mamert, Servais, Pancrace – un bien mauvais patron, celui-là ! (au dire des vieux s’entend) – les trois saints vendangeurs, en une seule journée, onze, treize ou quatorze, se substituent au vigneron, pour cueillir de leurs doigts de glace, l’espoir d’une récolte, à laquelle les hommes ne devraient pas consacrer moins de quinze longues journées.
Le Toine se risque sur son meurot, et, appuyé au garde-fou, il examine le ciel, débarrassé des nuages de la veille.
Rien à craindre, dans l’immédiat tout au moins.
D’ailleurs, signe rassurant, depuis une bonne quinzaine déjà, l’aubépine s’est parée de ses fleurs.
Malheur aux vignes, quand, au jour de leur fête, Mamert, ou Servais ou Pancrace, font fleurir l’aubépin !
Si l’arbuste tapisse les buissons de sa neige, une autre neige printanière s’ensuivra, celle des gelées blanches, qui fagotera dans son linceul les trop jeunes raisins, trop tôt éveillés aux sarments. »