Avec ta crinière blanche, tes petites lunettes cerclées, tes yeux vifs et ton franc sourire accroché à tes lèvres, cher Yves, tu ne fais pas ton âge, c’est un autre vieux qui te le dit, et plus encore tu as une forme d’élégance que je ne rencontre plus guère en ce monde formaté et aseptisé.
Tu as l’élégance du peuple, tu fus chaudronnier dans ta jeunesse du côté de chez Citroën, même adhérent à la CGT. Pedigree étonnant et détonnant pour le boss d’un syndicat de cavistes professionnels.
Pro tu l’es assurément mais avec une forte dose d'indépendance.
En ton Chemin des vignes, au fin fond d’Issy-les-Moulineaux, avec tes ceps accrochés au flanc du RER, ta guinguette et ta caverne d’Ali Baba, tu cultives avec bonheur l’art et la manière de magnifier le vin.
Normal me rétorquera-t-on tu es marchand de vins.
Certes, mais il y a en toi un mécène qui sommeille. Mieux que quiconque tu sais que l’âme du vin a besoin de lieux où sa magie se révèle, s’épanouit. Alors, tu te fais à la fois metteur en scène, producteur, chef d’orchestre, régisseur… pour nous faire aller d’un verre partagé à un superbe concert après nous être extasiés face à l’exposition de 30 ans de photos de Pierre Parcé et des toiles géantes de Jean Emmanuel Parcé. À peine remis de notre extase musicale tu nous accordes une petite station pour que nous dégustions quelques cuvées de la Rectorie : l’Argile et Barlande. Tes invités sont à ton image ouverts et diserts.
Mais, avant d’aller plus avant dans cette soirée, permets-moi Yves de te remercier de m’avoir offert cet instant rare que fut le concert avec Thierry Parcé au piano, Pedro Soler à la guitare, Gaspard Claus au Violoncelle et Carla Pallone et Christelle Lassort aux violons.
Transporté !
Les 3 jeunes pousses de Vacarme link Gaspard, Carla et Christelle… osent tout avec une audace extrême, une fraîcheur insolente et une sensualité puissante. Oui je fus transporté, élevé, extirpé du gris de la grisaille du temps, hors du temps pour un moment de grâce. Rare. Ils iront loin c’est tout le mal que je leur souhaite.
Cette mise en exergue de la jeunesse ne me fait pas oublier Thierry Parcé dont la sobriété d’interprétation a transfusé à la minéralité froide du lieu une chaleur charnelle, celle de la vie. Le sentiment d’être chez moi, intimité subtile, communion.
À propos de Pedro Soler et Gaspard Claus j’aime beaucoup cette citation de Richard Robert « Grande est la tentation de mettre l’accent sur les liens du sang qui unissent Pedro Soler humble géant de la guitare flamenco, et son violoncelliste de fils Gaspar Claus funambule reliant par la voie des airs musiques expérimentales, électroniques ou traditionnelles. Mais ce sont d’abord les liens du son, l’alchimie des timbres et la magie tellement humaine de l’écoute que célèbre leur association. Jouant la carte de l’épure contre celle du purisme, leurs échanges hors catégorie ont été fixés et sublimés en 2011 sur l’album “Barlande”. Ils ne cessent depuis de se réénergiser et de se réinventer dans le contexte imprévisible de la scène : un périmètre où ces deux feux follets convoquent les fantômes prégnants du passé et les beautés volatiles de l’instant, la mémoire et le désir, les racines profondes et la vie comme elle vient. Autant dire que dans les lieux publics qu’ils investiront au gré de leur inspiration, il se jouera plus qu’une histoire de famille recomposée par la musique : l’aventure de deux êtres libres, parvenus à l’essence même de la parole et du geste musicaux. »
Toutes ces émotions nous avaient donné faim mon cher Yves et l’heure était au dîner 4 plats préparés à quatre mains par Masashi Lijima (le 5ème péché à Collioure) link et par Mathieu Legrand (Issy Guinguette à Issy les Moulineaux) proposés en accord avec les vins du Domaine (Collioure blanc Argile 2011 – Argile 2008 -Collioure rouge Barlande 2013 – Coté Montagne 2012 – Banyuls Voile d’Argile – Léon Parcé 2012 – Thérèse Reig).
Dans la douce chaleur de la guinguette ce fut ce qu’un repas apporte à la convivialité, ce plus que nous devons cultiver, la subtile alliance entre une cuisine d’excellence, l’intelligence de la main, des vins de la Rectorie eux aussi fruits de l’harmonie d’un lieu et du travail des hommes, et bien sûr la conversation.
Avec toi Yves le temps ne paraît jamais long.
Dans ce dîner de haute tenue permets-moi Yves de saluer la lotte en écailles de chorizo, risotto de pépinette à l’encre de seiche de Masashi Lijima.
Grand !
Mais pourquoi ce jeune chef japonais s’est-il installé à Collioure ?
« Tout simplement pour la qualité de la pêche locale et les produits du terroir pyrénéen…. bien sûr catalan !
Ces produits sont essentiels pour la base de ma cuisine, c'est le mélange de la cuisine française gastronomique et des saveurs japonisantes.»
Pourquoi le 5eme Péché? «Lorsque j'ai lu une phrase écrit comme « la gourmandise est le cinquième péché de l'homme, » je l'ai trouvé sympa comme un nom de restaurant....»
Ma cuisine s'affirme par sa simplicité. Les plats privilégient des poissons pêchés du jour, des viandes issues d'élevages de la région et des légumes cultivés localement. Les clients me demandent souvent quel est le type de ma cuisine. Je leur réponds toujours : « c'est ma cuisine ». Si j'utilise des épices de tous horizons, des épices françaises, italiennes, espagnoles mais aussi asiatiques, la base de ma cuisine reste française. Dès le début de ma carrière, j'ai toujours voulu avoir mon propre restaurant, présentant un cadre original, pour passer des moments riches en saveur. Avec l'ouverture de mon nouveau restaurant, j'ai réalisé mon rêve. »
Sur le coup de 01h et des poussières, le ciel déversait des sauts d’eau et j’étais allé à Issy-les-Moulineaux à vélo. Que faire ? Affronter la douche céleste avec la certitude de me voir transformer en serpillère ou rechercher un taxi à cette heure avancée de la nuit ?
Par bonheur dans le monde du vin il y a de bons samaritains et Thierry bravant la pluie m’a ramené, mon vélo et moi, à Paris dans son fourgon. Merci, grand merci.
Dans mes mercis j’associe cher Yves, Matthieu et Aude Legrand, jeunes gens plein d’allant et de talents, sans qui ces 30 ans de la Rectorie n’auraient pas ce charme discret d’une belle fête de famille.
Enfin, au-delà du plaisir procuré par cette belle soirée ce qui me plaît dans ta démarche, cher Yves, c’est que tu pousses les cloisons qui enserrent trop souvent le petit monde du vin, tu ouvres des fenêtres sûr, de l’air, levons le nez de nos verres ! Au-delà des habituels discours sur la culture du vin tenus par de doctes intervenants tristounets place à un patchwork mêlant des talents, de tous âges, des deux sexes dans un monde du vin si mâle, mixant musique et fourchette, verres emplis et clichés de vie immortalisés, la fête dans tous ses états.
Encore une fois merci Yves de m’avoir téléphoné pour m’attirer dans tes rets d’amoureux du vin. J'espérais retrouver chez toi l'ami Marc Parcé compagnon de moults combats mais il était sur ses terres. Me reste donc pour le voir qu'à descendre à la Rectorie avec belles amies qui adorent le terroir et plus encore son nectar...
Avec ma sincère fidélité et chaude amitié.