Dans l’univers compassé des beaux nez au-dessus des verres Riedel, Denny Baldin fait vraiment tache, il est très nature, déjanté ajoutent certains, farfelu pour d’autres, un clown aux crocs rouge, poète absolument, économiste de formation et vigneron nature à l’occasion.
Tout ce que déteste le Bettane du « Nous souhaitons sincèrement aux amateurs de vin italiens ne pas avoir à souffrir à l'avenir ce qui se passe en France: une invasion de mauvais vin appelé «naturel», le soi-disant "sans soufre", avec la complicité de nombreux sommeliers, magasin de vin et de journalistes irresponsables. » dans le Gambo Rosso de janvier 2013.
Jenny répondit à la charge violente du maître en s’interrogeant sur la capacité des vieux amateurs de natures mortes du XVIIIe à entrer dans l’univers de Jackson Pollock…
« Il faut que tout change pour que rien ne change », professait Tancredi aux oreilles de son oncle dans le Guépard, tout change effectivement, les fous d’aujourd’hui seront peut-être les sages de demain ?
Qu’importe, le poète a toujours raison /Qui voit plus haut que l'horizon / Et le futur est son royaume /
(…) Entre l'ancien et le nouveau /Votre lutte à tous les niveaux/De la nôtre est indivisible…
Dans notre monde normé, aseptisé, lissé, froid, bien plus encore qu’au temps de ma folle jeunesse j’ai un faible pour les porteurs d’un grain de folie « Heureux sont les fêlés car ils laisseront passer la lumière » c’est signé Michel Audiard. « Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » écrivait Samuel Beckett.
Le petit opus « Super Natural Wine » écrit, selon Denny Baldin, dans un grand moment d’ivresse, ne fera jamais parti de la bibliothèque de référence des rationnels qui tiennent tout sous contrôle, ou presque.
Je les comprends mais, comme je ne comprends rien à leur sabir, je préfère, comme Denny, regarder par la fenêtre du microscope pour y voir l’univers tout entier au commencement du commencement…
Les pieds dans la cuve, la tête dans les étoiles, les levures racontées aux enfants… les vieux dit-on retournent en enfance. J’assume !
« Chaque année ici dans le Beaujolais nous mettons les raisins dans des cuves pour les accompagner à la naissance d’un vin. Ces cuves en béton mesurent en moyenne 4m x 4m x 4 m. Soit 64 m³. Une fois que les raisins commencent à fermenter nous prélevons régulièrement un peu de ce jus et partons en direction du labo afin d’observer au microscope comment évolue la dynamique des levures et des bactéries au fil du temps. Et il n’y a pas que le temps ! Bien d’autres facteurs y ajoutent leur grain.
Cette année en 2013, nous avons eu une moyenne de 25 millions de levures par millimètre carré soit, 125 millions de levures par millimètre cube.
125 x 10³ x 10³ x 10³ levures par m³
J’en arrive à la capacité de la cuve : 8.000.000.000.000.000.000 levures par cuve.
C’est pas stupéfiant ça ? Tellement dense, tellement vivant. Les nombres sont si grands presque infinis.
Pour vous donner un ordre de grandeur j’aimerais vous demander savez- vous combien la science a déclaré d’étoiles dans l’univers ?
Une petite idée ?
Mes recherches me disent que les scientifiques estiment un nombre de 10 puissance 24.
Si vous levez la tête au ciel un beau soir d’été vous ne verrez qu’une infime fraction du nombre total d’étoiles présentes tout là-haut.
Ce n’est pas fou de penser qu’en regardant de petits organismes au microscope on observe le même spectacle qu’une nuit étoilée au télescope ?
Regarder par la fenêtre du microscope c’est comme voir l’univers tout entier au commencement du commencement.
Pour un Super Naturel Vigneron le Bing Bang est un mythe moyenâgeux. Il est clair que pour nous chaque vinification unique à chaque cuve est un tout nouvel univers en expansion. Cet univers-là n’existait pas avant car les raisins étaient éparpillés autour du Vivier et de la Roilette. Et puis peu à peu l’univers magique se dissout j’imagine dans le ventre d’un certain mammifère ou se noie dans les effluves d’un rêveur. »