Les italiens ont-ils fait des coupes sombres ou des coupes claires dans leur budget d’achat de vin ?
C’est une dépêche de l’AFP qui l’annonce « La consommation de vin en Italie à un niveau historiquement bas ». Elle relaie l’annonce de la principale organisation agricole de la péninsule Coldiretti ADDIO AD 1 BICCHIERE SU 4 NEGLI ULTIMI 10 ANNI link. Les raisons invoqués de cette baisse de 22% au cours des dix dernières années la crise économique et des changements des habitudes de consommation semblent mêler le conjoncturel avec une tendance sur une longue période. En effet, selon l’étude c’est le point le plus bas depuis le 19e siècle et ce n’est pas nouveau. Cette lente dégradation, tout comme celle qui touche nos voisins espagnols devraient nous amener en France à une réflexion plus sereine et surtout plus fondée des causes de la désaffection d’une partie des consommateurs pour le vin. En rester à la chasse au bouc émissaire commode, la fameuse loi Evin, ne suffit pas à expliquer le phénomène qui a d’ailleurs commencé bien avant l’adoption du texte...
La consommation de vin en Italie en 2012 s’est élevé à 22,6 millions d’hectolitres contre 29 millions d’hectolitres aux Etats-Unis et 30,3 millions en France. « D’après l’enquête en ligne de Coldiretti, 32% des personnes interrogées ont indiqué ne boire du vin que dans des occasions particulières, 18% boire un ou deux verres par semaine et 6% ne jamais boire de vin. »
Pour se remonter le moral Coldiretti souligne que «L’industrie du vin a connu la plus grave crise des secteurs de l’alimentation et des boissons en terme de consommation intérieure mais est devenue leader de la production Made in Italy en se tournant vers les exportations»
Je ne vais épiloguer mais tout bêtement soumettre à votre réflexion les deux expressions de mon titre en les accolant comme je l’ai fait au cas italien bien sûr mais aussi aux Français.
C’est le sémillant académicien Jean d’Ormesson qui m’y a fait penser en ironisant sur l’un des passages de la lettre de François Mitterrand à tous les Français lors de sa seconde candidature à la Présidence de la République.
Que nous dit l’Académie Française ?
« Ces images de Coupe claire et de Coupe sombre, empruntées au langage de la sylviculture, sont fréquemment employées, mais bien souvent à contresens.
Une coupe claire, pratiquée pour laisser passer la lumière, consiste à abattre un grand nombre d’arbres. Elle est donc plus sévère qu’une coupe sombre, consistant à abattre quelques arbres seulement, sans que le sous-bois s’en trouve éclairé.
Un auteur doit donc redouter davantage la coupe claire que la coupe sombre dans son texte, et les coupes claires dans les crédits sont plus à craindre que les coupes sombres. »
Alors, il me semble, que c’est à l’intérieur du budget des ménages qu’il faut chercher le pourquoi des choix qui ont pour conséquence soit de faire des coupes claires ou des coupes sombres dans le budget consacrés au vin. Ce travail d’analyse sur des données dont on dispose aurait l’immense mérite d’identifier à la fois par classe d’âge et par CSP les évolutions et les tendances. Ce serait beaucoup plus efficace et porteur d’avenir que de n’invoquer que les freins d’une loi. Que l’on modernise la loi dites Evin je l’ai toujours défendu mais faire accroire qu’une fois ce travail fait l’horizon sera dégagé est une absurdité. Les causes de la baisse de la consommation sont bien plus profondes, ancrées dans l’évolution de nos sociétés urbanisées. Se refuser à les analyser c’est se condamner à regretter, comme le fait aujourd’hui Coldiretti en Italie, les dégâts causés par la désaffection de certains consommateurs.
Dernière remarque, le peu de cas de tous ceux qui disent être les défenseurs du vin de vis-à-vis de la consommation populaire, ainsi que l’absence quasi-totale d’une approche consumériste des journalistes du vin à l’attention de monsieur et madame tout le monde produit ses effets. Le petit marigot du vin tourne sur lui-même, se congratule, peste, ne s’adresse qu’à des amateurs ou des connaisseurs, alors pourquoi s’étonner du résultat. Reste bien sûr l’exportation mais pour garder son rang il faut savoir ne pas laisser s’éroder son marché domestique.