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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 00:09

Dans la galerie des portraits des Ministre de l’Agriculture affichés dans l’antichambre de l’Hôtel de Villeroy au 78 rue de Varenne celui d’Henri Nallet pourrait y figurer deux fois, encadrant ainsi le Ministre paysan l’inflexible lorrain François Guillaume. En effet, par la grâce de la démission nocturne de Michel Rocard, Henri se retrouva en avril 1985 un matin Ministre de l’Agriculture puis lors de la réélection de François Mitterrand à nouveau Ministre de l'agriculture et de la forêt de mai 1988 à octobre 1990 dans le gouvernement de Michel Rocard. Je garde un délicieux souvenir de la seconde passation de pouvoir : nous étions arrivés pédestrement par la rue de Bourgogne Henri, Jean et moi et nous fûmes fort civilement accueillis par Denis Gautier-Sauvagnac Directeur du cabinet de l’autre François qui lui fut un peu plus réfrigérant...

 201005271971_zoom.jpg

Même si je ne suis pas là pour vous conter des souvenirs permettez-moi cependant d’affirmer, n’en déplaise à ceux qui placent notre Chirac en tête du Top 10 des Ministres de l’Agriculture, bien plus pour sa faculté à serrer les manettes et caresser le cul des vaches au Salon de l’Agriculture que par le fond de son action au 78 rue de Varenne, qu’Henri Nallet tout comme Michel Rocard sont pour moi sur le podium. Pourquoi ? Non parce que je sois partisan mais parce j'estime qu’ils ont su mener ou soutenir des réformes indispensables à la rénovation de notre agriculture : quotas laitiers, accords de Dublin, accord sur l’enseignement agricole privé... C’est au pied du mur qu’on juge les maçons.

Henri Nallet est plutôt un taiseux, homme précis, réfléchi, il connaît bien les hommes de la grande maison de la rue de la Baume et de ses satellites, possède une culture du monde paysan, travaille ses dossiers, un homme qui sait qu’une politique de petits pas vaut mieux que de l’esbroufe. Bref, nous nous connaissons bien, j’ai été le directeur-adjoint de son cabinet, j’ai mené avec lui le dossier explosif de la représentativité syndicale qui valut à Henri une conduite de Grenoble lors du Congrès de la FNSEA de Versailles. Le rocardien pur sucre que j’étais prenait un grand plaisir à parler cambouis politique avec lui qui, sans être un Mitterrandiste pur sucre, cherchait à faire le lien entre les 2 gauches. Détail pour mes lecteurs, le dossier viticole m’a peu mobilisé au court de cette période.


Henri a connu aussi l’extrême solitude du politique dans la tourmente où l’on fait le compte de ses amis. Mais revenons à ce qui m’amène à vous parler de lui. Il vient de commettre de sa plume précise, acérée parfois, un essai qui met en perspective la future réforme de la PAC. Pour moi c’est une œuvre d’utilité publique car Henri Nallet, sans emphase, avec sa culture de gouvernement où le cambouis conditionne souvent les vraies avancées, propose au lecteur non averti des arcanes agricoles de notre Union Européenne un texte d’une limpidité peu commune où, comme l’écrit Rocard dans sa préface, il nous donne sur un demi-siècle « une histoire intelligible de la PAC». Il ne se paye pas de mots, il ne réécrit pas l’histoire, il expose simplement avant d’aborder avec courage les enjeux, les termes des choix, les pistes à explorer. Hors des sentiers simplificateurs, avec superbe, il explique aux responsables de notre vieux pays que les postures ne sont plus de saison, que les lignes Maginot sont des leurres, qu’il nous faut affronter cette foutue réalité sans faux-fuyants, qu’il nous faut être imaginatif pour mettre du contenu sous des mots « magiques » telle la préférence communautaire.

Cet essai va sans doute agacer les dents fragiles des Verts, insupporter les Confédérés de José Bové, être dédaigné par tous les « alters » de la Terre, chauffer les oreilles des nonistes des deux rives, mais comme je l’écris souvent sur cet espace de liberté il vaut mieux présenter des aspérités, se donner des angles plutôt que de se congratuler entre soi dans sa petite chapelle. Les grands enjeux de notre planète pour ce qui concerne l’alimentation de ses milliards d’habitants, la prise en compte des questions environnementales, des effets du réchauffement climatique, des équilibres territoriaux méritent qu’on les aborde avec le souci de produire des solutions applicables et durables. Mettre en avant sans fausse honte l’aspect productif de l’agriculture comme le fait Henri Nallet c’est mettre les urbains consommateurs face à leurs contradictions : empathie pour une agriculture fantasmée d’un côté et réalisme du porte-monnaie lors de l’acte d’achat : en clair « pleurer » sur les pauvres petits producteurs de lait écrasés par le marché et acheter sans barguigner sa brique de lait UHT en provenance directe d’une Allemagne fort productive. Nous avons besoin d’engager une réelle thérapie sur ces questions vitales pour nos agriculteurs (viticulteurs aussi bien sûr) et nos territoires. Nous ne réglerons pas les problèmes des producteurs de lait en prenant le modèle Comté comme référence de régulation du marché et de la fameuse volatilité des prix. Comme je l’ai écrit dans une chronique à force de nous recroqueviller sur un pré-carré de quoi vivrons-nous demain ?

 L-Europe-gardera-t-elle-ses-paysans_medium.jpg

Henri Nallet fors de son expérience pose la bonne question : « L’Europe gardera-t-elle ses paysans ? » sous entendu en a-t-elle vraiment la volonté et comme elle c’est nous citoyens-consommateurs-contribuables européens porter à notre connaissance de manière simple une problématique qui semble au plus grand nombre si opaque, si entre les mains des experts, est essentiel car vecteur de compréhension de la portée et des enjeux d’une PAC lointaine, qui semble injuste, compliquée et couteuse qui, tel un vieux cheval fourbu, à force de se réformer donne à penser qu’elle n’a plus de réelle utilité ni économique ni sociale.

 

Ce livre est doté d’une version anglaise et de documents annexes très intéressants : surtout une note d’HN, très Henri Nallet, à François Mitterrand du 10 janvier 1984 sur la nécessaire réforme de la PAC et un échange de courrier avec Peter Mandelson le Commissaire au Commerce en avril 2007 au moment de la Présidentielle sur le volet agricole du cycle de Doha. Dans la tradition de la maison 2 extraits dont le choix est totalement arbitraire, berthomesque, pour vous mettre en appétit : ce petit livre – et vous savez tous que j’aime les petits livres – lisez-le, même s’il ne va pas dans le sens du vent, même s’il vous irrite, comme me l’écrit Henri dans sa dédicace « ce petit essai pourrait peut-être servir...

 

LE COUPLE MITTERRAND-ROCARD AU TRAVAIL

 

« Il fallait donc remettre un peu d’ordre dans la maison avant de faire redémarrer le projet européen. François Mitterrand s’y pris en deux temps. D’abord, il remplaça Edith Cresson par Michel Rocard. Coup double : en confiant les intérêts de la paysannerie française à la coqueluche des sondages et des médias, il signifiait aux dirigeants agricoles qu’il désirait la paix. Ensuite, il envoyait au feu un responsable politique important qui ne l’avait pas toujours soutenu... Mais Michel Rocard, bien secondé par un bon cabinet animé par Jean-Paul Huchon, maître négociateur, s’en tira fort bien, mettant en œuvre sans hésiter le virage nécessaire de la politique agricole décidée par le Conseil Européen. En laissant à Michel Rocard le soin de faire la paix à l’intérieur, François eut les mains beaucoup plus libres pour, avec Helmut Kohl, puis Jacques Delors, relancer la progression de l’Europe unie et son élargissement. » page 55

LE DÉCOUPLAGE OU LE RÈGNE DU MARCHÉ

 

C’est le « découplage », qui a transformé la PAC en un système mutualisé d’assistance aux titulaires du droit d’exploiter la terre agricole, reste, aujourd’hui encore le cœur de la seconde PAC, enfin conforme aux saints principes du libre-échange. Mais, à y regarder de plus près et du point de vue des autres producteurs présents sur les marchés agricoles, le « découplage » que pratiquent tous les pays du Nord est une vaste fumisterie qui requiert pour être défendu, un solide culot. En effet, les primes compensatrices reçues par les producteurs, liées ou non aux productions, sont des aides publiques qui entrent dans le revenu de l’entreprise, at qui peuvent donc servir à financer les intrants nécessaires pour améliorer la productivité, et donc chasser du marché d’autres producteurs. Ou elles peuvent permettre de maintenir en état de produire des agriculteurs peu productifs qui, sans cette aide publique aurait mis la clé sous la porte. Au regard des producteurs agricoles démunis des pays du Sud, les aides des pays du Nord, couplées à la production ou non, reviennent au même... C’est parce qu’ils ont fini par s’en apercevoir que les pays du Sud ont refusé jusqu’à présent d’accepter les conclusions du cycle de Doha. » pages 68-69

 

 « L’Europe gardera-t-elle ses paysans ? » est publié par la Fondation Jean Jaurès www.jean-jaures.org

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commentaires

O
<br /> <br /> J'ai cru que le téléchargement était lui aussi payant !! Merci pour l'info !!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> PS : vous recevrez votre lot demain dans la journée via UPS<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
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X
<br /> <br /> Le livre peut être téléchargé gratuitement sur le site<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Bonjour Jacques,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'aimerai me le procurer mais le serveur du site Jean-Jaures n'est pas sécurisé… Où pourrais-je éventuellement le trouver ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci d'avance<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
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