Sur son blog Léon-Marc Lévy s’interroge gravement « Je me demande avec insistance et depuis longtemps pourquoi Diable les Belges sont-ils depuis des décennies l'objet national de blagues imbéciles et surtout profondément humiliantes ? Je finis par être saisi d'un doute. Est-ce un vrai problème ? Habitués à cette antienne de l'histoire belge, nous sommes plus ou moins convaincus que ça ne mange pas de pain, que ce n'est pas grave, qu'il faut avoir de l'humour (!!). Bref, pas de quoi écrire à sa mère et encore moins sur son blog de « Médiapart »! Et il se dit qu'ils font de même. Mais l'ampleur du phénomène et son aptitude à ne jamais passer de mode, finissent par provoquer malaise. Et puis quoi, si j'étais Belge je serais meurtri par cette image dégradante que les Français, dans leur suffisance, donnent de mon pays et de ses habitants ! »
Je ne raconte jamais d’histoires belges pour une bonne et simple raison que je ne raconte jamais de petites histoires car mon cerveau les entend sans les retenir. Ce matin, je romps avec la tradition franchouillarde et donne ma plume à Alain Bertrand qui est un belge amoureux de Vialatte qui, dans un petit opus « Je ne suis pas un cadeau » publié à la finitude 14, cours Marc-Nouaux à Bordeaux, s’essaie à la chronique en portant un regard tendrement ironique sur notre société.
Comme cet homme, tout belge qu’il fût, écrit dans son avant-propos « La vie ne fait pas de cadeaux ; en revanche, l’homme peut en faire. C’est sa suprématie sur les choses, avec l’ivrognerie, le sourire en coin et la position du missionnaire » je ne puis que le relayer en vous proposant de lire « Le jean de Jane Birkin » à savourer un verre de vin du Domaine de la Coume Majou à la main www.coumemajou.jimdo.com.
« Le jean moule le derrière comme une louche à fromage blanc. On l’imagine ferme à l’époque des chercheurs d’or, tendre et moelleux à Woodstock, coulant depuis l’invention du Mc Do. Le fond de la culotte a suivi les courbes de l’affinage : d’abord flottant et pratique, il opéra un touché-collé des parties sensibles jusqu’à déshabiller l’homme et le femme sans qu’il soit besoin d’ôter son pantalon. La sensualité qui s’en dégageait causait des émois cutanés, des accrochages en ville, des rapprochements scabreux, des plongées dans les salles obscures.
James Dean et Marlon Brando musclaient les affiches de cinéma tandis que Marilyn Monroe flottait dans comme dans une piscine bleue de Gênes.
Vint le temps où, au lieu de le voir sur un écran, on enfila le jean comme une preuve qu’on avait grandi. Le poil moustachait, le blouson noircissait, les boutons évitaient de spéculer plus avant que la braguette. Le monde avait des rondeurs de fesse en goutte d’eau, et il n’était pas un mètre derrière une femme qui ne modifiât le galbe du trottoir. On en revenait à la toile de tente, au fromage de chèvre, et on s’affalait sans craindre de se mouiller ailleurs qu’à la bouche des filles.
Pour le reste, ça causait le matin, l’après-midi, et même au dessert.
Et après ? Le moulage figeait si bien la matière qu’arracher le jean c’était comme enlever la croûte d’un camembert. Si bien qu’on dormait dedans, fuselés et rivetés, jusqu’à la mue d’été : le jean devint une seconde peau, à l’image du ciel.
Cette évolution, que n’aurait pas reniée un paléontologue, dota l’espèce humaine de pattes d’éléphant. Il fut question, brièvement, de changer le monde. Le passage du pantalon étréci au pantalon flottant ouvrait la voie à la chute de reins et de jean. Que faire quand le pantalon tombe tout seul ? Remonter les bretelles rappelait les misères de la grande crise de 29 ; dès lors, on conçut de baisser sa culotte le plus souvent possible et de ne la remonter qu’en cas de coup dur, soit pour lancer quelque slogan, quelque pavé, quelque rockeur.
On voyagea pour découvrir des fromages népalais. On improvisa des paradis artificiels à Katmandou. À Amsterdam, on dissimulait les plaisirs fumigènes dans les roues du gouda.
C’était le temps des seins menus et des douceurs sur canapé.
La fermeture ouverte depuis l’éclair du nombril, le tee-shirt blanc, Jane Birkin improvisait des cambrures à l’anglaise. Il s’en suivit une mode pour la chanson lascive et l’ostéopathie.
On rêvait de faire l’amour avec son corps à elle.
On le faisait, mais uniquement avec le sien. »
Pour le vin adressez-vous au taulier du Domaine de Coume Majou : Luc Charlier auteurs de saillies et digressions en tout genre mais surtout vigneron à Corneilla-de-la-Rivière www.coumemajou.jimdo.com.