Que les vignerons de Sauternes et Barsac ne prennent pas ombrage de mon titre provocateur link il n’est là que pour évoquer un vieux projet évoqué en 1874 par un journaliste lors de la mise en service jusqu’à Soulac de la ligne du Médoc : planter des vignes en guise de haies sur les deux côtés des voies.
La ligne du MOB enchaîne ensuite plusieurs lacets qui la font s'élever rapidement à travers vignes et villas, tout en découvrant une vue de plus en plus large sur le lac Léman.
Le texte aurait enchanté les auditeurs de Vino Bravo « de cette vigne qui produit des vins si généreux : la Compagnie des Charentes en a fait l’essai en mélangeant de la vigne avec des arbres fruitiers en espalier ; elle n’a qu’à se féliciter du résultat. Que la Compagnie du Médoc essaie, elle aura dans quelques années un revenu assuré. La voie comprend 90 km de chaque côté à utiliser, soit 180 km, ce qui occasionnera une plantation de 180 000 à 200 000 pieds de vignes dans le Médoc. Quelle récolte lorsqu’elle viendra à bon terme ! »
L’idée, un peu farfelue, ne sera pas retenue mais elle inspira un commissaire de surveillance administrative des chemins de fer voisin, G.Domazant, dans une brochure « Les vignes en clôture de chemins de fer et l’influence de ce système au point de vue du phylloxéra »
L’idée était de « compenser largement par la quantité, sinon par la qualité, toutes les pertes qui proviennent de l’invasion du phylloxéra. »
L’homme se livrait à de savants calculs : « Ainsi, en raisonnant sur des évaluations supposées, mais dont l’autorité supérieure obtiendrait facilement le chiffre exact et officiel, ne pourrait-on pas dire que si la France possède 40 000 km de chemins de fer, il s’ensuit une ligne de clôture de 80 000 km, dont il faudrait défalquer 10 000 km au plus pour les gares et les passages à niveau, ce qui porterait à une longueur de 70 000 km la superficie à mettre en culture… »
Notre homme fait fi des terroirs : de la vigne partout en France, un vrai précurseur des Vins de France.
C’était un productiviste :
- « j’ai pu remarquer sur des portions de la ligne où ce système de clôture avait été appliqué, des treilles de raisin noir en quantité dix fois plus grandes que n’aurait produit une superficie égale cultivée en cépage ordinaire. »
- « on devrait s’attacher, je pense, à employer les variétés les plus fécondes et les plus susceptibles de mûrir en espalier comme en plein vent (la folle-blanche par exemple pour le blanc, et le balzat pour le noir). Ces deux espèces produisent même dans les lieux réputés impossibles aux vignobles. »
Il se voulait rassurant : « un déplacement d’air très fréquent, le passage et la trépidation des trains et la fumée des locomotives, ne pourraient-ils pas contribuer dans certains cas, à atténuer les effets de la gelée ou à prévenir l’invasion du phylloxéra. »
Mais là où il est très convaincant la vigne ferait bénéficier les exploitants des lignes de chemins de fer « d’un produit considérable… » Quand on connaît la dette abyssale de RFF on est en droit de rêver.
Je plaisante bien sûr cette utopie « ferroviticole » ne pourrait voir le jour de nos jours : le système de distribution régionalisé des autorisations de plantations s’y opposerait.
Pensez-donc un Vin de France tout au long des voies ferrées de France quelle horreur !
Les vaches ne pourraient plus voir passer les trains…
Les vaches pouvaient brouter tranquillement leur pâturage en regardant passer le train et se dire. « Tiens il est déjà 17h00, le René va pas tarder pour la traite »link