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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 11:00

Dans « Fleurs de Ruine », du grand Patrick Modiano, le narrateur qui hante Paris en entrelaçant souvenirs, sa vie rêvée, fantasmée, passe devant un hôtel muré de la rue Gay-Lussac, les fenêtres n’ont plus de vitres, « mais l’enseigne demeurait fixée au mur : Hôtel de l'Avenir. Quel avenir ? »


Cette interrogation m’a toujours frappé, elle s’est imprimée dans ma tête. L’Hôtel de l’Avenir existe à Paris, rue Madame, dans le VIe et chaque fois que je passe à vélo devant sa façade je pense à l’interrogation du narrateur de Fleur de Ruines. Si ça vous dit je vous propose de lire, en fin de chronique,  l’extrait de Fleurs de Ruines où se situe cette interrogation.


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Pourquoi me hante-telle ? Tout simplement parce qu’elle n’appelle aucune réponse, ou plus exactement  nul n’est en mesure d’y répondre. C’est quoi l’avenir, la seconde qui suit l’interrogation, demain, le futur, rien de vraiment prévisible à l’échelle individuelle.


Mais pourquoi diable me revient-elle alors que je dis aborder dans le titre de cette chronique la question du débat dans le Mondovino ? Tout bêtement parce que tous ceux qui appellent, souhaitent ou disent le souhaiter, se payent de mots ou se payent tout bêtement notre tête et j’ai envie de faire du Modiano : le débat, quel débat ?


NotreGrand Robert chéri nous dit :


1-      Action de débattre une question, de la discuter, avec un ou plusieurs interlocuteurs qui allèguent leurs raisons… contestation, discussion, explication, polémique. Débat vif, passionné, orageux. Soulever un débat. Entrer dans le vif, dans le cœur du débat : aborder le point le plus important ou le plus délicat du sujet. « Il s’appliquait à ne pas passionner le débat, à lui garder un tour spéculatif. » R. Martin du Gard les Thibault.


Le débat dans le Mondovino n’existe plus, c’est un truc de vieux cons, d’érudits, de mecs ou de gonzesses qui se chatouillent les neurones. Les lieux de vrai débat ont disparu, soit parce qu'ils sont inacessibles comme la télévision où le vin est banni, soit parce que sur la Toile, via Face de Bouc, il s'agit au mieux d'un pugilat, au pire d'une entreprise de destruction. L'important c'est le buzz, le flux, ça ne dure que quelques heures, chacun fait son petit numéro et puis tout le monde rentre sagement chez maman. Reste  tout de même, c'est plus confortable, le débat qui rassemble des convaincus de la même obédience qui déblatèrent tous dans le même sens avec la seule volonté d’imposer leur marque perso dans le marigot. Il faut bien se conforter. Se persuader que le combat continue. C'est plutôt sympatoche mais ça ne fait guère trembler les maîtres du troupeau. 


Dans l’ancien temps que les jeunes gens ne peuvent pas connaître j’adorais débattre et j’aimais aussi assister à des débats, vifs, engagés, rudes. Tout ça c’est de l’histoire ancienne pour nostalgiques, vieux cons dans mon genre, faut s’amuser les cocos, mais entre gens de la même confession, par construction ceux d’en face, d’à côté, parfois même des mecs qui pensent comme eux car sont sont bons pour une bonne exclusion pour déviance – maladie infantile de tous les groupuscules : scission ou exclusion – sont infréquentables.


Donc comme tout ça me fait profondément chier et qu’à mon âge je n’ai pas envie de me cailler le lait je m’abstiens d’aller à ce genre de pseudos-débats. Sans vouloir étendre mes réflexions à l’ensemble des débats, dit de société, bien plus importants que nos petits clapotis du Mondovino, ce que je vois et j’entends en sillonnant sur ma flèche d’argent les rues de Paris m’édifie sur nos capacité à débattre sereinement et démocratiquement. Il règne, ou plus exactement, il flotte un parfum de rue putschiste, comme au temps de la gueuse. C’est le Vendéen qui vous le dit. Quand vous lirez ces lignes je serai sur le chemin des Monts du Forez link  Là-bas, c’est la vraie vie et ça me donne toujours envie d’en découdre, mais pas dans des petits cénacles entre potes, face aux maîtres du troupeau.


Bonne journée et si ça vous dit lisez Modiano :

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« Ce dimanche soir de novembre, j'étais dans la rue de l'Abbé-de-l'Épée. Je longeais le grand mur de l'Institut des sourds-muets. A gauche se dresse le clocher de l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas. J'avais gardé le souvenir d'un café à l'angle de la rue Saint-Jacques où j'allais après avoir assisté à une séance de cinéma, au Studio des Ursulines.


Sur le trottoir, des feuilles mortes. Ou les pages calcinées d'un vieux dictionnaire Gaffiot. C'est le quartier des écoles et des couvents. Quelques noms surannés me revenaient en mémoire : Estrapade, Contrescarpe, Tournefort, Pot-de-Fer... J'éprouvais de l'appréhension à traverser des endroits où je n'avais pas mis les pieds depuis l'âge de dix-huit ans, quand je fréquentais un lycée de la Montagne-Sainte-Geneviève.


J'avais le sentiment que les lieux étaient restés dans l'état où je les avais laissés au début des années soixante et qu'ils avaient été abandonnés à la même époque, voilà plus de vingt-cinq ans. Rue Gay-Lussac - cette rue silencieuse où l'on avait jadis attaché des pavés et dressé des barricades-, la porte d'un hôtel était murée et la plupart des fenêtres n'avaient plus de vitres. Mais l'enseigne demeurait fixée au mur : Hôtel de l'Avenir. Quel avenir ? Celui, déjà révolu, d'un étudiant des années trente, louant une petite chambre de cet hôtel, à sa sortie de l'École normale supérieure, et le samedi soir y invitant ses anciens camarades. Et l'on faisait le tour du pâté d'immeubles pour voir un film au Studio des Ursulines. Je suis passé devant la grille et la maison blanche aux persiennes, dont le cinéma occupe le rez-de-chaussée. Le hall était allumé. J'aurais pu marcher jusqu'au Val-de-Grâce, dans cette zone paisible où nous nous étions cachés, Jacqueline et moi, pour que le marquis n'ait plus aucune chance de la rencontrer. Nous habitions un hôtel au bout de la rue Pierre-Nicole. Nous vivions avec l'argent qu'avait procuré à Jacqueline la vente de son manteau de fourrure. La rue ensoleillée, le dimanche après-midi. Les troènes de la petite maison de brique, en face du collège Sévigné. Le lierre recouvrait les balcons de l'hôtel. Le chien dormait dans le couloir de l'entrée. »

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