Il ne s’arrêtera donc jamais d’écrire! Oui mes très chers frères, mes très chères sœurs, ma plume ne prends pas de vacances elle est un peu comme un matou qui dort : toujours prête à sauter sur une proie toutes griffes dehors. Je plaisante bien sûr mais dès le premier alors qu’Air France dit voler pour le compte d’Air Corsica, décolle pile à l’heure dan un ciel d’azur, survole Clermont-Ferrand avant de piquer sur Nice pour rejoindre la Méditerranée. Nous abordons la piste de l’aéroport Napoléon Bonaparte en léchant la côte, j’ai l’impression que l’aile gauche frôle les crêtes, c’est comme je caressais les flancs de cette Corse sauvage. Au cours de notre vol agrémenté du célèbre Nescafé et de la viennoiserie réfrigérée, j’ai eu le temps de feuilleter les trois journaux glanés au moment de l’embarquement : Le Monde, Libération et les Echos. Nous sommes en août alors les rédachef font du remplissage et, comme les vendanges sont cette année en avance, tout le monde tartine sur les perspectives de récolte.
Ribaut dans le Monde, d’une plume un peu tendance, verse dans le naturel et la biodynamie en alignant, sans grande recherche, quelques vignerons stars : Matthieu Barret domaine du Coulet, Eloi Dürrbachss domaine Trévallon, Daniel Schlafaer domaine Lauzières, et le Château Dalméran qui lui n’est point dans le vent ce qui lui vaut quand même de faire le titre de la chronique : « un air de Toscane en terroir rhodanien ». Impératif sans doute ce titre puisqu’hormis Baret qui est à Cornas les trois autres domaines sont vraiment provençaux (AOC des Baux pour deux d’entre eux) même si le Rhône est voisin ; sans doute est-ce pour attirer le chaland du côté de Dalméran qui fait dans ce que l’on désigne maintenant sous le nom d’oenotourisme ? Le tout est illustré par un charmant Desclozeaux, ça fait un peu dépliant publicitaire de bon aloi. Dure loi de la presse qui cherche elle aussi des chalands. La chronique, bien évidemment s’ouvrait sur le marronnier des vendanges « Dans la vallée du Rhône, on pensait que les vendanges seraient précoces. En mars et avril, lorsque les bourgeons commencent à se développer, la vigne se réveille ; des rameaux et des feuilles apparaissent : c’est le débourrement. Cette année, une période de forte chaleur a fait croire à une récolte prématurée. Puis le temps s’est rafraîchi, et le processus s’est ralenti. Régulièrement, le mistral est venu assurer le bon état sanitaire du vignoble. »
Stéphanie Lacaze dans Libération, elle, met le cap sur Bordeaux – normal ça doit faire plaisir au boss, le sémillant Edouard de Rothschild – pour aller quérir les remarques, par ailleurs forts pertinentes – de deux propriétaires de GCC : Eric Perrin du château Carbonnieux et Tristan Kressmann du château la Tour-Martillac. Le premier souligne que « C’est la troisième fois, en 1997 et 2003, que nous vendangeons aussi tôt, juste après le quinze août. Mais auparavant, cela n’était pas arrivé depuis la fin du XIXe siècle. Le second évoque la canicule de 2003, et avec son honnêteté bien connue précise qu’on « n’a pas fait du grand vin » alors que cette année « le cycle de la végétation a été précoce dès le printemps, mais il s’est ensuite déroulé normalement. » Vendanges précoces et matinales : il ne faut vendanger que le matin sinon « les raisins entrent dans les chais à la température à laquelle on les ramasse. S’ils sont à 30°, on fait de la tisane, ce n’est pas possible » explique Tristan Kressmann. Dérèglement climatique oblige, Bordeaux s’adapte. Bref, article bien fabriqué même si la propension des journalistes parisiens à ne se faire que des haut-parleurs me fait parfois douter de leur capacité de trier entre le discours convenu et la réalité des faits.
Les Echos, fait lui dans le classique tour des vignobles, et ne peut s’empêcher de qualifier le millésime de prometteur en soulignant qu’il se présente « sous les meilleurs auspices » Dominique Charton, correspondant à Reims, avec le sens de l’équilibre qui sied à l’Interprofession Champenoise, sollicite les deux patrons de la maison : Pascal Ferrat président du puissant SGV et co-président du CIVC et Ghislain de Montgolfier président de l’Union des Maisons de Champagne et autre co-président du CIVC. Le premier précise que « C’est la vendange la plus précoce de l’histoire de la Champagne... » et le second de surenchérir « Il y a trois semaines, on voyait la vendange encore plus précoce. Mais le raisin a évolué de manière atypique. La nature nous surprend toujours. » Mais en Champagne c’est le kg de raisins à l’ha qui passionne le microcosme : dès mi-juillet l’accord sur les rendements a monté la toise : « 12500 kg/ha contre 10500 kg/ha en 2010 avec une réserve individuelle plafonnée à 8000 kg à l’ha. Le lecteur des Echos étant, bien évidemment, tellement féru de la réglementation champenoise qu’il n’est pas nécessaire de lui expliquer en quoi consiste la dite réserve. Ce qui est important ce sont les 345 à 350 millions de bouteilles produites « cela va redonner du volume au marché après deux années moyennes » dixit Pascal Ferrat et Ghislain de Montgolfier messianique souligne lui « une foi retrouvée dans l’avenir. » même s’il reste prudent sur les prévisions de croissance pour les deux prochaines années. Ainsi va la Champagne qui brûle des cierges à la cathédrale de Reims pour que les droits de plantations soient de nouveau des remparts infranchissables face à la barbarie des libéraux de la Commission européenne. Amen !
Au bar PMU d’Ajaccio qui jouxte le marché, quelques beaux spécimens de retraités corses, qui ont passé toute leur vie sur le continent, reconnaissant en moi un vieux renard de leur espèce, engagent la conversation. C’est alors que je me suis dit : la Corse est le pays de la défiance sfida, ici on ne parle qu’à mots couverts à focu spitu, ou règne le sans le dire mutu, j’allais moi qui ne suit que de passage donner comme titre à mes chroniques insulaires le titre de ci voli : en passant. Voici la première écrite face à la mer. Bonnes vendanges à ceux qui vendangent et merci à tous de laisser le temps faire son œuvre avant d’encenser le millésime. Du côté de nos amis de la presse faudrait quand même un peu enrichir le genre des vendanges et aller un peu dans les vignes pour enquêter au plus près du terrain pour appâter les lecteurs.