« Nous habitions à l'époque rue des Petits-Pères, « Nous », c'est-à-dire « Le Canard ». Je me trouvai exceptionnellement seul dans la salle à manger qui nous tenait lieu de salle de rédaction. Treno, le directeur d'alors, entre et s'étonne de ma solitude :
- Où sont les copains ? …
C’est mon tour de me sentir étonné :
- Au bistro, bien sûr…
Alors j’ai vu dans son regard une lueur de désespoir et même une certaine détresse :
- Tous… !
Bien que tout petit buveur lui-même, il pratiquait à notre égard une méritoire tolérance et son inquiétude d’ailleurs se dissipa aussitôt. Il savait, après trente ans d’exercice, que le journal continuait de se faire à « l’annexe », c’est-à-dire au comptoir du Vieux Saumur. Il lui arrivait même de trinquer avec nous.
Car il faut qu’on le sache et qu’on le répète « urbi et orbi » : au « Canard » on ne BOIT pas, on TRINQUE.
Importante distinction, qui fit dire un jour à Prévert :
- Il y a des gens qui me prennent pour un ivrogne. Pourtant ils ne m’ont jamais vu boire seul ! …
Pour ramasser ma pensée en une formule lapidaire, je dirai simplement : « Les bons comptoirs font les bons amis. »
Nos lecteurs ne s’y trompent pas : ils lisent « le Canard » comme on boit un coup avec un ami. Et quand la cuvée n’est pas réussie, ils n’hésitent pas à nous engueuler et à nous dire avec un franc-parler sans indulgence :
- Tu n’étais pas dans ton état normal quand tu as écrit cette connerie… »
16ième Question : Quel est le nom et le prénom de l’auteur de ces lignes ?
Du Pastis Bardouin, la cuvée Excellence 2007 AOC Chusclan de l’ami Claude Rivier et du Calvados XO de chez Boulard : les meilleurs compagnons d’un bon gueuleton !