Les sceptiques devaient m’attendre au virage : depuis que j’avais lancé l’idée d’une dégustation ludique avec Myriam Huet à l’Annexe link un silence radio pesait sur mon espace de liberté. Et pourtant dans le secret de la correspondance électronique un beau paquet de lecteurs se déclarait partant. Restait à concrétiser, à lancer une date, un horaire qui conviennent au plus grand nombre. Il me fallait choisir. Ce que je fis : ce serait le mercredi 9 mars à 19 heures pétantes. Je relançais donc les candidats potentiels. Les réponses au début arrivèrent au compte-gouttes et puis ce fut l’accélération : 25 personnes se déclaraient partantes. Dans ma petite tête je me disais qu’il y aurait des défections de dernière minute. Que nenni, à une exception près compensée par un candidat de dernière minute, je conservais tout mon petit monde.
Ils arrivaient tous avant l’heure dite et en profitaient pour découvrir le lieu. Dix femmes et quinze hommes, des couples, des groupes d’amis, des collègues du Ministère, une majorité de jeunes et pour moi beaucoup de visages inconnus. Myriam Huet, très concentrée, s’inquiétait un peu auprès de moi du nombre qui dépassait largement celui des groupes qu’elle anime habituellement mais je la sentais en train de prendre la mesure de cette situation nouvelle. Nous disposions les « apprentis dégustateurs » en demi-cercle. Derrière sa petite table ronde « haut perché », Myriam, telle une athlète sur sa piste d’élan, appréciait ses marques. Votre serviteur se fendait d’un petit mot de bienvenue, remerciait Corinne Richard-Saier d’avoir accepté de nous recevoir et donnait la parole à celle par qui la bonne parole allait venir.
Comme me l’a écrit un participant « J’avais souvent entendu parler de Myriam Huet mais je ne l’avais vu en chair et en vin » et ce fut, souligne un autre, « finalement un plaisir toujours recommencé qu'une dégustation de (bons) vins expliqués par un orateur de talent. On se prend à regretter que ça ne dure pas plus longtemps, que le Tour de France soit trop réduit. Mais Myriam HUET est un modèle de didactisme et de simplicité : j'ai eu l'impression de tout comprendre et de retrouver en nez et en bouche ce qu'elle venait de nous expliquer... » L’enthousiasme était au rendez-vous ce que traduit bien l’une des participantes « De la vivacité dans le propos mais avec une rondeur subtile, traces d'années de maturations fructueuses. Pas un copeau de langue de bois ; une langue qu'on avait d'ailleurs voulu nous réduire à 4 étapes de saveurs ordonnées dans l'espace. Et, oh joie, nous découvrîmes avec ivresse que toute honte pouvait être bue de ne pas répondre au standard du bien déglutir. »
Et Dieu que l’exercice proposé à Myriam Huet s’avérait périlleux car elle se retrouvait face à un groupe dont elle ignorait tout et qui, manifestement était composé à la fois de purs néophytes, d’amateurs débutants et de quelques dégustateurs plus chevronnés. Se mettre à la portée des premiers tout en intéressant les seconds et en étonnant les derniers tel fut l’extrême simplicité de Myriam. Que du talent fondé sur une solide expérience et un sens aigu de l’art oratoire. Comme le confie l’un des jeunes participants « J’ai beaucoup aimé le côté « tout le monde sent des choses différentes », et le fait d'insister sur l'influence du contexte et de l'opinion des voisins sur sa propre appréciation du vin... Car c'est vraiment quelque chose qui se vérifie presque à chaque gorgée de vin ! ». Myriam Huet touche au plus juste, domine si bien son sujet qu’elle permet aux néophytes de se sentir à l’aise, d’entrer de plain-pied dans le monde que l’on dit mystérieux du vin. Ceux-ci ont « apprécié le côté accessible de l'exposé, l'emploi d'un vocabulaire simple et compréhensible, loin des formes pompeuses qui font parfois peur à ceux qui font à peine la différence entre cépage et appellation. »
Quelques impressions de participants en vrac.
« Quelques intéressantes nouveautés (pour moi) concernant les explications sur les réactions des tanins avec les protéines de la salive (sensation de râpeux) ainsi que sur l'historique de la prise en compte de la maturation phénolique.
Quant aux produits, la typicité des 3 premiers (sauvignon, chardonnay, pinot noir) permettait de faire une bonne révision et mon manque de discernement sur la reconnaissance du haut-médoc m'a ramené à la nécessité de rester humble et de pratiquer régulièrement l'art de déguster entre amis. »
« Bien que possédant 1 certaine expérience dans le domaine de la dégustation, j'en apprends toujours et cette soirée fut instructive.
Je salue également l'idée de notre animatrice d'avoir proposé quelques bons fromages en accompagnement. »
« Dans un superbe local, Madame Huet a su trouver les mots justes pour nous guider durant cette dégustation, démontrant brillamment que le bon vin et le plaisir ne sont pas affaire d'étiquette. »
« Ce qui m'a, je pense, le plus ravi, c'est de voir vos collègues du Ministère de l'Agriculture, qui étaient juste à côté de nous, réussir à identifier sans trop de mal les 3 premiers vins, mais se planter assez royalement en insistant sur le « ça ce n'est pas Bordeaux, ah non ! » du Médoc de fin... Comme quoi le vin invite toujours à une certaine forme de modestie ! »
Myriam sait à merveille « dire le vin », avec pertinence, de l’humour, un soupçon de légèreté teinté d’une pointe d’impertinence, elle n’a pas sa langue dans sa poche et ses mots touchent car elle va droit à l’essentiel. Ce fut donc, de l’avis général, un très bon moment et personne n’a vu le temps passer si ce n’est pour regretter que ça ne dure pas plus longtemps. Le seul bémol est lié à l’organisateur, moi en l’occurrence, qui en assemblant tout ce petit monde n’avait pas prévu, juste avant que Myriam n’officie, de permettre aux participants de se présenter pour mieux faire connaissance. Autant pour moi mais, à ma décharge, j’étais tellement concentré sur le bon déroulement de l’exercice que je n’y ai même pas songé. Je ferai mieux la prochaine fois si l’expérience se renouvelle. C’est le vœu de l’ensemble des participants mais n’oublions pas que Myriam, au terme d’une journée de travail, nous a accordé une belle heure et demie de son temps. Qu’elle en soit vivement remerciée. Elle fut applaudie chaleureusement. Le lieu a séduit, certains y reviendront pour leurs emplettes, Myriam nous a emballé, ce fut donc une très belle soirée avec, j’allais l’oublier, de très beaux plateaux de fromages pour accompagner la dégustation.
Certains vont me faire remarquer que j’aurais pu suivre le fil de la dégustation, rapporter en détail les propos de Myriam, narrer les réactions des dégustateurs, vous parler des 4 vins présentés, en un mot jouer au petit reporter. Si je ne l’ai pas fait c’est que, « malgré mon immense talent de plume » – ben oui, on n’est jamais si bien servi que par soi-même –, il m’eut été impossible de restituer la couleur et la saveur de cette belle dégustation. Si j’étais doué pour le maniement des nouveaux joujoux électroniques c’est une vidéo que j’aurais du tourner de la soirée pour la poster sur Dalymotion. Encore une fois je ferai mieux la prochaine fois. Enfin, au risque de paraître aux yeux des grands collecteurs de CVO l’insupportable mouche du coche, ma minuscule initiative démontre à l’évidence qu’avec peu de moyens mais une écoute de l’attente des « consommateurs de base », ceux qui veulent savoir sans pour autant se prendre la tête, il est très simple d’atteindre un objectif vital pour le secteur du vin : assurer la transmission et en cela étendre le domaine du vin.
Grand merci à Corinne Richard-Saier pour son hospitalité.