L’inoublié…
Alain Bashung, longtemps qualifié de perdant magnifique, son allure fantomatique, ses choix suicidaires, ses errances, ses doutes, l’alcool, la dépression, presque l’oubli entre Gaby à l’âge du Christ et Osez Joséphine à 44 ans. À six mois près, et un saut d’année, nous avions le même âge, lui à l’Est, dans l’Alsace d’un père d’adoption, Roger Baschung, qui lui donne son nom (avec un c), moi à l’Ouest dans ma Vendée crottée.
Échapper à son mal-être, à sa bâtardise – sa bretonne et ouvrière de mère, chez un sous-traitant de Renault à Boulogne-Billancourt, se refuse à parler de son père un inconnu, sans doute kabyle – une enfance à la campagne, dans une ferme de Wingersheim avec « Oma », une grand-mère qui ne parle pas le français et lui interdit de fréquenter les juifs. Pour ses 5 ans, il reçoit, de Roger son beau-père, son Rosebud, un harmonica. « L'instrument des nomades, des mélancoliques. Posé plus tard sur un guéridon de scène avec ses clopes. »
Avant de devenir un fumeur compulsif, Bashung fut un sportif accompli, il pratique le basket et sera enfant de chœur, nos deux points communs. La solitude dans les champs de houblon. Pour s'évader, tromper l’ennui – Dieu qu’on s’ennuyait à la campagne en ce temps-là – il y a surtout la musique. « Strauss, Wagner, et surtout le Mahagony de Kurt Weill diffusé par la radio allemande – si son univers est proche de celui de Tom Waits, ce n'est pas un hasard. »
« Parisien en Alsace, alsacien à Paris, Alain prend vite la tangente, et les contre-allées… »
« Des ébats à l'arrière des berlines et des dauphines… »
« Ses douze albums studio sont autant d’étapes vers une destination connue de lui seul, douze facettes d’un personnage polymorphe, douze tentatives de recomposer une identité brouillée. »
« Alain est un architecte à qui l'on fournit des briques ; à la fin, je n'ai plus rien reconnu… » Miossec
« Kurt Weill – « mon premier rockeur dissonant », dira-t-il –, découvert, gamin, à la radio allemande. »
Bashung « puise dans les textes de ses paroliers des bouts de phrases, les colle là ; ça tient du cadavre exquis des surréalistes et du « cut-up » à la William Burroughs. Pareil pour les sons. »
Citations de François Cano l'Express.
Victoire de la musique, la figure montante de l'électro-pop française, Christine and the Queens a « livré une cover épurée et audacieuse d'Osez Joséphine » Elle explique pourquoi elle a repris cette chanson d'Alain Bashung.
Qu'est-ce qui vous séduit chez lui ?
« Son utilisation de la langue française me plaît énormément ; il a su en faire une langue rock, une langue pop, sans maniérisme, toujours avec une grande force poétique. Quand je pense à lui, je pense surtout à ses textes et à la façon qu'il avait de les interpréter. C'est pour moi un artiste populaire et exigeant. »
Et musicalement ?
« Je suis attachée à Bashung comme beaucoup, pour sa musique qui était d'une modernité folle. Il n'y a pas si longtemps, à une soirée, j'ai cru reconnaître une chanson que je ne connaissais pas de lui, et c'était en fait King Krule [chanteur, compositeur et musicien anglais]. La voix et les chansons audacieuses de Bashung, on les retrouve en négatif dans des compositions de musiciens, qui n'étaient encore que des gamins quand il est mort... »