Loin de moi l’idée de plaider l’innocence de l’abus d’alcool dans toutes les formes de violence ce serait adopter la même attitude obtus que les prohibitionnistes masqués, les hygiénistes de tous poils et, pire encore, des magistrats en mal d’existence : ceux de la pléthorique Cour des Comptes.
L’alcoolisme est un fléau social ravageur, une maladie grave et difficilement curable, ses conséquences sociales, économiques, humaines sont connues mais ne doivent pas être réduites à des chiffres frappants mais souvent fantaisistes : qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage.
L’échec de la lutte contre ce fléau est à mettre au débit des autorités de Santé Publique qui voudraient nous faire accroire qu’il suffirait de seulement jouer sur les leviers de la communication et de la publicité pour le faire régresser.
Pour Claude Evin, le parrainage de Carlsberg à l'Euro est "contraire à la législation"
« Une situation incompréhensible aux yeux de Claude Evin, à qui l'on doit la loi du même nom en vertu de laquelle l'affichage de publicités pour le tabac et l'alcool est interdit.
« C'est du parrainage ou sponsoring. Or la loi française interdit le parrainage lorsqu'il a pour objet ou pour effet la propagande en faveur des boissons alcoolisées (…) Nous sommes sur le territoire national, il n'y a pas d'extraterritorialité dans les fans zones. Pour moi ce qu'il se passe dans leur enceinte avec la présence de Carlsberg est contraire à la législation », a-t-il dénoncé.
Celui qui fut ministre de la Santé sous Mitterrand a pointé du doigt des « messages totalement contradictoires », fustigeant au passage « une incohérence totale dans la prise de position des pouvoirs publics français ». « En matière de lutte contre l'alcool, la position du gouvernement et de tous les gouvernements a toujours été très ambiguë », a-t-il critiqué.
Depuis le début de l'Euro 2016, Carlsberg ne communique en France que sur sa gamme de boissons sans alcool. Une manière pour elle d'être toujours visible, et, par extension, de développer ses ventes de boissons - alcoolisées cette fois-ci - dans les autres pays européens. »
Hier circulant à vélo dans Paris j'ai pu croiser des rassemblements énormes de supporters suédois : les Tuileries étaient jaunes et les packs de bière étaient au rendez-vous. Et pourtant le match du Parc des Princes fut paisible et aucune exaction n'a été constatée dans la ville.
C’est se moquer du monde : à qui veut-on faire accroire que les hooligans russes ou anglais ont perpétrer leurs actes de violence simplement par qu’ils étaient fortement imbibés. La poignée de hooligans russes est venue spécialement pour en découvre, pour se faire de l’Anglais, « Nous étions huit, rentrés à bord de deux voitures dans le quartier du Vieux-Port pour se plonger dans l’atmosphère de la bonne vieille violence de rue », écrit Alexeï le hooligan.
Lire : Les affrontements de Marseille racontés par Alexeï le hooligan
« Les hooligans russes ont mené un raid comme un commando paramilitaire »
« L’arrivée des hooligans russes. Vendredi après-midi, un groupe d’une vingtaine de personnes est arrivé vers les bars et pubs qui longent le Vieux-Port. J’ai vu derrière moi 20 « golgoths ». Je les ai de suite identifiés comme des spécialistes de l’ultraviolence. Ils avaient tous le même tee-shirt, certains portants des bandanas tête de mort, ils ont montré leurs muscles. Un comportement typique des hooligans venus des pays de l’Est.
La police est arrivée et a bien agi en s’interposant entre les différents protagonistes. Il y a eu quelques jets de bouteille mais ça s’est arrêté là. Ils sont ensuite repartis. L’erreur est de ne pas les avoir interpellés dans la foulée. Je les ai retrouvés à 1 kilomètre de là, attablés à une terrasse. Les affrontements ont repris samedi vers 17 heures et la bataille la plus violente a eu lieu place Estienne-d’Orves. C’était un raid, on avait affaire à un commando paramilitaire dans l’organisation : ils repèrent les lieux, désignent une cible, puis passent à l’attaque. Ils connaissaient parfaitement la géographie du quartier et prenaient des voies perpendiculaires ou parallèles pour éviter les contrôles de police. »
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Dominique Bodin sociologue du Sport Euro 2016 est clair sur le sujet.
Non, l'alcool n'est pas la cause des violences entre hooligans à Marseille
« Une nouvelle fois, en marge des rencontres de football, d’aucuns s’étonnent des violences des supporters, chacun y allant de sa déclaration fantaisiste : "c’est la faute à l’alcool", "interdisons l’alcool dans les stades", "les services d’ordre étaient inorganisés", "il aurait fallu prévoir" et autres poncifs du même acabit.
Ces violences ne sont pas surprenantes en soi. Elles ont lieu en marge de la plupart des rencontres que ce soit de football professionnel dans chacun des pays, de championnats d’Europe ou de Coupe du monde de football. Les championnats d’Europe 2012 ou les Coupes du monde de 2006 à 2014 n’en furent pas exempts ! Il suffit de lire les comptes rendus établis par le Conseil de l’Europe en la matière par exemple.
Les violences se déroulaient plus simplement loin de chez nous, étaient moins médiatisées, voire dissimulées… Elles existaient pourtant. Elles sont inhérentes au football et à une partie de ses spectateurs, les plus engagés, gangrénant le spectacle et les rencontres.
Elles éclatent aujourd'hui à nos yeux médiatiquement au point de nous déranger. Elles sont traitées dès lors dans l’urgence et de manière superficielle, tant par les hommes politiques que par les journalistes que par des personnes qui se trouvent brutalement une âme s’expert sans avoir jamais rencontré un hooligan de leur vie ou assister à une acte de hooliganisme.
L’alcool, un facteur parmi d’autres tous au plus
Dans l’urgence médiatique, chacun y va donc de ses déclarations éhontées. Les politiques pour montrer qu’ils sont là, certains policiers pour justifier de leur rôle. Tout cela ne fait qu’ajouter à la confusion générale.
Pour commencer, l’alcool n’est pas la cause des violences. Tout au plus est-elle un facteur parmi d’autres. Si elle était la cause des violences alors les rencontres de rugby seraient les plus violentogènes du circuit sportif, l’Allemagne, où l’alcool se vend dans les stades de football, serait le pays le plus touché par ce phénomène…
Que des hommes politiques, comme Éric Ciotti, déclarent cela n’est pas dérangeant en soi. Ils ne font que constater les dégradations, les jets de bouteilles ou la consommation d’alcool telle qu’en rendent compte les médias. Mais qu’un policier comme Antoine Boutonnet, responsable de la Direction nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), fasse le même amalgame relève de l’inconcevable et de la méconnaissance de la réalité du hooliganisme. »
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Dans la foulée si je puis m’exprimer ainsi les « magistrats » de la Cour des Comptes en surnombre, qui s’ennuient rue Cambon, nous ont pondu un de ces rapports dont ils ont le secret. Un tissu de lieux communs glanés dans les soupentes du Ministère de la Santé. C’est un pur réquisitoire sans souci de donner les arguments en défense.
Je commence par le couplet rituel :
L’efficacité de la loi Evin s’est amoindrie au fil du temps
Autre reproche : les « modifications successives » de la loi Evin, qui encadre depuis 1991 la publicité et la vente des boissons alcoolisées. Ces changements par petites touches ont « amoindri l’efficacité » du texte.
Après l’autorisation de la publicité par affichage en 1994, la vente d’alcool dans les enceintes sportives en 1999 et l’autorisation « encadrée » de la publicité sur Internet en 2009, le texte a été une nouvelle fois assoupli lors du vote de la loi santé, fin 2015, afin, officiellement, de mieux distinguer « publicité et information » sur les boissons alcoolisées.
C’est avec le feu vert du chef de l’Etat, François Hollande, que députés et sénateurs ont choisi de détricoter un peu plus ce dispositif dans le cadre de l’examen de la loi santé, en dépit de l’opposition de la ministre de la santé, Marisol Touraine. Consciente de la fragilité de sa position, elle s’était pour sa part gardée de toucher au texte, se contentant de quelques mesures consensuelles pour mieux lutter contre l’alcoolisation massive des jeunes.
Face à la « levée de boucliers » qui avait accueilli, à l’Assemblée nationale, sa proposition de modifier l’avertissement sanitaire sur les étiquettes des boissons alcoolisées, l’ex-député Olivier Véran (Parti socialiste, Isère) se souvient pour sa part avoir eu le sentiment de s’être attaqué à quelque chose de « sacré ». « Une réunion de crise au sommet avait dû être organisée », raconte l’ancien rapporteur de la loi, qui avait été contraint de retirer son amendement.
Au vu des récents débats parlementaires sur le sujet, les onze recommandations formulées par la Cour des comptes à l’issue de son rapport ont donc peu de chance d’être retenues. Elle recommande tout aussi bien de relever les textes sur les boissons alcoolisées, de modifier le code du travail « pour interdire totalement l’introduction d’alcool sur le lieu de travail », ou encore d’appliquer à tous les supports numériques (Internet et réseaux sociaux) les restrictions de publicité prévues par la loi Evin.
Je continue en vous livrant le contenu intégral de l’article du Monde :
La France ne se donne pas les moyens de lutter avec efficacité contre les consommations nocives d’alcool. Dans un rapport publié lundi 13 juin, les magistrats de la Cour des comptes fustigent une « tolérance générale » vis-à-vis de la consommation de boissons alcoolisées, dont les « effets négatifs sont largement sous-estimés ».
Pris en étau entre un héritage « social et culturel » et le poids d’un secteur clé dans l’économie du pays, l’Etat «ne s’est pas donné les moyens d’infléchir les comportements à risque » et n’a pas fait de ce sujet une « priorité de l’action publique».
Pour dresser ce réquisitoire sévère, la Cour s’appuie sur un bilan sanitaire déjà partiellement connu. Avec 49 000 décès par an – dont 15 000 par cancer – l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable en France, juste derrière le tabac et ses 72 000 morts.
Des millions de personnes sont atteintes de pathologies ou de complications liées à ce produit. Et même si la consommation a enregistré une forte baisse depuis cinquante ans, la France affiche une consommation moyenne de douze litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de 15 ans, de 30 % supérieure à la moyenne européenne.
Un coût social annuel de 120 milliards d’euros
En additionnant le coût des vies perdues, des pertes de production ou des dépenses publiques de soin ou de prévention, l’économiste Pierre Kopp avait chiffré, en septembre 2015, à 120 milliards d’euros le coût social de l’alcool chaque année pour la France, soit autant que pour le tabac.
Les données épidémiologiques restent toutefois « lacunaires », note la Cour, qui relève que le coût social ne fait pas « consensus ». Elle regrette également que « les champs d’investigation, les orientations et les résultats de la recherche clinique et épidémiologique » soient « tirés par les uns et par les autres dans des directions opposées ».
Pour les magistrats de la rue Cambon, les autorités ne s’attaqueraient aux problèmes sanitaires liés à l’alcool qu’à travers des politiques « éclatées, discontinues et aux résultats très inégaux », loin de celles menées contre le tabagisme. Au regard des politiques volontaristes menées en Italie ou au Royaume-Uni, ils jugent même qu’il existe une « certaine indifférence » des pouvoirs publics français sur la question de l’alcool.
« Régression » du dépistage de l’alcool au volant
« Quelques avancées notables mais désormais un peu anciennes » en matière de sécurité routière ou de limitation de la publicité « peuvent certes être portées à leur actif ». « Quelques campagnes de prévention sont restées dans les mémoires, et la prise en charge addictologique, de son côté a progressé, concèdent-ils également. Mais cet ensemble ne fait pas une politique. »
La Cour dénonce ainsi une « régression » du dépistage de l’alcool sur les routes depuis plusieurs années, et des sanctions en cas d’ivresse au volant « peu dissuasives » ou « difficiles à mettre en œuvre ». Ils regrettent une fiscalité « peu inspirée par des objectifs de santé publique », une « érosion de l’effort de prévention » et la « passivité » devant l’accès facilité au produit pour les mineurs.
Elle déplore en outre que « la mesure de la modération en matière d’alcool » ne fasse pas « consensus ». « Il est maintenant établi que le risque de cancer existe, y compris dans le cas d’une consommation modérée et régulière, ce qui signifie qu’en termes de santé publique on ne saurait se limiter à prendre en compte les femmes enceintes, les jeunes et les alcoolo-dépendants », souligne le rapport. Les agences sanitaires devraient d’ailleurs « clarifier » les repères de consommation d’ici à 2017.
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