Voici deux ans que je vis sous l’état d’urgence, un état d’urgence absolu !
Lorsque je l’avais croisée, sans même y réfléchir, face à la situation, j’avais décrété «l’état d’urgence», je prenais enfin conscience que le temps m’était brutalement compté, il me fallait m’extraire sans délai de ma latence, rompre ma déshérence, l’aimer à me péter le cœur !
Quête hypnotique d’une seule femme, l’unique, elle !
« J'ai longé ton corps /Épousé ses méandres /Je me suis emporté /Transporté… J'ai tout essayé /J'ai tout essayé…
Aucun express ne m'emmènera/Vers la félicité /Aucun tacot n'y accostera /Aucun Concorde n'aura ton envergure /Aucun navire n'y va /Sinon toi
Aucun trolley ne me tiendra /Si haut perché /Aucun vapeur ne me fera fondre /Des escalators au chariot ailé /J'ai tout essayé /J'ai tout essayé
J'ai longé ton corps /Épousé ses méandres /Je me suis emporté /Transporté
Par-delà les abysses /Par-dessus les vergers/Délaissant les grands axes / J'ai pris la contre-allée /Je me suis emporté /Transporté
Aucun landau ne me laissera /Bouche bée/Aucun Walhalla ne vaut le détour/Aucun astronef ne s'y attarde /Aucun navire n'y va /Sinon toi
J'ai longé ton corps/Épousé ses méandres /Je me suis emporté /Transporté /Par-delà les abysses /Par-dessus les vergers/Délaissant les grands axes/J'ai pris la contre-allée /Je me suis emporté /Transporté
Aucun express ne m'emmènera / Vers la félicité /Aucun tacot n'y accostera /Aucun Concorde n'aura ton envergure /Aucun navire n'y va/Aucun
J'ai longé ton corps /Épousé ses méandres /Je me suis emporté /Transporté
Par-delà les abysses /Par-dessus les vergers/Délaissant les grands axes / J'ai pris la contre-allée /Je me suis emporté /Transporté
Ce jour de juillet nous quittâmes, à vélo, sans trop de regret les mornes plaines des confins du XIIIe-XIVe pour rejoindre notre nouvelle demeure. Il nous fallut grimper, forcer sur nos pédales, pour atteindre les hauteurs de la Mouzaïa. À destination nous étions nimbés de sueur, fenêtre ouverte, face à elle sous la douche, je m’émerveillais « Y’a toujours des oiseaux à la Mouzaïa ». Affleurement, effleurement, nous fîmes l’amour avec délice sur notre presqu’île et le moka d’Abyssinie qu’Émilie prépara, avec les mêmes soins que Chouchou, bien mieux qu’un visa, me conférait le statut de résident. Je jetais mon statut d’apatride aux orties, j’abandonnais le no man’s land complaisant où je me vautrais depuis toujours.
« À cette époque, n’ai-je pas toujours été en retrait, dans la position du spectateur, je dirais même de celui qu’on appelait le « spectateur nocturne » *, cet écrivain du XVIIIe siècle que j’aimais beaucoup… Restif de La Bretonne» le Modiano de L’herbe de la nuit « J’ai souvent l’impression que le livre que je viens de finir n’est pas content, qu’il me rejette parce que je ne l’ai pas abouti. Comme on ne peut plus revenir en arrière, il me faut alors en commencer un autre, pour aboutir enfin le précédent. Donc je reprends certaines scènes pour les développer davantage. Ces répétitions ont un côté hypnotique, comme une litanie. Je ne m’en rends pas compte quand j’écris, et puis je ne relis pas mes livres plus anciens car ça me bloquerait… Vous savez, il est difficile d’avoir de la lucidité sur ce qu’on écrit. La répétition vient peut-être du fait que je suis travaillé par une période de ma vie qui revient sans arrêt dans ma tête. »
Quête hypnotique d’une femme que ses héros tentent de retrouver de livre en livre : «C’est la même personne qui revient de roman en roman, mais de façon fantomatique, pas parce que j’aime les êtres éthérés, mais comme une photo qui aurait été rongée par les moisissures du temps et par l’oubli. C’est l’oubli qui est le fond du problème, pas la mémoire. On peut avoir été très intime avec quelqu’un, et, des années après, cette personne apparaît comme rongée, avec des pans entiers manquant dans votre mémoire. Ce sont ces fragments d’oubli qui me fascinent. »
Comme Modiano mes petits carnets sont remplis de notes, de traces, d’épluchures de vie « Nous pouvions faire le chemin à pied, mais la perspective de suivre l’interminable rue de la Santé et de longer les murs de la prison puis de l’hôpital Sainte-Anne, à cette heure-là, m’a glacé le cœur. » Notre transport sur une presqu’île, paradoxalement rompait mon retrait, cet isolement me projetait dans le monde et j’allais devoir enfin l’affronter les yeux grands ouverts. Et puis, Émilie serait à deux pas de son travail, la rue de Crimée, droite comme un I qui grimpait jusqu’à Botzaris où la rue de la Mouzaïa son affluent venait se jeter après avoir bénéficiée de l’enfilade des Villas.
Tout était dit.
Octobre 2014
J’avais titré ma note au Premier « Juppé, dernier rempart face à l’effondrement du système… » Grandiloquent certes ce titre mais je n’avais pas trouvé mieux pour résumer mon analyse de la donne de la présidentielle de 2017. Face à la perspective d’un second tour Le Pen/Sarkozy, dans la mesure où l’alternance se ferait mécaniquement à droite, la candidature de Juppé permettait de jouer une carte à la Giscard, la France veut être gouvernée au Centre, sauf que le Centre n’existe qu’en tant que force d’appoint pour la Droite. Ce que Hollande avait raté à la suite de son élection en laissant Bayrou mordre la poussière alors qu’il avait appelé à voter pour lui, Juppé par construction le réalisait avant l’élection. Mais encore faudrait-il qu’il puisse se présenter en gagnant la fameuse primaire ouverte inaugurées par le PS. Avec ce fou furieux de Sarko, qui allait remettre la main sur le parti, ça n’était pas gagné d’avance, sauf à ce que le petit ne se fasse vraiment rattrapé par ses casseroles judiciaires.
Je préconisais donc de faire l’impasse sur la future présidentielle, une forme de repli en bon ordre sur une position préparée à l’avance : la social-démocratie assumée, et de manœuvrer pour que la primaire de l’UMP à la sauce Sarko soit polluée par de braves sympathisants votant massivement pour Juppé. Manœuvre, certes délicate, mais jouable à la condition de préparer le terrain et de jouer fin en sous-main. N’oublions pas que les primaires ouvertes à la sauce socialo se jouent à deux tours, et qu’entre les deux, à la condition d’avoir fait un score qualifiant, le jeu des alliances avec le centriste pourrait permettre à Juppé de tirer son épingle du jeu. Bien évidemment j’ajoutais, qu’en dépit de ma conviction que mon analyse et ma stratégie étaient pertinentes, je n’étais absolument pas partant pour remettre les pieds dans les soupentes de l’UMP comme je l’avais fait au tout début du septennat. Peine perdue, j’avais à nouveau péché par orgueil, me restait plus qu’à faire le mort pour qu’on m’oublie.
Le 9 novembre 2014 j’écrivais
« Maigre vapeur saisi en aller-retour à la poêle, carottes et navets de variétés oubliées rôtis à feu doux, câpres de Pantelleria, ciboule à fleurs, mince filet d’huile de cumbava, Claire au piano fut impeccable. Le catalan, un peu crispé à son arrivée, se détendit un peu lorsque je lui proposai ce dîner frugal. À table Émilie se tenait à ma droite, le premier Ministre nous faisant face. Ses sbires s’installèrent sur le canapé de l’entrée face à l’écran plat, par bonheur Canal+ diffusait un match de la Champion League. Un bref instant, Manuel et moi évoquâmes nos souvenirs de week-end de Pentecôte, chez Catherine et Jean-Paul, en Normandie. Filiation rocardienne devenue certes lointaine mais fil rouge de la fameuse ouverture du temps de la France unie de Mitterrand. Si Simone Veil avait basculé en 1988, le panorama politique aurait vraiment changé mais Antoine veillait au grain, Rocard dû se contenter de seconds couteaux à l’exception notable d’un Jean-Pierre Soisson suffisamment caméléon pour accepter l’aventure au Ministère du Travail. Le catalan m’écoutait. Émilie lui proposait une larme de chenin de Jo Pithon qu’il acceptait. Nous mangeâmes en silence sous le regard attendri de Claire qui préparait une compotée de rhubarbe vanille bourbon- riz au lait cru de vache Jersiaise.
La conjonction d’un excellent dîner, léger et rapide, et de mon introduction perche tendue, confortait l’animal politique, renforçait son capital de confiance en moi. Il n’avait rien à craindre, ce qui allait se dire autour de cette table nichée dans la Mouzaïa ne se retrouverait pas dans la presse ou dans un futur livre de confidences. La grande maison lui avait tiré mon portrait, rétif mais loyal, et il savait à quoi s’en tenir. Manuel prit la peine de se lever pour aller remercier Claire. Émilie servit le café. Réendossant ses habits de Premier Ministre Manuel nous gratifia d’une analyse assez sombre de l’état de la majorité présidentielle. « L’extrême-gauche tient le même discours économique que l’extrême-droite, incantatoire, irresponsable, elle joue la carte du retour d’une droite dure pour faire fructifier sa pelote contestataire ; les Verts sont du purin d’orties, puant et inefficace, à évacuer à l’égout ; le temps est donc venu d’enfoncer un coin dans la brèche ouverte entre les nouveaux mollétistes du PS et la gauche réformatrice. La recomposition du paysage politique est possible. Les synthèses molles à la Hollande ont fait la preuve de leur dangerosité. Je ne suis pas un homme pressé mais déterminé. Es-tu prêt à m’aider ? » Ce tutoiement tirait un léger sourire Émilie.
Ma réponse fit ciller Manuel « Oui car j’aime Émilie… C’est une reine même si je ne suis pas son roi. Elle est mon oxygène. Tu peux compter sur moi si elle est à mes côtés. Ce sera mon dernier combat… » Un ange passa avant que je ne reprenne la parole pour exposer mon plan de bataille. Objectif : faire passer à Juppé la barre des primaires de l’UMP afin de renvoyer talonnettes agité à la géhenne.
« La frange d’électeurs de la gauche modérée qui, à la fois, éprouve une répulsion persistante et ravivée envers un Sarkozy qui n’a pas changé, mais aussi une déception profonde envers François Hollande, doit se mobiliser pour aller voter Juppé aux primaires, un chiraquien modéré qu’ils choisiraient après que Chirac lui-même eut fait le choix de Hollande, radical chiraquien de Corrèze, afin de s’éviter un deuxième tour Le Pen-Sarkozy. Le maire de Bordeaux présente deux atouts majeurs pour toi : son âge et son alliance de fait avec Bayrou. Tu dois faire l’impasse sur la prochaine présidentielle, tout à perdre, sauf à ce que la déliquescence du PS fasse de toi le seul recours face à un désastre électoral annoncé. Reste la mobilisation, le passage à l’acte de ces électeurs qui ne sont pas des militants. Il faut partir de loin, les travailler au corps avec doigté, ne pas donner des munitions à l’homme pressé qui va tout faire pour torpiller les primaires dès qu’il aura mis la main sur le parti. Nous risquons d’être face à la même configuration que pour le duel entre Fillon et Copé. Tous les coups, toutes les turpitudes seront permis, Sarkozy fait le pari que son écrasante élection, le mois prochain, à la tête de l’UMP, suffira à le rendre incontestable.
«Ils ont intérêt à me bloquer sur la bretelle Quand je serais sur l’autoroute, personne ne pourra m’arrêter», fanfaronne-t-il devant ses lieutenants. Il va falloir jouer fin, en sous-main avec des gens sûrs et déterminés. Il hors de question de faire jouer un quelconque rôle aux semelles de crêpes de la grande maison afin de refaire le coup des Irlandais de Vincennes. Carte blanche, si ça merde c’est de ma faute, si c’est gagnant tu me donneras une médaille en chocolat avant que je ne parte vivre en ermite à Syracuse. » Manuel affichait un sourire satisfait « Tu as carte blanche, moyens illimités et tu ne réfères qu’à moi… » J’acquiesçais, il enfilait son affreux imperméable bleu marine, enroulait son écharpe rouge autour de son cou, me saluait avant de claquer des bises à Claire et Émilie. Ce petit intermède à la Mouzaïa l’avait rasséréné.»

Dans le registre «Hollande m’a tuée», Cécile Duflot est aujourd’hui à son meilleur. Alors que le congrès de son parti s’ouvre samedi à Saint Ouen sous de tristes auspices, pas un seul jour ne se passe sans qu’elle offre une nouvelle preuve des intentions homicides de l’Elysée à son endroit. Les écolos se meurent et leur chef de file affiche ses blessures. Tout cela est dit comme un lourd secret qu’on livre presqu’à regret tant il est douloureux. C’est que la victime est encore sous le choc. Jamais elle n’aurait pu imaginer pareille agression.
Pensez donc! Une tentative d’assassinat ourdie par un Président claquemuré dans son palais et dont l’unique obsession est de se venger de tous ceux qui ont eu l’audace de vouloir lui résister. Comment imaginer des mœurs aussi noires ? Comment croire que de telles pratiques puissent encore exister dans un pays civilisé, à l’aube du troisième millénaire?
Sacrée Cécile ! Lorsqu’on enseignera un jour l’art de la tragédie-comédie dans les écoles de la politique, c’est elle qu’il faudra convoquer en premier. Vous vous tirez une balle dans le pied ? Eh bien venez maintenant expliquer qu’on a voulu vous flinguer ! Ce numéro-là exige une parfaite maîtrise de soi. Pas de cris, pas de râles, juste une pointe d’indignation dans la voix. Pour être plainte, la prétendue victime doit être blessée sans avoir l’air abattue. Pour être soutenue, il faut qu’elle mette en scène sa douleur et sa détermination à la fois. Mourir, en politique, est un exercice de style réservé aux très grands acteurs du circuit. Dans sa génération, Cécile Duflot est, à l’évidence, l’un d’entre eux.
C’est qu’il en faut en effet du talent pour faire passer pour un traquenard ce qu’il n’est au fond qu’un combat perdu. Depuis qu’elle a rompu avec François Hollande en sortant du gouvernement, en mars 2014, Cécile Duflot est entrée en guerre. C’est son droit. Elle était l’alliée de référence. Elle est devenue d’un jour à l’autre le procureur implacable d’un quinquennat placé, à ses yeux, sous le signe du renoncement. Pourquoi pas! Elle a pris son risque. C’est tout à son honneur! Elle s’est plantée. Ça arrive ! La voilà qui explique désormais que son échec est de la responsabilité de celui qu’elle a voulu défier. C’est pour le moins original !
Au fond, Cécile Duflot ne pardonne pas à François Hollande de lui avoir résisté. Elle se comporte comme une compétitrice qui n’accepte pas d’avoir perdu. C’est comme si, dans une élection, elle faisait grief au vainqueur de l’avoir emporté. Il y a quand même quelque chose de tordu - et d’ailleurs assez révélateur en termes de tempérament - dans ce raisonnement qui repose sur l’idée qu’en politique, tous les coups sont permis, sauf celui de se défendre et qui suggère surtout que la défaite ne peut être que le fruit de la trahison.
François Hollande a sans doute beaucoup de défauts. Mais il est quand même un peu farce de le décrire, un jour, comme un petit bouchon, incapable de la moindre constance, pour le transformer, le lendemain, en un nouveau Machiavel. Plus il est faible, plus son avenir paraît compromis et plus on l’imagine en train de tirer les ficelles, en coulisse. Dès qu’une tête tombe – y compris dans la presse… - c’est sa responsabilité qui est pointée du doigt. S’agissant de Cécile Duflot, il est urgent de décevoir les complotistes de tous poils. Si la tête est tombée, c’est qu’elle ne tenait plus qu’à un fil.
Le seul grief qu’on pourrait d’ailleurs faire au Président est d’avoir voulu la sauver plus longtemps que de raison. Il serait amusant que Cécile Duflot publie l’ensemble des textos que lui a adressé François Hollande depuis quelques années. Il y a fort à parier qu’on y trouverait plus de mots doux que de menaces, plus de «Cécile, reviens» que de «Cécile, prends garde à toi».
François Hollande est un conciliateur dans l’âme qui a toujours préféré la pêche à la ligne à l’art de la chasse. A ceux qui, au PS ou à Matignon, le pressaient de tirer l’échelle, il expliquait, il y a encore peu, que son unique ambition était de ramener au bercail l’ensemble du troupeau écolo. C’est faute de mieux qu’il s’est résolu à faire entrer au gouvernement, en février dernier, la secrétaire nationale d’EELV et les présidents des deux groupes parlementaires. Pour le prix de Cosse, de Placé et de Pompili, il aurait volontiers acheté – est-ce le bon mot ? – un seul baril de Duflot.
Aujourd’hui, celui-ci ne vaut plus rien. A qui la faute? EELV est au bord du dépôt de bilan. Ses militants désertent en masse. Il n’ont été que trois milles à se déplacer lors du vote des motions de Saint Ouen. A force de jouer sur tous les tableaux à la fois, leurs élus locaux ont été laminés lors des dernières élections locales. Ils ne sont plus désormais assez nombreux pour parrainer avec succès l’un des leurs, lors de la prochaine présidentielle de 2017. Vu le score qui est promis à Cécile Duflot au cas où elle parviendrait finalement à se présenter - 2%, tout bien pesé -, il n’est d’ailleurs pas sûr que le jeu en vaille la chandelle.
Imaginer un instant que l’Elysée soit responsable d’une telle déconfiture est une belle plaisanterie. Cécile Duflot est trop roublarde, dans son malheur, pour ne pas le savoir. On lui fera la grâce de croire ici qu’elle ne l’entretient pas par hasard. Bientôt, c’est écrit, elle expliquera queFrançois Hollande et lui seul l’a empêchée de défendre, en 2017, ses couleurs et son projet. Il est même possible qu’elle justifie ainsi son ralliement à une candidature venue d’autres horizons. Là encore pourquoi pas. Mais était-il vraiment nécessaire de se donner tant de mal pour en arriver là ?
Michel Onfray : « Nous sommes déjà en guerre civile »
PAR JEAN-MARCEL BOUGUEREAU, PUBLIÉ LE 10 JUIN 2016.
Tout indique que la loi Travail n’est qu’un prétexte pour la CGT d’engager la bataille avec la CFDT.
Alors que les rues de plusieurs grandes villes ressemblent à des dépôts d’ordures, que la grève se poursuit à la SNCF, à la RATP et dans les raffineries, une question se pose : le gouvernement n’ayant aucune raison de céder sur la loi Travail, même si, ponctuellement, il a fait d’importantes concessions à la SNCF, que veut vraiment la CGT ? Que veut Philippe Martinez ?
Tout se passe comme si la CGT, tout en se défendant de vouloir saboter l’Euro, s’était donné des objectifs jusqu’à la re-discussion de la loi à l’Assemblée, en juillet. Pour le gouvernement, l’enjeu est de faire cesser un mouvement social coûteux en ce qui concerne la SNCF, mais surtout coûteux en termes d’image, également pour le tourisme, déjà très handicapé par les attentats.
Si l’on regarde plus attentivement ce « bras de fer », on se rend compte qu’il est largement mis en scène. On a l’impression que le pays est bloqué. Mais jeudi, à la SNCF on comptait moins de 8 % de grévistes, la grève restant très suivie par les roulants, mais chaque jour un peu moins. Face à la loi Travail, le nombre de grévistes demeure faible dans le privé mais aussi dans le public. Même dans les manifestations, ce n’est pas la foule : les syndicats eux-mêmes disent 100 000 personnes. La réforme des retraites en 2010, c’était 1,2 million de personnes certains jours. Alors, pourquoi ce bras de fer ?
Tout indique que la loi Travail n’est qu’un prétexte pour la CGT d’engager la bataille avec la CFDT, avec qui elle est en concurrence pour la première place. Alors que Bernard Thibault avait fait émerger une CGT moderne et réformiste, Martinez incarne un retour en arrière. Comme le note Jean-Marie Pernod de l’Ires, la CGT « est organisée sur le modèle des années 1960-1970, avec une structuration de branche qui date, calée sur les grandes entreprises et peu sur les PME. Elle n’a pas pris en compte les réorganisations productives qui ont transformé l’entreprise, modifié la structure du salariat, par exemple les rapports entre donneurs d’ordre et sous-traitants, l’appartenance croissante des PME à des groupes, la précarisation des travailleurs, en particulier des jeunes ».
Ces blocages sont le fait d’une minorité très déterminée de militants, dans les ports, les centres de traitement des déchets, les dépôts de carburants. Jusqu’à présent, selon les sondages, les Français soutiennent les mouvements d’opposition à la loi Travail. Mais les jours passant et l’Euro approchant, les Français pourraient faire volte-face si grèves et blocages en venaient à durer et à perturber la tenue de l’Euro. Ce retournement d’opinion est déjà en marche. Comment Philippe Martinez, après avoir lâché la bride à sa frange la plus hostile au compromis, va-t-il pouvoir faire machine arrière ? À moins que la rencontre entre Myriam El Khomri et le dirigeant de la CGT annoncée la semaine prochaine ne débloque la situation.