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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 06:00
Le terroir de Limoux a beaucoup d’atouts, pourquoi les gaspiller ?

À Limoux, pour faire court, le territoire viticole se partage très majoritairement entre 2 coopératives : Sieur d'Arques et Anne de Joyeuse, les blancs d’un côté, les rouges de l’autre, ce n’est pas une imagerie facile mais le fruit d’une histoire où la césure politique était sous-jacente.

 

Bien évidemment Limoux c’est d’abord la Blanquette : les bulles de Sieur d’Arques, puis vint le Crémant, le Chardonnay de Toques et Clochers, enfin une AOC limoux rouge… Les seigneurs, quoi, mais sans doute trop, à vouloir trop embrasser, la vieille maison n’a pas pu ou pas su tirer profit de l’explosion du marché de la bulle.

 

À côté, le challenger, Anne de Joyeuse, je la citais à titre d’exemple pour sa politique de pilotage du vignoble par l’aval.

 

Le bulletin de liaison des adhérents de la cave Anne de Joyeuse : L’Edit des Joyeuses écrivait sous le titre : la maîtrise des rendements : nouveau paiement différencié pour les cépages :

 

« La mondialisation nous fait connaître aujourd’hui les premiers effets d’une concurrence sévère sur le marché des vins.

 

La production mondiale du vin est en phase d’être excédentaire par rapport à la consommation. Nos futurs concurrents ne sont plus l’Espagne, l’Italie mais les pays de nouveaux producteurs (USA, Australie, Chili, Argentine, Nouvelle Zélande). Une concurrence se dessine : l’Europe viticole contre les pays du nouveau monde : celle-ci est d’autant plus facilité que les moyens de communication et de circulation ne sont plus un frein au développement. Ces nouveaux pays bénéficient d’un phénomène de mode sur le marché anglo-saxon et présentent des standards qualitatifs souvent supérieurs à nos vins de pays.

 

Nous nous devons de résister à cette concurrence. Pour cela la Cave Anne de Joyeuse doit produire des vins à très bonne typicité variétale avec des caractères plus « concentrés » et plus « complexes ». Cet objectif qualitatif nous permettra de maintenir l’accès au marché (la problématique commerciale des vins se pose en termes de prix et d’écoulement, il n’y a plus de place pour les vins moyens). »

 

Bref deux politiques, non pas antinomiques mais complémentaires. Elles le sont d’autant plus que bon nombre de vignerons coopérateurs limouxins (150 sur 227 à Sieur d'Arques) amènent leurs récoltes dans les deux établissements.

 

Mes liens avec les deux structures m’avaient amené à réfléchir sur leurs synergies, c’est-à-dire les étapes du chemin à parcourir pour qu’elles s’unissent. Les pesanteurs limouxines sur lesquelles je n’ai pas à revenir, ont empêché que les équipes dirigeantes s’engagent sur ce chemin. On ne réécrit pas l’histoire mais il n’est jamais trop tard pour renouer les fils et tirer parti d’une situation qui entrave la prospérité du terroir de Limoux.

 

Mon propos n’ira pas au-delà de ce questionnement, je n’ai pas et je n’ai jamais pour vocation de m’immiscer dans les affaires des vignerons de Limoux. Tout ce que je puis vous confier c’est que la situation actuelle m’attriste, me navre, comme une impression de gâchis.

 

À Sieur d’Arques la contestation qui couvait depuis de longs mois a débouché lors d'une assemblée générale extraordinaire sur un vote de défiance sur les 206 viticulteurs présents, 111 se sont prononcé contre l’équipe dirigeante.

 

Hormis le projet d’un nouveau caveau à 2 millions d'euros jugé trop onéreux au regard de la santé financière précaire de la coopérative, le deuxième sujet d'achoppement la rémunération des vignerons jugée beaucoup trop faible et c'est certainement là le nœud du problème. Aujourd'hui les vignerons de la cave voudraient voir le fruit de leur travail mieux rémunéré et selon l'opinion d'un vigneron au discours très imagé mais discret (les élections du prochain président se préparent activement) :

 

«Dorénavant il faudra faire pisser la vigne, maintenant on s'en fout des niches comme l'appellation d'origine protégée avec ses vendanges manuelles qui nous coûtent cher, et qui est mal commercialisée. Les Toques et Clochers qui ne font vibrer que des étoiles lointaines, il faut vendre notre récolte en indication géographique protégée avec moins de contraintes à la cueillette et faire du chiffre un point c'est tout

 

Discours choc d'un coopérateur, très Limouxin, un des bastions du rugby à XIII qui, sous ses excès de langage recouvre des problèmes bien concrets et pose la vraie question du retour pour les vignerons, le revenant bon, d’une politique aux ambitions qualitatives réelles mais dont les coûts commerciaux n’ont pas été générateur de ce retour.

 

« Difficile de comprendre pourquoi d'un côté les rémunérations sont au beau fixe et même en progression, pour leurs rouges chez ADJ, et frileuses et maigres pour leurs bulles à Sieur d'Arques, alors que les crémants alsaciens, par exemple, battent en ce moment tous les records de vente. »

 

La réaction de Rémy Fort, président de la cave Anne de Joyeuse à cette situation doit être décodée au regard de la vulgate limouxine.

 

« Le terroir de Limoux possède une richesse exceptionnelle, avec une diversité unique. Sur un même territoire on peut élaborer des vins effervescents de qualité, des chardonnays de réputation internationale et des vins rouges qui ont conquis le cœur d'opérateurs prestigieux et internationaux.

 

Dans un monde concurrentiel il ne faut pas voir l'avenir de cette petite région que par la bulle, ce serait une grave erreur économique. Les vins tranquilles sont également un atout indéniable pour demain. Cette diversité est un élément différenciant qui sera la richesse de notre avenir.

 

La vision scolaire d'un vignoble industriel, qui berce le vigneron dans la facilité, n'est pas concevable sur les terres du limouxin. Seul 15% du vignoble pourrait répondre à cette demande. On ne peut pas bâtir un développement sur une superficie marginale, ce n'est pas la politique des vignerons d'Anne de Joyeuse. »

 

À toute chose malheur est bon dit l’adage populaire, il est sans doute temps à Limoux de s’asseoir autour d’une table pour reparler avec pragmatisme d’Union entre les deux coopératives afin d’étudier les complémentarités, les doublons, les surinvestissements, les synergies.

 

Certes c’est une « affaire d’hommes » mais nul à Limoux, et Anne de Joyeuse en premier, n’a intérêt à ce que Sieur d’Arques s’enfonce ou s’engage dans une politique de sauve-qui peut. Avec autant d’atouts dans son jeu le terroir de Limoux doit jouer collectif, coopés et indépendants, pacifier le débat, revenir à l’essentiel.

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