Ouille, ouille Jacquouille, j’imagine votre tête. Il s’est abstenu, non, pas lui. Si, si, si, je me suis abstenu mais attendez avant de monter sur vos grands chevaux, n’instruisez pas mon procès et ne me condamnez pas avant de m’avoir lu.
Oui tout au long de la semaine passée je me suis abstenu mais, rassurez-vous, hier, je suis passé par la case isoloir pour faire mon devoir électoral à l’heure du déjeuner.
Hormis le petit plaisir de vous faire bisquer – j’adore cette expression si peu usitée – mon titre reflète mon profond désarroi face à la prolifération des analyses, des contre-analyses en long, en large et de travers, des tribunes, des points-de-vues, des invectives, des petites phrases, des discours furieux, creux, des petites et minables manœuvres, des postures, des appels à…
Dans notre vieux pays fourbu, une grande majorité de citoyens ne votent pas, à chaque scrutin qui s’offre à eux ils sanctionnent soit en allant à la pêche, soit en votant pour n’importe qui. Vous me direz qu’ils n’ont pas tout à fait tort puisqu’à force de gober, comme des jobards, des promesses, ils estiment qu’ils sont en droit de sortir les sortants. Pourquoi pas, même si ce slogan a un fumet qui me déplaît.
Dans cette dernière votation, je rappelle que ce n’était que des élections régionales, avec de nouvelles géométries pour beaucoup de régions, et qu’une grande majorité des électeurs se fichait pas mal de savoir si les sortants avaient ou non démérités. L’essentiel était ailleurs : sanctionner la majorité nationale, la caste politique dite républicaine dans son ensemble, les élites pour faire court. Là encore pourquoi pas !
Ce qui m’interroge c’est que l’électeur éjecteur choisi par défaut ceux qui se proclament anti-système, contre les élites, en une forme de national-populisme, avec une prédilection très forte pour une droite extrême ; l’extrême-gauche, elle, se contente des miettes.
Et c’est à ce moment-là que nos grands politologues, éditorialistes et intellectuels de toutes les crèmeries à cervelle, sortent l’arme fatale, celle qui, telle les V1-V2 d’oncle Adolphe, va régler tous nos problèmes : le nécessaire renouvellement de l’offre politique.
Et c’est à ce moment-là où je m’abstiens face à un problème qui relève du paradoxe de la poule et de l’œuf.
En effet pour générer une nouvelle offre politique encore faudrait-il pouvoir identifier clairement quelle est la demande politique. Et là c’est le souk, le capharnaüm, le bordel pour causer poliment…
Alors vous comprenez pourquoi je fuis, je me dérobe, je m’abstiens.
Et pourtant, je pourrais donner un point de vue sur ce grand foutoir car, pendant des années, j’ai vécu à l’intérieur, dans l’ombre des politiques, à m’occuper du cambouis du quotidien. Comme le chantait Gabin : Je sais. Mais c’est parce que je sais ce que je sais que jamais au grand jamais il ne m’est venu à l’esprit d’avoir l’ambition de me présenter à une élection, d’embrasser la carrière politique.
Pourquoi ?
- Car les appareils politiques et leur mode de sélection des candidats m’ont toujours révulsé ;
2. Pour pouvoir être, en toutes circonstances, maître de mes choix ;
3. Parce que j’ai vu ce qu’était la condition quotidienne du député et, au risque de vous étonner, elle n’est pas aussi enviable que le bon peuple le croît.
Fort bien me direz-vous mais pourquoi se refuser à apporter une pierre, aussi petite soit-elle, à l’érection d’une nouvelle offre politique ?
La réponse est aussi simple que l’équation est complexe : appeler à un renouvellement complet de l’offre politique n’est qu’un leurre commode pour amuser la galerie.
Le faire est une autre paire de manches.
Ce grand-ménage, cette place nette, n'est possible que si des circonstances exceptionnelles, telles celles que j’ai connues, malgré mon jeune âge, avec l’arrivée de Gaulle et l’instauration de la Ve République, interviennent. Ainsi, beaucoup de notables de droite comme de gauche, vieux routiers de la IVe, ont été balayés et ont laissé la place petit à petit à une nouvelle race d’élus et de Ministres : les énarques et les fonctionnaires en général.
Nous n’en sommes pas là et si nous en arrivions-là je ne vois aucun vivier disponible où aller puiser cette fraie politique.
De grâce arrêtons d’invoquer le recours à la société civile !
Là encore comme sœur Anne, depuis le temps qu’on l’attend, je ne vois toujours rien venir…
Alors que faire ?
Comment le faire ?
Je ne sais mais ce que je sais, et là j’en reviens à mon cœur de cible : le vin, c’est que si, petit à petit, on laisse une coterie exercer sa mainmise sur les lieux de décision, il ne faut pas ensuite venir se plaindre des disfonctionnements du système.
Je n’en dirai pas plus car je rabâcherais au risque de vous lasser.
Mais, comme mon espace de liberté se nomme Vin&Cie, je dois vous avouer que la semaine passée je me suis aussi abstenu :
- De chroniquer sur la campagne de Vin&Société signée « Le Vin. Je l’aime, je le respecte », portée par les grains de raisin baptisés les vindomptables et soutenue par le slogan « Aimer le vin, c’est aussi avoir un grain de raison » Une campagne dites d’information visant à faire connaitre les repères de consommation et à donner un cadre clair à la notion de modération ainsi qu’une définition de la consommation excessive.
- De chroniquer sur le Spécial champagne du journal Le Monde.
Pourquoi me direz-vous ?
Ma réponse va peut-être vous surprendre : parce que je suis abonné au journal le Monde et que j’ai bien conscience que mon apport financier est fort marginal face à la toute-puissance de la Régie Publicitaire. Si vous consultez le spécial champagne du Monde vous pourrez constater les motivations de mes 2 abstentions.