Le figatellu fermier, produit rare de saison froide, en effet au début du mois de décembre le porcu neru qui s’est gavé de glands vit ses derniers jour il va être sacrifié au pied d’un châtaignier (dernier carat fin du mois d'avril). C’est aussi la saison de fabrication du brocciu produit typique et identitaire de l’île. Emile Bergerat, poète et auteur dramatique, le décrivait ainsi : « Le brocciu est le mets national et le régal de la Corse… Qui n’en a pas goûté ne connaît pas l’île… ».
« Nustrale», est le nom officiel de la race porcine corse. Cette race, très ancienne est spécifique à la Corse, a été officiellement reconnue en 2006. Héritage séculaire des traditions pastorales de Corse elle constitue un pilier du patrimoine génétique insulaire. Cette race se reconnaît par sa morphologie générale, et en particulier la forme de la tête et de la cuisse, ainsi que par la couleur de sa robe (noir dominant, gris…).
Sa spécificité, repose sur son aptitude à vivre dans son milieu naturel, les parcours en zone de montagne, qui demande une certaine rusticité qui se traduit par des animaux à croissance lente, de formats plus petits que certaines races dites « améliorées ». En revanche, ces animaux ont une bonne aptitude à valoriser les ressources fourragères spontanées du milieu, et procurent une qualité de viande particulièrement adaptée à la transformation en charcuterie crue.
Les cycles d’élevage, calés sur le rythme des saisons, sont restés inchangés depuis des siècles. Les animaux sont élevés sur les parcours « i rughjoni » où ils trouvent une partie des ressources indispensables à leur croissance. Pendant la période d’automne les porcs élevés en bande parcourent les espaces forestiers chênaies ainsi que les châtaigneraies pour se nourrir de glands et de châtaignes. C’est uniquement après cette phase dite de « finition » que les animaux sont tués. L’abattage a donc lieu uniquement durant la période hivernale. »
Chez François Albertini, on est éleveur charcutier de génération en génération. On sait donc de quoi on parle lorsque l'on évoque la qualité, l'authenticité et le mode d'élevage.
« Composé de 225 porcs dont une vingtaine de truies, le troupeau de race corse permet à l'éleveur de garantir une viande de qualité.
Elevés en semi-liberté, nourris de blé, maïs et orge de février à septembre, les porcs gagnent ensuite chênaie et châtaigneraie. D'octobre à février, ils se nourrissent de glands et châtaignes.
Chaque année, 150 d'entre eux âgés de 16 à 24 mois sont conduits jusqu'à l'abattoir de Ponte Leccia. La méthode de fabrication, purement traditionnelle, se décline en découpe, salaison et maturation.
C'est entre une semaine à vingt jours que l'on peut déguster le figatellu, de quatre à six mois pour saucisse, coppa et lonzu. »
Les figatelli semblent être originaires du sud de la Corse, cette version est plus riche en foie. On la reconnaît à sa couleur très foncée, mais bien sûr il en existe aussi en Haute-Corse mais la recette y diffère un peu. Comme toujours sur l’île, chaque région, voire chaque village, sinon chaque famille, a ses variantes ou même ses secrets de fabrication. Richesse indéniable, ADN corse, en ces temps d’uniformisation, le signe d'une résistance à la standardisation industrielle.
Les figatelli sont produit à partir du foie de porc, qui leur donne ce goût si particulier. C'est le dénominateur commun, il y en a plus ou moins : ainsi dans la région de Bastelica « u fitonu » est un figatellu composé quasi-exclusivement de foie et qui se consomme après séchage complet. À ce foie sont ajoutés la plupart des abats, et certaines pièces de viandes : gorge, saignée...
Le figatellu accommode en fait les parties du porc qui se conservent difficilement, il doit donc être consommé le plus rapidement, quelques jours après sa fabrication.
L'assaisonnement, lui aussi, varie : sel, poivre bien sûr, parfois… ail, vin, herbes...
Il est aussi possible de le faire sécher, on peut le garder alors jusqu'au début de l'été sans problème, pour le consommer cru.
Les figatelli se consomment le plus couramment doucement rôtis sur de la braise du feu de cheminée en prenant bien soin, pendant la cuisson, de les presser régulièrement sur du pain frais pour ne rien perdre de leur suc si particulier.
Si vous voulez suivre la tradition insulaire, les figatelli se mangent avec la pulenta et des œufs et du brocciu.
Camille Costa Ceccaldi, gérant de la charcuterie Costa et fils à Urtaca en Haute-Corse, révèle quelques astuces pour dégoter une charcuterie corse de choix :
« Guettez la moisissure grise qui se développe à la surface des charcuteries entières. Loin d'être mauvais signe, elle est une marque d'âge, et montre une durée d'affinage suffisant. Notez que certains commerçants l'enlèvent, pour rendre leurs produits plus attractifs visuellement. »
« Au niveau de la taille, les grosses pièces doivent être privilégiées, car elles se dessèchent plus lentement en vieillissant. C'est aussi le signe que le produit a été fabriqué à partir d'un cochon adulte et bien en chair... »
« La charcuterie corse n'est pas un produit diététique. Pour être gouteuse, elle doit être grasse. »
Ainsi pour la coppa, le gras est présent à l'intérieur même de la viande.
Le lonzu, au contraire, doit être maigre au centre, avec la matière grasse à l'extérieur.
Les saucissons et figatelli présentent des gros morceaux de viande et de gras. C'est la méthode traditionnelle de hachage utilisée en Corse. »
Pour accompagner vos figatelli la cuvée grotte Di sole 2014 de Jean-Baptiste Arena s'impose.
Jean-Baptiste c'est la nouvelle génération du vignoble insulaire, vous savez comme je suis sensible à la transmission...
Les vignes d'où est issue cette cuvée 100% niellucciu ont 30 ans d'âge. Elles sont travaillées de manière traditionnelle et naturelle sur des coteaux argilo-calcaire exposés plein sud. Vinification naturelle bien sûr...
J'ai toujours eu un faible pour la Corse, je fais mienne ce passage de Claude Arnaud :
« En survolant la Giraglia, j’ai l’impression de toucher des yeux ce caillou couvert de myrte et de lentisque. Les hublots deviennent autant de masques qui grossissent les contreforts du cap Corse, un index tendu vers le golfe de Gênes.
Une forte odeur de maquis me gagne à l’aéroport de Bastia-Poretta, quelque chose d’âpre et d’entêtant qui fait battre mon cœur et me confirme que je suis corse aussi. »
La Corse « une île à faire rougir de honte les toutes les autres.»