Ce matin, écrire, dire, me semble bien vain.
Alors pourquoi m’exprimer ?
Simplement parce que Paris c’est mon chez moi, notre chez nous, et que tous ceux qui ont été fauchés par la barbarie sont une part de nous-même, frères et sœurs, voisines et voisins, amis, inconnus, parisiens, banlieusards, provinciaux, étrangers de passage, de toutes conditions, couleurs, âges…
Tous étaient assemblés dans des lieux de vie, de convivialité, de partages, innocents et joyeux, vivants avant d’être sauvagement assassinés, blessés, mutilés à jamais…
Ces lieux ce sont les miens, ce sont les nôtres, des petits territoires d’humanité…
C’est donc nous tous qu’ils ont voulu frapper, terroriser… c’est tout ce que nous sommes, représentons qu’ils veulent faire taire, asservir…
Alors en ce lendemain sanglant pleurons nos morts dans le silence et le recueillement, prions pour ceux qui savent prier, soignons et pansons les plaies de nos blessés, aidons les rescapés, ayons des pensées fortes pour leurs parents, amis, proches, qui sont dans la peine et la douleur.
Que certains politiques, commentateurs et autres profiteurs du malheur se taisent, arrêtent de s’ériger en procureurs, qu’ils aient la décence de respecter celles et ceux qui pleurent.
Nous, par hasard, nous sommes toujours vivants et, tout ce que moi survivant je suis en capacité d’écrire ce matin c’est que je vais continuer de vivre, de penser, d’aimer comme avant.
Tous ces lieux où la sauvagerie a frappés hier au soir me sont familiers, cycliste de nuit comme de jour leurs noms sont des repères, des symboles de parcelles de ma ville où l’on s’assemble et où l’on vit… Je vais continuer de rouler sur le bitume parisien comme avant avec fiché au cœur le souvenir de tous ces innocents, mes sœurs, mes frères.
Là où nous étions au moment où les premières nouvelles de l’horreur sont tombées, ce Lapin Blanc où, autour de belles bouteilles de mes amis vignerons bourguignons Alice, Claire, Olivier, Jean-Yves nous nous extasions, nous échangions, fut le symbole de notre liberté, de notre fierté, de notre amour pour la vie, la nôtre, celles des autres.
Ça ils ne le tueront, ni le blesseront, ni le mutileront… C’est à nous. C’est nous. Notre substance, notre fierté, notre humanité.
Les paroles de Gaulle à la Libération restent toujours bien fichées dans nos cœurs et nos têtes : « Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! »
Je vous embrasse...