Dédié aux souverainistes de tous poils qui relèvent la tête et se pavanent, héritiers de ceux qui ont envoyé mes ancêtres se faire massacrer et alimenté la longue liste du monument aux morts de la Mothe-Achard.
« Péricourt s’était fait faucher en pleine course. La balle lui avait fracassé la jambe. Il avait poussé un hurlement de bête, s’était effondré dans la boue, la douleur était insupportable. Il s’était tortillé et retourné dans tous les sens en continuant de crier et, comme il n’arrivait pas à voir sa jambe qu’il serait à deux mains au niveau de la cuisse, il s’était demandé si un éclat d’obus ne la lui avait pas sectionnée. Il fit un effort désespéré pour se soulever un peu, il y parvint et, malgré les terribles élancements, il fut soulagé : sa jambe était bien là, entière. Il apercevait le pied tout au bout, c’était en dessous du genou que c’était écrabouillé. Ça pissait le sang ; il pouvait remuer un peu le bout du pied, il souffrait comme un damné, mais ça bougeait. Malgré le boucan, les balles qui sifflaient, les shrapnells, il pensa « j’ai ma jambe ». Il en fut rassuré parce qu’il n’aimait pas l’idée de devenir unijambiste. »
Pierre Lemaître « Au revoir là-haut » Albin Michel Prix Goncourt