« Les voyages de presse, comme celui organisé par la filière viande, sont très prisé des entreprises. Ils consistent à convier des journalistes triés sur le volet, à les balader à grand frais dans des régions plus ou moins lointaines avec l’espoir d’obtenir en retour quelques retombées médiatiques. Évidemment, à aucun moment il n’est précisé dans l’article que le reportage a été intégralement financé par l’entreprise en question. Et c’est bien là le problème, l’essentiel c’est que ça marche. »
« … gare Montparnasse, au petit matin. Un groupe de journalistes encore ensommeillés était invité par l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) à visiter aux confins du Poitou, de la Vendée et de l’Anjou, une filière d’excellence dans le but de promouvoir l’opération. De l’éleveur aux arrière-cuisines du rayon charcuterie-traiteur d’un supermarché en passant par les ateliers de découpe, on allait leur montrer ce que la filière avait de meilleur, notamment la fameuse traçabilité de la viande bovine rendue obligatoire depuis la crise de la vache folle.
Pas d’élevages intensifs de vaches laitières en fin de carrière enfermées dans des cages, mais des superbes blondes d’Aquitaine nourries aux graines de lin et élevées sur la paille. Des bouchers qui achètent leurs bêtes sur pied à proximité, et non de la viande en vrac vendue à un trader qui cherche à se débarrasser d’un lot au plus vite. Le supermarché ? Pas n’importe lequel : un des meilleurs Intermarché de France. »
« Et que dire de l’invitation pendant sept jours, en 2013, de quelques journalistes par le Conseil malaisien de l’huile de palme ? Celle-ci a atterri dans leur boîte mail peu de temps après que des parlementaires ont proposé de financer le déficit de la Sécurité sociale en taxant cette huile que l’on trouve notamment dans les chips, les pâtes à tartiner, crèmes glacées et les pizzas industrielles. Le voyage avait vocation à « améliorer la compréhension des atouts et des bénéfices de l’huile de palme ». Et à en finir avec la mention « sans huile de palme », que le gouvernement malaisien juge discriminatoire. Au programme : grands hôtels, visites d’usines, rencontres avec des producteurs certifiés responsables, promenade dans une réserve protégée d’orangs-outangs, croisière sur le fleuve Kinabatangan. Il fallait bien ça pour protéger la principale richesse de la Malaisie. »
« Voilà pour l’opinion publique. Lorsqu’il d’agit de défendre leurs intérêts auprès de la classe politique, d’empêcher l’adoption d’une règlementation contraignante ou bien, à l’inverse d’autoriser la commercialisation d’une nouvelle molécule, les industriels sont prêts à dépenser des sommes folles. Le poids des groupes de pression, plus communément appelés « lobbies », est effarant, voire, dans certains cas démesuré. Bruxelles est considérée comme la deuxième capitale mondiale du lobbying derrière Washington. Des organisations non gouvernementales (ONG) aux multinationales, en passant par les cabinets d’avocats et les think tanks, ils s’agglutinent à l’est de la ville, à deux pas des institutions européennes. Certains sont d’anciens fonctionnaires passés dans le privé. »
L’auteur cite l’exemple du lobbying intense de l’industrie agrochimique visant à empêcher la Commission Européenne de suspendre 3 insecticides soupçonné d’être la cause du déclin des abeilles. « Travail de sape méthodique, organisé dans les moindres détails… alerte sur les conséquences économiques… sur les inévitables délocalisations entrainant des pertes d’emplois… » Quelques jours avant que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne rendent un avis défavorable Syngenta menace de recours juridiques. Bruxelles n’en pas tenu compte, elle a suspendu les 3 insecticides pour 2 ans, mais il aura fallu beaucoup de temps.
Gagner du temps, jouer la montre pour repousser le vote…
Et puis « Si l’on croit le Corporate Europe Observatory (CEO), plus de 60% des experts siégeant au sein de l’EFSA ont des liens avec les industriels. Largement de quoi faire peser des doutes importants sur la crédibilité des avis scientifiques de l’agence dans des domaines tels que les OGM, les additifs alimentaires ou encore les pesticides. Certes, les scientifiques de haut niveau sont tous plus ou moins confrontés à des conflits d’intérêts. Cela rend-il pour autant tous leurs avis nuls et non avenus ? Évidemment non, à condition qu’ils agissent en toute transparence. »
« … qui sont les 20 000 à 30 000 lobbyistes qui font quotidiennement le siège des institutions ? Quels sont leurs objectifs, leurs clients et leurs sources de financement ?
»
Aux USA les lobbies évoluent en toute transparence « La mythique K-Street, à Washington, est assurément le lieu de toutes les influences, mais les citoyens américains savent tout du patrimoine de leurs élus, des dépenses de lobbying des entreprises et du financement des campagnes électorales. » via une plate-forme web.
Et en France : L’ONG Transparency International lui a donné la note de 2,7/10 pour son manque de transparence. « Dans l’Hexagone, aucune loi ne définit ni ne règlemente les activités de lobbying… »
La lente émergence des avocats lobbyistes
Pour le savoir lire Les réseaux de la malbouffe de Géraldine Meignan chez JC Lattès