Commençons par la Préface de l’humble Bernard Magrez, homme venant d’un autre milieu que celui de la place des vins de Bordeaux, « plus modeste » et qui a « vu vivre et souvent très bien vivre ces grandes familles bordelaises issues de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie. »
Pas de quartier pour elles « certaines ont subi, sans réagir, les épreuves et les aléas de ce métier de propriétaire (ndlr est-ce un métier que la propriété ?) très valorisant mais jamais facile. »
« Accrochées à leurs certitudes… la plupart ont disparu de la scène économique : quelques-unes, grâce à des héritages somptueux, sont encore là. C’est une chance pour elles. Le méritent-elles ? »
Notre Bernard, fort diplomate, concède que d’autres « beaucoup plus conquérantes, tant dans le négoce que dans le vignoble, sont toujours devant et ont abandonné les postures qui les auraient empêchées de prospérer. »
Jouez violon, au singulier, c’est un Stradivarius, résonnez musettes : le Pape Clément accorde des deux mains l’imprimatur à l’ouvrage d’Isabelle Bunisset (encore une Isabelle) et de Giuseppe Liotti « Vin, gloire&bonté »
« Tout ce que j’y ai lu est vrai… » affirme-t-il !
Je note.
Et je transcris le dialogue de la page 109
Fête de la Fleur au château de Delatare Annabelle de la Poisse la narratrice à la table de Charles Ambroise de La Tache propriétaire du château Sournois cru classé en 1855
- Il fait partie de ces journalistes qui se rêvent en petits mondains, flattant marquises et baronnes… Ah ! Ils la voudraient bien notre place !
- Je vois ce que vous voulez dire, Charles… Ils sont délicieusement mielleux dans le secret d’un salon et se changent en langue de vipère devant leurs feuilles de chou !
- Vous m’avez compris… Mais au fond, nous avons aussi notre part de responsabilité car nous jouons un même jeu : nous leur disons ce qu’ils veulent entendre ! Tenez, à la table derrière vous, est assis le directeur de la REVUE DESVINS DU MONDE, Denis Savoirien… Parfaitement assorti à sa femme, journaliste elle aussi, toujours à renifler les histoires de fesses des politiques…
- Oui, on me l’a présenté au déjeuner… La main visqueuse ! Beurk ! Il a l’air franc comme un âne qui recule ! Toujours avec son acolyte qui met des mocassins à glands et des boutons de manchettes ! Plus vrai qu’une caricature !
- Oui, alors qu’il sort du ruisseau ! Ce qui les intéresse c’est de remuer la merd… ou se faire mousser…
- Et quand ils préparent un coup tordu, invariablement ils vous répètent : « Vous pouvez me faire confiance ! » La seule sanction : leur sucrer les budgets pub !
Je pourrais continuer de dévider comme des saucisses de Francfort les nombreuse vacheries à la bordelaise alignées par Isabelle Bunisset mais j’avoue que la mayo ne monte pas, c’est plat, convenu et sans grand intérêt. De loin je préférais la bouillie bordelaise de Bernard Ginestet qui endossait son pulvérisateur à bretelles pour sulfater allègrement le vignoble, les gens et les vins de Bordeaux.
« L’un des inculpés du « Procès de Bordeaux » après un jour et demi de présence contrainte à l’audience du tribunal, sortait en compagnie de son avocat dans la salle des pas perdus du Palais de Justice. En blazer bleu foncé, l’air décontracté et plein d’urbanité il se tourna vers son défenseur et, avec une pointe d’impatience dans la voix : « Mais enfin, Maître, quand donc allez-vous me présenter au Président ? »
C’est le temps qui veut ça mais définir Annabelle de la Poisse, la narratrice, comme étant une Parisienne jusqu’au bout des ongles parce qu’elle est « très névrosée, très psychanalysée, et en instance de divorce… » c’est verser dans la facilité d’un cliché éculé : porter des Lauboutin, carburer au Prozac, au Lexomil et au Stilnox, hésiter entre Miu Miu ou Prada, ça ne donne pas le droit de s’arroger cette appellation d’origine contrôlée…
Pour faire plaisir à ceux qui aiment nos chers arbitres aux élégances, une saillie de l’un d’eux dans la BD « Un grand vin nous rapproche de la grâce. Comme le coït… Un moment délicieux d’abandon… »