Emmanuel Macron, répondant à la question des journalistes de Le 1 : « La démocratie est-elle forcément déceptive ? » a rajouté une pierre à la détestation que lui vouent les qui n’ont que le peuple à la bouche.
« La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu sa mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. »
« Avec De Gaulle, les Français « suivaient le grand druide dans la forêt pour aller couper le gui avec lui ». Avec Pompidou, « nous avons un conseil d’administration qui nous annonce le cours des valeurs mobilières » Jean Lacouture.
En France, tout finit par des chansons dit-on, mais souvent tout commence avec le Roi, tout particulièrement les pépites de notre gastronomie.
Prenons ce brave Vatel, né en 1631, qui fit son apprentissage chez un pâtissier-traiteur de sa famille, Jehan Heverard et qui eut la chance, en 1653 de devenir « écuyer de cuisine » au service du puissant et immensément riche Nicolas Fouquet, le surintendant des finances de Louis XIV.
Le Roi Soleil prit ombrage du faste de son train de vie et de la beauté de son château de Vaux-le-Vicomte et ce qui devait arriver arriva le 17 août 1661, lorsque Fouquet reçut la cour et le roi Louis XIV dans son château.
De mémoire d’homme, la fête fut si grandiose, les spectacles et la cuisine si fastueuses que le Roi, jaloux, s’empressa sur le chemin du retour d’envoyer en prison son ministre et de l’imiter.
C’est lors de cette fête que Vatel fit servir la fameuse crème fouettée sucrée qui enchanta les palais raffinés des courtisans… Cependant effrayé par le sort de son maître et craignant pour sa vie, le cuisinier s’empressa de s’exiler en Angleterre. Deux ans plus tard, il fut engagé par le prince de Condé, dont il devînt « le contrôleur général de la Bouche » et officia dans sa résidence préférée, le fameux château de Chantilly…
Le Grand Condé c’est la Fronde, celle des Grands contre le Roi et mâtée par lui. Celui-ci, après la mort du cardinal Mazarin, assuma le pouvoir, imposant son autorité. La maison de Condé se trouvait dans une fâcheuse position, à la merci du Roi. Alors pour sceller la réconciliation avec lui le prince de Condé eut l’idée d’organiser une fête prestigieuse en avril 1671, une fête de trois jours qui effectivement atteignit son but : Condé et les siens furent absous.
Et Vatel y perdit la vie « Bal tragique à Chantilly : un mort »
On coupa symboliquement la tête des impertinents de Hara-Kiri, en interdisant la feuille qui avait osé un crime de lèse-majesté avec notre dernier Roi, le Général.
Vatel, pour une livraison tardive de poissons, se sentit déshonoré et mit fin à ses jours en plein milieu de l’incroyable fête. Sa gloire et sa fin étrange firent beaucoup pour que l’invention de la crème Chantilly lui soit attribuée.
« De ce passage du roi à Chantilly, Mme de Sévigné relate que les souverains visitèrent les appartements du château superbement meublés et fleuris, et qu’ils furent servis abondamment des plus excellents mets lors du dîner. Une quantité de tentes étaient dressées sur la pelouse pour la cour. Seul incident, le rôti manqua à quelques tables où des invités inattendus s’étaient présentés, ce qui désespéra l’intendant Vatel. Le lendemain à l’aube, Vatel descend dans les cuisines et trouve la livraison de poisson insuffisante pour le repas du vendredi : il monte à sa chambre, et se passe l’épée au travers du cœur. La marée cependant arrive de tous côtés. L’anecdote fit de Vatel le patron des cuisiniers, alors qu’il était intendant. »
Objection votre honneur la fameuse crème fouettée sucrée aurait été créée en Orient et importée en France sous le règne de Catherine de Médicis où on la fouettait à l’aide de baguettes de genêt ou d’osier.
En effet, les premières traces de son existence auraient été relevées en Italie vers 1550-1570, puis en Belgique au début du XVIIe siècle dans les ouvrages de Cristoforo di Messisbugo, de Bartolomea Scappi et de Lancelot de Casteau. Ces hommes tenaient la recette d’un inconnu, d’un savoir oral ou écrit aujourd’hui disparu.
« Pourtant, il fallut attendre le milieu du XIXe siècle pour que l’association légendaire entre Vatel, le château de Chantilly et la crème se concrétise et que les premiers livres de cuisine la nomme crème chantilly. Elle fut dit-on à l’honneur des princes de Condé et de leur cuisine au crépuscule de l’Ancien Régime, lorsque qu’elle fut décrite et appréciée par la Baronne d’Oberkirch dans le Hameau de Chantilly vers 1774 " Jamais je n'ai mangé d'aussi bonne crème, aussi appétissante et aussi bien apprêtée.". Ce petit village champêtre, imaginé par le prince de Condé du moment, était un endroit d’agréments et de réception intégré dans le parc du château des Condé. Il fut à l’origine de celui que fit construire Marie-Antoinette à Versailles, au Petit Trianon. »
Lundi 20 juillet le MONDE m’annonce :
Art de vivre
La chantilly à l'honneur
« Avis aux gourmands, la Maison de la chantilly a ouvert ses portes rive gauche, à Paris. Comme son nom l'indique, ce nouveau haut lieu de la gastronomie sucrée met à l'honneur la fameuse crème fouettée sucrée inventée au XVIIe siècle. On peut la déguster sur place ou l'emporter, et ce de différentes façons – en cornet, chanticcino (café et crème chantilly) ou choux…
Il est aussi possible de savourer de la chantilly fraîche, proposée dans une jolie boîte à emporter. »