Lui, c’en est un vrai, au sens propre, comme le note en août un journaliste des Inrocks venu l’interviewer à l’hôtel Four Seasons de Dublin. « Il a trois bonnes heures de retard (…) Il finit par arriver, en compagnie de sa femme et d’une bouteille de rosé de Provence déjà bien entamée. Il est 16 heures à Dublin, et visiblement tôt le matin pour MacGowan, qui traverse l’hôtel comme un héros digne et bousillé de James Joyce. Les portiers saluent l’idole erratique, qui avance doucement en se tenant parfois aux meubles et sourit aux vieilles dames qui prennent le thé, découvrant une bouche totalement dépourvue de dents, même s’il n’en a jamais eu beaucoup (lors de sa dernière rencontre avec un journaliste des Inrocks, il en avait encore une petite paire, qu’il essayait de fourguer contre un peu de cocaïne). »
The Pogues « c’est une histoire tragique et belle à la fois, une histoire irlandaise. Celle de Shane MacGowan, 54 ans, éternel chanteur des Pogues, le seul groupe du monde à avoir su faire marcher ensemble le punk, les violons, les flûtes et la cornemuse. »
Créé à Londres en 1982, ce collectif de punks irlandais malmène les chants folkloriques de leur pays sous le nom de Pogue Mahone. Savoureuse appellation d’origine incontrôlée au goût très sûr signifiant «embrasse mon cul»
À l’origine, le trio formé par Shane MacGowan, Jim Fearnley et Spider Stacy avec accordéon et flageolet mendie en insultant ses spectateurs. Cette irrévérence va séduire leur trois futurs camarades : Jeremy Finer au banjo, le guitariste Cait O'Riordan puis Andrew Ranken aux percussions. Leur véritable show urbain, un jour, va interloquer Joe Strummer, le charismatique leader des Clash.
En 1984, ils vont donc être invités à assurer la première partie de la légende punk.
Leur premier album «Red Roses For Me» l’année suivante fait un tabac auprès de toutes les radios britanniques.
Elvis Costello va aussi tomber sous le charme des Pogues (il épousera d'ailleurs O'Riordan) et produire leur second opus : «Rum, Sodomy & The Lash».
C'est l'apogée du groupe mais aussi le début de la fin, MacGowan sombrant dans la déchéance la plus totale.
« Les Pogues continuent pourtant à enregistrer, trois albums se succèdent en moins de deux ans : «Poguetry In Motion», «If I Should Fall From Grace To God» et «Peace and Love». Le suivant, «Hell's Ditch» (lancé de nouveau par Strummer) verra l'éviction de McGowan.
« Après s’être fait éjecter des Pogues en 1991 pour excès de défonce – à l’époque, on n’avait trouvé que Joe Strummer des Clash pour le remplacer, c’est dire l’envergure du type –, MacGowan est revenu dans le groupe il y a un peu plus de dix ans car les Pogues sans lui, ça n’était pas vraiment les Pogues, autant dire le plus grand groupe irish de tous les temps, loin devant ces couillons de U2. » écrit le mec des Inrocks.
« Shane MacGowan est né en Angleterre, dans le Kent, dans une famille irlandaise, en 1957. La famille MacGowan a multiplié les allers-retours entre l’Angleterre (Londres, notamment) et la ville de Tipperary, en Irlande. « Les réminiscences de mon enfance à Tipperary, c’est sans doute ce que j’ai de plus beau, encore aujourd’hui. Je me souviens d’avoir été heureux, là-bas, avec ma famille. Je me souviens d’une lumière très particulière, d’un certain calme, c’est ça l’Irlande, pour moi. J’ai le sentiment d’avoir couru après ça toute ma vie. Tout le temps que j’ai passé loin de Tipperary et de l’Irlande, j’ai eu le sentiment d’être un traître », dit-il en enchaînant sur une deuxième pinte de gin qui vient accompagnée de sa cousine de Guinness.
« Près de quarante ans plus tard, le vieux père Shane est devenu un peu malgré lui une des rares légendes du rock encore en activité, aux côtés de ses vieux potes Nick Cave et Tom Waits. Joe Strummer disait de lui qu’il était le meilleur de sa génération. Quentin Tarantino affirme que MacGowan est le seul type au monde à pouvoir lui faire verser une larme quand il l’entend chanter Fairytale of New York. »