Dans son livre Éloge politique du chocolat Serge Guérin « S’il y a quelque chose de désagréable pour un amateur de chocolat, c’est bien la vieille formule « être chocolat », qui très clairement désigne le couillon, le bêta, le benêt. On parle avec mépris et commisération, de médaille en chocolat pour le champion qui arrive quatrième et n’obtient pas de récompense. »
D’où vient cette expression ?
Sur son blog Bruno Dewaele, le champion du monde d'orthographe, s’interroge À Pâques ou à la Trinité, comment diable peut-on « être chocolat » ?
« Si le sens de l'expression est connu de tous, son origine est pour le moins controversée...
Ce n'est pas que les hypothèses fassent défaut : en la matière, on afficherait plutôt complet ! »
Moi j’avoue humblement que c’est Gaston Chaissac, l’Hippobosque du Bocage, qui m’a fait découvrir cette expression. « Dubuffet parla d’art brut, le mot fit fortune et je restai chocolat »
Je profite de l’occasion pour signaler à Bruno Dewaele deux oublis dans son livre : l’un bénin, la cigarette en chocolat et l’autre un peu plus grave, le chocolat à cuire.
Bien évidemment, de la part d’un grand amateur de chocolat c’est tout à fait compréhensible, en effet le chocolat à rouler et le chocolat à cuire ne risque pas de plonger les esthètes dans l’extase.
Mais pour moi ce sont deux plaisirs d’enfance, et les goûts d’enfance sont des marqueurs indélébiles qu’il faut savoir préserver, chouchouter car, comme l’aurait dit Dubuffet, ils sont bruts, dépourvus de l’habillage cher aux adultes.
La cigarette en chocolat, c’était une forme de provocation face à l’interdit, manière de faire accroire à nos mères que nous nous contentions de ce leurre alors que nous grillions en cachette des P4.
Transgresser !
Oui, je n’ai jamais, depuis ce temps-là, fumé autre chose que du tabac, Gitanes, Boyard, Puros, un peu la pipe, puis des roulés. Jamais les addictives marques internationales. D’ailleurs je ne suis pas addict. Pendant une quinzaine d’années je n’ai rien fumé, aujourd’hui je m’offre parfois une roulée après mon café.
Lire Transgression absolue : la Boyard papier maïs dosée à 2,95 mg de nico
Alors vous comprenez mieux que je soutienne un juste combat :
Une tribune de Libération de Gilles Dal en 2005 tirait la sonnette d’alarme : Sauvons les cigarettes en chocolat !
Depuis l'interdiction de fumer dans les entreprises, les non-fumeurs ont l'impression de travailler plus et se sentent lésés. « J'ai acheté un paquet de cigarettes en chocolat pour faire une pause »
Pour le chocolat à cuire, ou chocolat de ménage laissez-moi évoquer la tablette de chocolat Cémoi de mon enfance et le gâteau de riz recouvert de chocolat à cuire de ma tante Valentine.
« Fidèle au chocolat de ménage qui a fait sa renommée, il se contente de suivre ses recettes éprouvées et rate ainsi la révolution du chocolat en poudre. »(Le Monde 1996 Extrait du Monde de janvier 1996)
C’est Félix Cartier-Millon, qui après avoir dirigé les pâtes Lustucru, est le« père » à Grenoble du Chocolat Cémoi. Contrairement à ce qui est écrit, le chocolat Cémoi a été fondé à Grenoble, en 1922, au départ d'une petite entreprise en déclin, la « Chocolaterie des Dauphins » dont il change le nom qui devient « Cémoi » et lance une fabrique moderne de fabrication de chocolat.
« Mais avec l’évolution du cours du cacao et après avoir raté le virage de la grande distribution, l'entreprise dépose le bilan en 1970 et sera définitivement liquidée en 1973, après plusieurs procédures. En 1981, Cantalou acquiert de nombreuses enseignes, dont Cémoi, et décide en 1989 de faire de Cémoi sa marque phare. »
Voilà ma recette inspirée de celle de ma tante Valentine
« Pour faire du bon riz au lait faut d'abord du bon lait cru et du bon lait cru c'est rare. J'en prends deux litres de lait cru de vache jersiaise de Bernard Gaborit un agriculteur bio du Maine-et-Loire.
Dans le faitout je ne verse pas tout le lait, je garde un petit fond de lait froid.
Pendant que le lait chauffe à feu doux je fends une gousse de vanille Bourbon, de la vraie, bien dodu et luisante, stockée dans un tube de verre. Je gratte la fente et disperse le coeur vanillé.
Sur ma balance de ménage je pèse du riz blanc rond. Quand le lait frémit j'y jette le riz. Je brasse avec une cuillère en bois. Attention à ne jamais racler le fond du faitout.
IL faut un peu de temps, le temps de penser : une cuisine est un bon lieu pour agiter ses idées.
Lorsque le riz prend de la consistance, commence à cloquer, alors je saupoudre du sucre roux, comme ça, au pif.
Sur la fin sur feu fort je fais buller le riz pendant 1 à 2minutes puis je coupe le feu et je jette le reste de lait froid sur le riz très chaud. Opération capitale pour l'onctuosité.
Ensuite je verse mon riz dans un moule en dôme.
Frigo et plus tard démoulage sur un plat rond bien plat…
À feu doux je fais fondre du chocolat de ménage. Je nappe.
Re-frigo et puis bon appétit.