Mes mèches blanches, sous les larges coups de ciseaux de ma coiffeuse, tombaient drus comme des flocons sur le large sarrau noir qui m’enveloppait, glissaient sur la pente lisse et formaient des petits tas sur le plancher. Le climatiseur pulsait des frigories qui nous faisaient ignorer la canicule qui tombait sur Paris. Je n’étais entouré que de femmes, mes pensées vagabondaient, se dispersaient avant de revenir, têtues, s’accumuler toujours sur le même rocher, elle, telles des moules. Quitte à prendre une gamelle, un râteau comme on dit, mon penchant naturel me portait vers l’assaut de la forteresse. Et si ses murailles n’étaient là que pour me contraindre à aller au-delà de ma vaine attente. Ma peur de la perdre. Je l’imaginais cédant aux godelureaux qui tournaient autour d’elle. Leurs mains sur elle. Leur plaisir. Son plaisir. Je censurais mes pensées. L’une des clientes refusait le shampoing. S’ensuivait une discussion confuse sur la nature, les produits naturels. Et moi je pensais à la sente de ses cuisses. Lui dire. Non taire. « Je tourne en rond, je tourne en rond… » Le balai assemblait les restes de ma toison argentée en un petit tas dérisoire. La bousculer, la renverser, l’aimer sans concession ni rémission, la fournaise me happait à la sortie. Ne rien lâcher. Je descendais la rue de Belleville pour aller déjeuner au Baratin avec quelques membres de ma petite équipe.
En sirotant un Poulsard de Philippe Bornard à bonne température nous nous laissons aller à une certaine forme de découragement teintée de résignation : le débat politique vole de plus en plus bas sous l’impulsion du chef d’escadrille Sarkozy. Même Dati l’étrille « On a tellement critiqué ceux qui ont affaibli les institutions, la fonction présidentielle... Quand on est candidat à la fonction suprême, on n'est pas là pour faire des sketches » Elle est vénère la Rachida, Longueurs&Pointes, son ex-rivale aux municipales à Paris, était annoncée sur le départ de la direction des Républicains, et son Nicolas chéri a finalement choisi de garder sa numéro 2. « Il avait annoncé urbi et orbi ne pas vouloir la reconduire dans ses fonctions. Mais il l’a maintenue. Ce revirement ne m’a pas surpris. Il n’a pas changé ». Jamais en manque d’opportunisme, la maire du VIIe, sans doute en hommage à Edouard Frédéric Dupont le député des concierges, non contente de dire ses quatre vérités à son ex protecteur, Rachida Dati pousse désormais la fronde jusqu'à distribuer des bons points aux candidats déclarés ou pressentis à la primaire. Dans une courte interview au Parisien, la maire du 7e arrondissement a trouvé le moyen de caser trois fois le nom d'Alain Juppé pour souligner à chaque fois leur convergence de vue sur des sujets stratégiques. Mais, la mâtine ne met pas tous ses œufs dans le même panier : il y a moins d'un mois, elle se fendait de deux tweets pour soutenir avec enthousiasme Bruno Le Maire dans sa croisade contre la réforme du collège. A ses yeux, l'ancien challenger de Nicolas Sarkozy pour la présidence de l'UMP et probable troisième homme de la primaire de 2016, est désormais une « valeur sûre pour la droite ».
« Le bègue, je vais le crever » formule assassine digne des « Tontons flingueurs », mais comme pour l’ainé des Volfoni, alias Bernard Blier, promettant « y va voir qui c’est Raoul » au "Gugusse de Montauban », la rodomontade du nabot en talonnettes pourrait bien revenir en boomerang dans la gueule de son auteur. « Une formule spontanée qui ressemble à Sarkozy, puisqu’il s’agit de lui, il joue au voyou avec beaucoup de naturel quand il laisse parler à haute voix sa rancune à l’égard de François Bayrou. Comme devant le public acquis des meetings des Républicains, il a fait son numéro de gros bras devant les ralliés de l’UDI, déjà prêts à se coucher devant le nouveau maître de la droite… forte. La détestation entre centristes aidant, comme un petit vin traître, il s’est laissé aller, en confiance, à la saveur acide de son désir de vengeance. La question n’est même pas de douter de la véracité du propos rapporté par « Le Canard Enchaîné ». Le président des Républicains l’a bien tenu, et devant témoins. On peut parier qu’il n’en éprouve aucun regret : la formule est tellement spontanée, impulsive et brute de fonderie, qu’elle lui ressemble bien. »
L’agressé ne s’y est pas trompé « Il ne supporte pas qu’on n’ait pas peur de lui et il se trouve que je n’ai pas, que je n’ai jamais eu et je crois qu’à vue humaine il n’y aura pas d’hypothèse où j’aurais peur de lui » Sur France Inter, François Bayrou affirmait ironiquement : « C’est une phrase d’une très grande élégance, sympathie, distinction et finesse et qui contribue à tirer vers le haut le débat politique français. » Quant au caractère authentique de l’attaque de Nicolas Sarkozy, il complétait sur LCP : «Loin de moi l’idée que Le Canard enchaîné puisse écrire des choses éloignées de la réalité». En notant au passage que « ces phrases se multiplient » et a dénoncé la « violence » et l' « agressivité » du président du parti Les Républicains. Pour nous c’est du tout bon car ça fortifie l’axe Juppé-Bayrou.
Et pendant ce temps-là « Plutôt Sarkozy que Juppé en 2017 : l'intrigant calcul de Hollande ? »
« En Hollandie, la joie demeure. « François a de bonnes chances d’être réélu « dit l’un, brillant député. « Face à Sarkozy et Le Pen, les Français préféreront François » dit l’autre, qui se présente comme un hollandais historique, « Des 3% et même moins »… Et ils ne sont pas les seuls. La victoire, qui paraissait encore impossible il y a quelques semaines encore, est désormais considérée comme probable. Et les uns et les autres de réécrire l’analyse des Départementales, « Le PS et ses alliés ont bien mieux tenu qu’on ne le dit », et le retour de Sarkozy est un échec sans nom, tant « il est à côté de la plaque ».
Bref, une petite reprise, une petite baisse du chômage, un petit effort de redistribution en faveur des classes moyennes et populaires, et c’est tout juste si l’élection présidentielle de 2017 ne relèvera pas de la formalité.
Depuis l’été dernier, la communication Hollande ressemble à ce que fut celle de Jacques Chirac à la fin de sa cohabitation avec Lionel Jospin. Retour du « Président sympa », tout en proximité, empathie et sympathie. Quand le président honore le soldat inconnu, le 11 novembre, il en profite pour parcourir la place de l’Etoile, de part en part, pour y serrer la main des vraies gens. Quand le président est confronté à des lycéens sympathisants « dieudonnistes » sur le plateau de Canal plus, il en profite pour se montrer bienveillant et avenant, pédagogue, disert, et ne s’énerve pas quand une lycéenne considère que la colonisation en Algérie était un « génocide ». Quand le président fait entrer, en solennité, quatre Résistants au Panthéon, il en profite pour se livrer à un nouveau bain de foule, aux quatre coins de la place du Panthéon, serrant encore et encore des mains. Et quand le président remet la Coupe de France aux joueurs du PSG, il claque la bise à Ibrahimovic, vedette incontournable du football français, comme Mitterrand l’avait laissé faire à Jean-Pierre Papin en 1989… Et la télévision d’enregistrer les images du président sympa, et les réseaux sociaux de les diffuser à l’infini… »
« Pour le moment, un seul nom effraye la Hollandie : « Alain Juppé ». Alain Juppé est aux yeux des partisans du président sympa, l’équivalent du crucifix pour le Vampire émergeant de son tombeau. Alain Juppé, terreur du Hollandais revenu d’entre les morts. Alain Juppé qui plait aux électeurs des centres, et pourrait même se payer le luxe, au cas où il serait candidat à la présidentielle, de ramener à lui les électeurs des classes moyennes et populaires égarés dans le vote FN et allergiques au vote Sarkozy. Alain Juppé est le cauchemar de la Hollandie… »
Ça nous plaît tout ça même que dans le camp d’en face, l’inconsistant Baroin, le fils de son père la carrure en moins, revendique l'héritage politique de Jacques Chirac, en reprenant une célèbre citation de ce dernier. « Juppé n'est pas le meilleur d'entre nous, c'est le préféré d'entre nous ». Le sénateur-maire de Troyes poursuit l'attaque. Dressant un portrait d'un homme froid et dénué d'empathie, il montre bien que l'attachement commun à l'héritage chiraquien n'est pas synonyme d'amitié. « Juppé n'a pas changé. Il souffre d'un autocentrisme total. Si Bernadette lui en veut, c'est qu'elle a des raisons. Avec Sarkozy, il n'y a pas de coups tordus. C'est clair et direct. Vous verrez que s'il est candidat face à Juppé, la moitié des chiraquiens le soutiendront ».
Nous adorons !
« Il y a du Poutine chez cet homme-là : il assume un comportement dont il sait parfaitement qu’il choque. Ses propos (outranciers jusqu’à la caricature) sur les socialistes qui mépriseraient la République, il refuse de les juger excessifs. Et quand il affirme « je respecte l’ensemble de mes adversaires », c’est pour ajouter dans la foulée : « Quand je dis qu’ils sont médiocres, je suis même un peu indulgent. »
Nicolas Sarkozy a des méthodes de caïd. Il n’a pas d’état d’âme et estime n’avoir aucun compte à rendre ni à personne. Une question de tempérament mais surtout de stratégie. Il a l’aplomb du tueur qui retombe sur ses pieds. On lui passe des images de Juppé copieusement hué par ses partisans, il sourit et ramène l’incident à un « il y a eu quelques sifflets ». Et rappelle qu’il en fut lui-même l’objet au RPR, dans la période 1995-1997, quand les Balladuriens, et lui en particulier, étaient honnis et ciblés… par les Chiraquiens.
Ils s’aiment… Sarko veut balladuriser Juppé, tant mieux…