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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 00:09

Puisque me voici déchu de mon titre de Secrétaire Perpétuel de l’ABV http://www.berthomeau.com/article-vignette-le-secretaire-perpetuel-autoproclame-de-l-amicale-du-bien-vivre-s-evapore-57243804.htmlpour manquement grave à la bienséance qui sied entre gens de bonne société je suis en quête de réhabilitation. Que devrais-je faire pour redorer mon lustre évaporé tel la Part des Anges chère à nos Eaux-de-vie d’Appellation Contrôlée ? Brosser mes pourfendeurs dans le sens du poil, c’est-à-dire flatter leurs papilles avec la promesse de nectar au goût de vanille ? Non, ce serait là un procédé indigne, digne pourtant d’un mécréant de mon espèce. Faute de pouvoir jouer sur le velours du registre de la flatterie il ne me restait plus qu’à confier mes intérêts bien compris à la grande loterie du hasard. Ce que je fis. Bien m’en a pris.

 

Ce fut au cœur d’une profonde nuit et ça m’a jeté à bas de mon lit. L’automne jetait aussi sur Paris ses premières pluies lorsque j’ouvris à la page 168 les écrits du fameux Replongeard, l’homme à la Pégazou, celui qui un beau jour débarqua du train de Paris, à la gare de Carcassonne, à six heures trente-deux.

 

Qu’y lis-je ?

 

« Au village d’Aramon, nom qui sonne médiocrement aux oreilles des buveurs, naquit le 11 novembre 1660, jour de la Saint-Martin où il est de tradition de goûter le vin nouveau, François de Posquières. Le nouveau-né portait sur le front une tache de vin en forme de grappe.

En 1703, veuf, retiré du service du roi et possesseur d’une belle fortune, il s’installa dans un manoir de Villeneuve-lès-Avignon. Recevant des amis fins de gueule et d’esprit, la conversation tomba sur les sociétés vineuses : l’ordre de la Treille, en honneur au temps de la Fronde, l’ordre des Coteaux, cher au duc de Mortemart et cité par Boileau :

Certain hâbleur à la gueule affamée

Qui vint à ce festin, conduit par la fumée

Et qui s’est dit profès dans l’ordre des Coteaux...

l’ordre de la Grappe, récemment fondé à Arles, celui de la Méduse de Toulon, voire celui du Beef-Steak, fort rn vogue à Londres. La plus grande licence régnait dans la plupart de ces assemblées et ce fut – en partie – pour rendre au vin sa dignité que fut fondé l’Ordre de la Boisson d’étroite observance.

Du château de Ripaille, nom que prit désormais le manoir, les statuts furent rapidement promulgués, en vers comme il se devait. Plaisants et sévères ils interdisaient l’accès de la compagnie aux buveurs d’eau, aux ivrognes, aux sots et aux méchants, et se terminaient sur ce quatrain :

Enfin quand vous serez des nôtres,

Dans vos besoins secourez-vous,

Le plaisir de vous le plus doux,

C’est de faire celui des autres.

Les armoiries représentèrent une main versant du vin dans un verre avec la devise entourée de pampres : Donec totum impleat (Jusqu’à ce qu’il soit plein). Le Grand Conseil était composé d’un grand-maître, d’un garde des sceaux, d’un secrétaire, d’un garçon major des caves et de quatre baillis. Chaque nouveau membre après avoir vidé la coupe des cérémonies, verre pantagruélique de dix pouces de diamètre, recevait un diplôme scellé d’un cachet de cire rouge aux armes de l’Ordre.

Donné gratis vaille que vaille

Dans notre bureau de futaille

Les réunions ordinaires s’appelaient les Tables et les réunions générales les Tables assemblées. M. de Posquières, François Réjouissant, les présidait assis sur son fauteuil en forme de tonneau et revêtu d’un costume de cérémonie. Il portait le grand collier de l’Ordre, composé de quarante-huit petits verres attachés de six en six par une petite bouteille. Ces jours-là, le castel de la Ripaille arborait sur son balcon, en guise d’étendard, une énorme dame-jeanne peinte de vermillon et c’était là « le pronostic infaillible d’un grand abattis de bouteilles ». Le premier repas, composé de cinq services complets, dura quatorze heures.

L’Ordre, bientôt connu dans toute la France et à l’étranger, se divisa en cercles, comme les tonneaux. Il y eut les cercles de Champagne, de Bourgogne, de Guyenne, du Rhin, d’Espagne, d’Italie, de l’Archipel...Tous payaient un tribut en nature à la cave du grand maître. Les Nouvelles de l’Ordre de la Boisson qui sortaient des presses du maître Museau Cramoisy à l’enseigne du Papier Raisin fournissaient la nourriture spirituelle. Ses deux principaux collaborateurs furent François Morgier, un avocat à l’esprit étourdissant et (on l’attendait !) le chanoine de Charnes, doyen du chapitre de l’église collégiale de Villeneuve-lès-Avignon, qui avait écrit une Vie du Tasse, toute ironie écartée.

On sait ce qui fait la force d’un journal et d’un homme : une idée et une seule. Les Nouvelles ne connaissaient que le vin. La politique étrangère était commentée suivant un principe plus simple que celui des nationalités. Remportait-on une victoire ? C’étaient de nouvelles bouteilles à l’horizon : « Nous venons de nous rendre maître des rives, par conséquent des vignobles Nekre : nous le ferons sous peu de ceux du Rhin ; c’est le vrai moyen de subjuguer les peuples et l’on ne saurait mieux les désarmer qu’en leu ôtant le vin.

À la barbe des ennemis

Villars s’est emparée des lignes ;

S’il vient à s’emparer des vignes

Voilà les Allemands soumis »

Faut-il dire que ces francs-buveurs avaient trop de sagesse pour ne pas aimer la paix comme le plus grand des biens. Voici en quelques termes la Gazette rend compte d’une Table donnée en l’honneur d’une bataille : « Le grand maître a fait clôture de l’assemblée avec autant de sang-froid que s’il eût été à jeun : il a conjuré les frères de se voir souvent le verre à la main ; leur disant qu’il y a un charme attaché à la bouteille, que c’est le vrai ciment de l’amitié fraternelle. Il les a exhortés à se tranquilliser en attendant que la paix ramenât le bon temps et multipliât les cabarets. »

L’Ordre disparut en 1740, ayant vécu près de quarante ans. Son fondateur était mort en 1735, à soixante-quinze ans. »

 

 

 

 

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas,

 

 

 

NOUVELLES DE L'ORDRE DE LA BOISSON (1703-1709?)

 

http://c18.net/dp/dp.php?no=1014

 

 

Académie de Nîmes. François de Posquières et l'Ordre de la Boisson, par G. de Pougnadoresse [Reliure inconnue]

 

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