La dent dure du cousin PA Gagnon à propos du voisinage dangereux à l’APV de journalistes du vin et d’attachés presse me permet de prendre la défense de cette dernière profession. Bien sûr je vois déjà des sourires ironiques poindre chez certains d’entre vous qui vont insinuer que je le fais car pour la plupart les attachés de presse sont des attachées de presse. Affairées, filofax bourré, Iphone ou B&B en rut, ces charmantes et sémillantes jeunes femmes ont pour fonction principale, non de faire fantasmer le cochon qui sommeille en tout bon journaliste du vin de sexe masculin, mais de lui fournir du matériau pour alimenter sa plume. L’attachée de presse distribue donc des dossiers de presse vantant les mérites de ses clients aux journalistes. Comment imaginer qu’il en fût autrement. Mettre sous de belles chemises autre chose que des louanges relèverait d’une forme de masochisme étrange. Donc elles font leur boulot les attachées de presse, que peut-on leur reprocher ? Pas grand-chose sauf peut-être de se croire obligées de distribuer leurs dossiers de presse dans de superbes restaurants étoilés ou lors de voyages de presse avec gîte et couvert. Là encore je ne leur jetterai aucune pierre : s’il n’y avait pas d’amateurs il n’y aurait pas d’offre. Donc pour moi les attachées de presse sont des personnes respectables et fréquentables qu’il n’y a pas lieu de vilipender. À chaque « utilisateur journaliste », si je puis m’exprimer ainsi, de voir quelles distances il met entre ses écrits et les sollicitations dont il fait l’objet. Pour qu’il n’y ait aucune ambigüité dans mon propos, même si je ne suis pas journaliste, je m’inclus dans cette profession en tant que petit chroniqueur soumis aux mêmes sollicitations agréables.
Pour les vins de presse qui, comme vous le savez tous, sont le dernier produit du pressurage et ils sont durs et communs. Mais moi, qui ne suis qu’un fieffé coquin, en l’occurrence, c’est pour le peps du titre que j’ai parlé d’eux afin d’aborder les vins de la presse autrement dit : la presse du Vin. Comme je suis aussi un ramier hors pair je cède la plume à mon excellente consœur journaliste et vigneronne (conflit d’intérêts, j’rigole !) Catherine Bernard qui, cette semaine, dans Vitisphère écrit fort pertinemment :
La toile bouscule le papier
Le magazine Decanter nous apprend cette semaine la fermeture de Sibaritas, revue mensuelle grand public sur le vin qui faisait autorité en Espagne. Sibaritas avait été crée il y a 18 ans par José Penin, et s’était attiré la collaboration de grandes plumes, parmi lesquelles Jancis Robinson, Michel Bettane, et Victor de la Serna. « La crise et la montée des sites sur le vin a entraîné une chute significative des lecteurs en 2009 », souligne Lucy Shaw. Dans l’interview qu’il a accordée à Decanter, Jose Penin, annonce « le lancement d’une version en ligne de la revue en octobre ». Lui aussi chahuté, le magazine belge In vino veritas se lance sur la toile. Il diffuse via Internet le numéro 2 de sa « newsletter », huit pages maquettées et se lisant comme un magazine papier.
Toute la presse française, et une partie de la presse de pays voisins, est en crise, sauf en France les magasines féminins, celle du vin n’y échappe pas bien sûr. Pour cette dernière, est-ce la faute de la Toile, je n’en sais fichtre rien mais, sans vouloir en rajouter, car les chroniqueurs sur le Net, moi le premier, ne doivent pas se prendre pour les nouveaux prescripteurs, je pense qu’à toute chose malheur est bon. Je m’explique. À plusieurs reprises, sur mon espace de liberté, j’ai brocardé à la fois le conformisme de certaines publications et le « sectarisme » d’autres feuilles plus confidentielles. Le monde du vin, surtout celui des grands, vit tourné vers son nombril, entre soi, avec ses codes, avec son vocabulaire, avec son goût de la pompe, de l’art officiel, des grands professeurs qui savent tout. Qui se soucie de Robert et Raymonde Bidochon qui font leurs courses et achètent leurs vins à Leader Price ? Que choisir quand ça lui chante mais pour le reste tous les plumitifs se tamponnent le coquillard du sort de plus de 90% des consommateurs de vins. Normal me rétorquera-t-on : ils s’en foutent, ils boivent n’importe quoi, comme dans la Traversée de Paris : « salauds de pauvres ! » C’est une erreur grave que le vin français paie cash. Sur l’autre versant, les néo-consommateurs, même cécité, très peu de journalistes ont vu venir les nouvelles tendances, n’ont intégré que le vin devenait un pur produit d’occasion, très peu ont anticipé la montée de la consommation féminine. Nous sommes en plein phénomène de surpâture : tous le monde dans le même pré et y’a plus assez d’herbe pour tout le monde. Pas étonnant alors que lorsque de nouveaux espaces s’ouvrent ils trouvent des lecteurs.
Désolé d’avoir la dent dure mais j’entends trop souvent gémir, se plaindre que la terre entière nous en veux, pour ne pas en appeler à une remise en cause salutaire pour que le convenu laisse la place à la créativité. À force de pontifier je suis désolé mais on fait chier le monde. Notre monde du vin qui se dit convivial l’est-il vraiment ? Est-il attrayant ? Donne-t-il le sentiment d’être partie prenante de la vie des gens ? J’en doute. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Que je sache une marque comme Mercédès s’est intéressée à la petite voiture urbaine, les grandes marques de haute-couture vivent essentiellement des produits dérivés, les parfums surtout, achetés par mademoiselle, madame et maintenant monsieur tout le monde. Sans vouloir être mauvaise langue l’autre jour, évoquant la marque JP Chenet qui est la seule marque française dans le Top 10 volume de la SAQ, les journalistes présents ne savaient pas qui embouteillait ce vin. Bien sûr, les Grands Chais de France, Joseph Helffrich son patron, premier exportateur de vins français, n’entrent pas dans le cénacle des grands vins ni dans le Who’s who de la RVF. Je me suis toujours demandé, au temps où la RVF et la RVI étaient dans le même groupe de presse, pourquoi aucune réflexion ne fut entamée pour qu'ils fissent cause commune pour le Vin et tous les Vins. Sans doute dans notre beau pays on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Ainsi va la France du Vin et les attachées de presse n'y sont pour rien.
Attention comme ce matin je n’ai pas versé dans la modération n’en déduisez pas pour autant que tout est bon à jeter dans la presse du vin, bien au contraire. Je lui demande seulement d’ouvrir bien plus largement sa focale, d'enlever ses oeillères. Pour conclure, je laisse de nouveau la plume à Catherine Bernard qui note, à propos de la version Internet d’In Vino veritas, « On y retrouve la qualité des informations du mensuel et l’ouverture sans a priori des Belges au vin, conjugué au pluriel. Les deux premières pages sont consacrées à un dossier, ces deux premières semaines, un flash-back international de l’année 2009, photographie intéressante du monde du vin. On y trouve aussi « un zoom » sur une appellation, cette semaine, « le Proseco », chiffré et détaillé, et un réjouissant déshabillage du marketing usant des mots « terroir » et « territoire ». Avec ça j’aurai au moins les journalistes belges pour me défendre de l’ire de leurs collègues gaulois.