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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 00:04

Comme le pinard de nos grands-pères, le roman noir, le polar, fut l’objet pendant des décennies du mépris d’une grande part de la caste littéraire germanopratine. Bien sûr, les grands maîtres américains popularisés par Marcel Duhamel qui, en août 1944, quelques mois avant la Libération, découvre les livres de Peter Cheney et de James Hadley Chase dont il confie la traduction à Gallimard et c’est Jacques Prévert qui baptise la collection Série Noire, échappent à cette condescendance. Les auteurs français, hormis Léo Mallet, restent en marge des cercles littéraires. Deux auteurs vont à mon sens, sur des registres diamétralement opposés, faire imploser le ghetto : Frédéric Dard avec son commissaire San-Antonio et sa langue verte et Jean-Patrick Manchette avec ses romans politiquement engagés. Depuis, comme souvent dans notre vieux pays, il est du dernier chic de lire des polars de Fred Vargas (les lecteurs de Télérama sa pâment) ou d’Arnaldur Indriðason l’islandais.

Lors d’un passage au château d’Ecouen, qui héberge le Musée de la Renaissance, j’ai découvert à la librairie un nouveau type de polar : le roman noir historique et gastronomique. « Souper mortel aux étuves » de Michèle Barrière en livre de poche 6,50 euros. L’auteur est membre de Slowfood France et fait partie de l’association Honesta Voluptate, fondée sur les travaux de Jean-Louis Flandrin. Journaliste culinaire, elle est l’auteur pour Arte de la série Histoire de la cuisine. 

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Dans son roman elle fait référence au fameux Viandier de Taillevent, un ouvrage qui aurait été écrit par Guillaume Tirel dit Taillevent, « enfant de cuisine de Jeanne d’Évreux, queux du roi Philippe de Valois et du duc de Normandie, premier queue et sergent d’armes de Charles V et premier écuyer de cuisine du roi Charles VI » Ce recueil de recettes est, avec le Mesnagier de Paris, l’un des ouvrages de référence de la cuisine médiévale française.

Selon une tradition bien établie sur cet Espace de liberté je vous propose, pour vous mettre l’eau à la bouche quelques extraits du livre de Michèle Barrière. L’action place Constance, l’héroïne du roman, accompagnant Valentine, fille de Jean-Galéas Visconti, duc de Milan, l’épouse de Louis, le frère du roi, dans les cuisines du Roi, à l’Hôtel Saint-Pol « qui s’étendait entre la rue Saint-Paul à l’ouest à la rue de la Pute-y-Musse (l’actuelle rue du Petit-Musc dans le 4ième) à l’est »pour rendre visite à Taillevent.

« La cuisine était située au rez-de chaussée d’un bâtiment accolé au logis du roi. Les deux jeunes femmes traversèrent d’abord une vaste salle aux poutres et solives ornées de fleurs de lys en étain doré et aux vitraux représentant des scènes de chasse. Puis elles pénétrèrent dans l’univers grouillant et enfumé des cuisines. Constance regardait autour d’elle, redoutant de tomber sur Guillaume. Elles n’eurent aucun mal à repérer Taillevent qui trônait sur une chaise haute et donnait des ordres d’une voix puissante tout en agitant une longue cuillère en bois. Jamais Constance ne l’aurait cru aussi vieux. La peau de son visage ressemblait à celle d’une volaille rôtie. Les rides étaient si profondes qu’on aurait pu les croire gravées au burin. »

« Le maître-queux haussa les épaules, revint vers les deux femmes en soupirant :

-         Il faut avoir l’œil à tout. Non seulement je dois choisir les viandes et les poissons, mais je dois m’assurer que les fruitiers ont bien lavé les fruits, que les bûchiers ont livré du bois en quantité suffisante, que les sauciers font goûter les sauces avant de les servir au roi... Nous sommes soixante-douze en cuisine, sans compter les vingt de la paneterie, les trente de l’échansonnerie et les quinze de la fruiterie. »

« Constance était effarée par l’agitation qui régnait dans cette cuisine. De jeunes garçons couraient dans tous les sens, portant des volailles, du pain, des fromages... Les cuisiniers aboyaient leurs ordre. Les broyeurs s’acharnaient sur leurs mortiers. Dans un coin de l’immense pièce, un homme de peine avait soulevé un couvercle de bois et jetait des ordures dans un trou. Dans une pièce attenante, Constance voyait les valets de chaudière faire la vaisselle. Dans une autre des échansons s’activaient autour des tonneaux et versaient du vin dans des aiguières. »

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