Depuis des années, tout ce que compte de beaux esprits notre petit monde du vin, nous rebat les oreilles, nous bassine, en proclamant sur tous les tons que, par la grâce de la haute expression de nos belles et nombreuses appellations, le sémillant vin plaisir a chassé le vil vin boisson. Avant, à de rares exceptions, les buveurs buvaient ; maintenant ils goûtent. Acceptons-en l'augure et gardons-nous de trop philosopher. Tenons-nous en aux faits, à la réalité.
Contentement, volupté, satisfaction, délices, régal, jubilation… jouissance, orgasme... profusion de synonymes...
Nos 5 sens, le plaisir alimentaire d'abord et, plus encore, celui du sexe. Moins prisé, car plus cérébral, le plaisir intellectuel est pourtant un grand allié des deux précédents.
Prendre du plaisir, en donner, s'en donner, faire durer le plaisir, mourir de plaisir, s'offrir du ou des plaisirs... encore faut-il pour ce faire susciter du désir, en avoir car le plaisir a toujours pour origine le désir.
Comme les désirs sont propres à chaque individu il est donc malaisé de dresser une sorte d'échelle de Richter du désir en fonction de son intensité. Nul ne peut être juge et partie, sauf dans les dégustations d'agrément de vin mais là nous ne sommes plus dans le plaisir mais le pensum.
Ces petites mises au point posées, en faisant foin de la fameuse modération, a-t-on jamais vu conseiller de faire l'amour avec modération, je me pose la question que tous les professionnels du vin devrait se poser : comment susciter, exacerber le désir pour que ce fameux plaisir que l'on met en avant à tout bout de champ pour le vin s'exprime vraiment ?
Qui de nos grands dégustateurs patentés, conseilleurs de tout poils, qui pratiquent généralement le coïtus interruptus, va nous délivrer l'ordonnance sur laquelle ils coucheront les moyens permettant d'augmenter la libido des buveurs de vin ?
Pourrait-on imaginer le désir sur ordonnance ? Du côté de Libération c'est oui, il en faisait sa UNE samedi dernier : Viagra féminin, désir sur ordonnance... Testés aux USA, des médicaments pourraient dès 2016, venir au secours des femmes souffrant d'un manque de libido...
Tout est dans les préliminaires. Peut-on imaginer l'équivalent du Viagra pour venir au secours de ceux ou de celles qui souffrent d'un manque de libido pour le vin ?
Plus sérieusement, et que les hygiénistes se rassurent, mes propos ne visent pas la quantité mais l'intensité, la force du plaisir. Hors de question d'assimiler ma quête à celle des " 76% des célibataires, en particulier, qui profitent de la saison estivale pour succomber sans relâche à l'appel des plaisirs sexuels. Et que même 5% d'entre eux se livreraient au jeu - stupide - de battre leur record de rapports sexuels, d'année en année." C'est écrit dans le journal local.
Ceci n'est plus du plaisir mais de l'abattage... pour des célibataires qui semblent dans ce texte s'apparenter à des mâles, des coqs de compétition, des prédateurs se jetant sur toute femme esseulée, célibataire ou mariée.
Paroles, paroles, dans ce domaine les hommes se payent souvent de mots et le vocabulaire du vin n'y a pas échappé. Jusque dans les années 60 celui-ci, qui n'avaient pas le raffinement de celui de nos grands dégustateurs contemporains, se référait souvent à la femme, dans un sens qui se voulait positif, flatteur " ce vin qui a du corps, de la cuisse, est bien en chair, je dirais même plus qu'il a du corsage, de la race, du feu, qu'il n'est point flasque. Belle robe qui laisse entrevoir du ferme, du rond et du soyeux..." alors que le recours au mâle s'avérait dépréciateur " C'est un gringalet étriqué, mal bâti, dégingandé, un rustre anémique, mal habillé, pointu et qui a le chapeau sur l'oreille..." Voir chronique ICI link
L'irruption des femmes dans l'univers du vin, et bien sûr aussi celui des oenologues ou autres techniciens, ont rejeté dans les ténèbres extérieures ce langage un peu lourdingue. Pour autant, le nouveau vocabulaire se référant essentiellement aux senteurs et couleurs de petites fleurs et aux flaveurs de fruits est-il pour autant un accélérateur de désir ?
Je n'en suis pas vraiment sûr, le goût de pamplemousse ou de petits fruits rouges ça n'a vraiment rien d'excitant. Bref, morne plaine que celle de la libido du vin où la montée du désir pour se donner du plaisir tient plus du Golgotha que du jardin de l'Eden. Qu'importe, seul l'acte compte m'objectera-t-on ! J'en conviens, mais alors pourquoi tant de thérapeutes passent-ils autant de temps à se préoccuper du plaisir que nous procure le vin s'ils se révèlent incapables d'en susciter le désir ? Tant de guides, de classements, de commentaires, cette profusion ne masquerait-elle pas l'impuissance de nos docteurs en vin à agir sur la montée de ce fameux désir?
Je trouve que nous avons le vin triste ! bavard ! pontifiant ! chiant!
Seul l'ami Jacques D, qui boucle en ce moment son spécial vin en Basse-Bourgogne, nous a sauvé du désastre avec ses bouches tendues et la tension qui est la première marche du désir... qui mène au plaisir link
Ce contre-feu salutaire nous a préservé, tout particulièrement du côté de Bordeaux, de la seule novation linguistique de ces 20 dernières années se référant au corps les vins bodybuildés. Même si elle présente l'avantage de s'appliquer indifféremment aux deux sexes cette qualification ne me semble pas de nature à nous faire pâmer de plaisir, sauf bien sûr pour les adeptes de la gonflette.
Reste aussi le non-dit, la trace d'un passé que certains regrettent, qui ne remonte pas à la surface bridé par le politiquement correct. En effet, il plane toujours dans la tête des buveurs, en dépit des évolutions sociétales, la référence au sexe puisque ces dernières années certains beaux esprits ont avancé, sans doute pour aller dans le sens de la tendance, le concept de vin féminin qui est du même niveau de pertinence que la référence au sexe des anges.
Et puis, je reste persuadé qu'une partie de la vieille garde des amateurs de vin garde bien fiché dans son cerveau reptilien qu'il est des vins virils, des vins d'hommes quoi, sévèrement burnés, des vins de chasseurs comme disait François Mauss, et j'imagine qu'un jour, des filles d'aujourd'hui, une de celles qui n'ont pas leur langue dans leur poche, leur balance sans que ça fasse vulgaire, " il est couillu ce vin ! Très bandant ! ". Je vous fiche mon billet que ces baroudeurs de la belle étiquette atteindront alors l'extase et même l'épectase...
Au plaisir disait-on chez moi lorsqu'un visiteur prenait congé...
Le summun de la fausse connaissance du vin sur le site masculin.com, à quand les positions du buveur de vin ?
10 mots pour devenir incollable sur le vin
Quand l’homme amateur de vin se mue en apprenti oenologue link