Comme son nom l’indique la pêche à pied, l’une des premières prédations de nos ancêtres vivant au bord de la mer, se pratique à pied, à pied sec pour les berniques, les coques, les palourdes, les praires, les pétoncles, les tellines, les couteaux, les clams, les bigorneaux, les moules, les ormeaux… les pieds dans l’eau pour les crevettes, les étrilles, les araignées, les tourteaux…
Elle peut être professionnelle mais elle est aussi ouverte aux amateurs sous certaines conditions... Comme l’écrit le site pêche à pied c’est pour tous « une école de la nature ». En effet « Avant de parler de vos droits à la pêche sur les côtes, il est utile de parler de vos devoirs envers la nature et donc envers les pêcheurs à pied d’aujourd’hui et de demain… La pêche à pied comme beaucoup d’autres activités demande de l’observation, un zeste de bon sens, et un peu de patience. »link
Le natif du bord de mer que je suis a pratiqué la pêche à pied pour les coquillages agrippés aux rochers mais ce n’était que de la cueillette facile alors je préfèrerais la pêche aux étrilles en suivant la marée. En effet, la pêche à pied se pratique surtout lors des marées à fort coefficient car elles découvrent des rochers habituellement inaccessibles et permettent d’accéder à des zones de pêche moins ratissées.
Puisé dans l’une de mes nombreuses chroniques : « L’étrille, communément appelée en Vendée : balleresse, est d’un gris violet avec des reflets verts et de beaux yeux rouges proéminents. Contrairement au gros tourteau dormeur elle est petite (3 à 6 cm en moyenne), vive et agressive. Pour la pêcher il faut suivre la marée car c’est un crabe nageur ou aller la dénicher dans les creux de rocher où elle s’accroche comme un pilier en mêlée. Dans mes jeunes années, je fus, lors des grandes marées d’équinoxe, un bon pêcheur de balleresses ce qui me valait l’estime de mon beau-frère de l’époque grand pêcheur. Pour éviter de se faire pincer, et elle pince dur la diablesse mais relâche contrairement au tourteau, il faut la saisir si je puis dire « par la peau du dos ». J’aimais cette prédation sportive où la balleresse étrille avait toutes ses chances et comme, en plus, sa chair est d’une grande finesse et d’un goût iodé, je me régalais. Bien sûr, sa petitesse exige que l’on prenne son temps pour l’épibosser, mais lorsqu’on la pêche au moment de sa mue le régal est de consommer ses pattes en entier. Vraiment c’est un must ! Cuites les étrilles sont d’un beau rouge vif! »
Mais ce matin c’est de la pêche aux coques dans le Gois de Noirmoutier dont je souhaite vous entretenir.
Le Gois de Noirmoutier c’est 4,125 km de chaussée qui se découvre au rythme des marées, six mats de perroquet, 3 balises refuges et 907 945 passages en 1970 l’année précédant l’ouverture du pont.
Quelques dates :
- Avant 1780, le Gois porte son nom et est repéré par de courts poteaux en bois. « la route n’est pas empierrée et il n’est pas rare de s’écarter du bon chemin pour aller s’envaser plus loin. »
- 1786 les premières balises, 18, sont installées.
- 1805 sous l’impulsion de l’ingénieur Louis-Joseph Plantier 2 postes de cantonniers de la mer : les Garde-Goa, sont créés par le département.
- 1832 : officialisation du Gois sous le nom de voie n°5.
- 1841 : création d’une ligne régulière de diligence Beauvoir-Noirmoutier.
- 1872 : empierrement de la chaussée.
- Au début des années 1900 les premières voitures s’y aventurent, d’abord chargées sur des charrettes, puis ensuite par leurs propres moyens.
- 1924 : élargissement de la chaussée qui est macadamisée.
- 1935 : comme la dégradation du revêtement est quotidienne on pose de lourds et larges pavés.
Source : Noirmoutier l’inventaire inachevé d’Éric Bouhier.
« Les coques vivent en colonie à l’état sauvage et se plaisent dans les estuaires et dans les baies protégées, au sol sableux et vaseux. Elles restent, en permanence, enfouies dans le sable à quelques centimètres de la surface. Dès que la marée les recouvre, elles sortent leur deux siphons et filtrent l’eau de mer pour se nourrir des matières en suspension… »
« La France est le 3e producteur mondial de coques, après les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les gisements sont répartis le long du littoral Atlantique allant de la frontière belge à l’Espagne. »
Ma science de la coque, qui prends, selon les régions, le nom de bucarde, demoiselle, rigadeau, sourdon, maillot, mourgue ou hénon, je la puise dans l’Almanach Gourmand 2015 qui est une bible du bien manger intelligent.
Bon, ce sont les hénons de la Baie de Somme qui sont à l’honneur, dans le triangle allant du Crotoy, aux pointes du Hourdel et de Saint-Quentin.
« Dès lever du jour, les pêcheurs à pied partent à marée basse jusqu’aux gisements, munis d’un râteau et d’un crible (la venette). Ils grattent le sable, ramènent les coques dans la venette et la secoue jusqu’à ce qu’il reste que des coques d’une taille règlementaire. Les coquillages sont ensuite nettoyés, conditionnés dans des sacs et expédiés dans des bassins d’épuration pendant 48 heures ou directement à la Conserverie Saint-Christophe, où ils sont préparés après cuisson. »
Souvenir du passage du Gois dans la C4 de Louis Remaud, l’arrêt au retour pour aller patauger et gratouiller dans la vase noirâtre afin de ramener des coques à la maison. Nous avions toujours un soupçon d’angoisse de nous faire surprendre par la montée rapide de la marée même si la perspective de passer la nuit juché sur un refuge nourrissait nos goûts d’aventure.
Enfin, sur le plan gustatif, je préfère les coques ouvertes à la poêle avec des oignons émincés, des herbes et de la crème fraîche, avec bien sûr un verre de Muscadet