Elle est comme ça Catherine, généreusement obstinée, c’est une fille de par chez moi qui ne s’en laisse pas conter et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ça je le sais depuis le jour où sur la place de l’ancienne comédie de Montpellier, à la terrasse d’un café, bloc sur table, face à mon fichu rapport abondamment surligné, elle m’avait pendant plus de 2 heures « asticoté ». Pas question de prendre la tangente, de lui faire prendre des vessies pour des lanternes : sport où excellent les grands mamamouchis de sa région d’adoption, il me fallut jouer cartes sur table, sans biaiser. Sur le chemin du retour je me disais « comment va-t-elle reproduire ce long entretien ? Je n’en menais pas large car, sans vouloir médire, la plupart des journalistes que j’avais rencontrés ne comprenaient rien au film. Nous voguions encore dans un univers de haute autosatisfaction. Au final, la marque de fabrique de Catherine : l’honnêteté intellectuelle et le professionnalisme.
Que de fleurs me direz-vous ? Ne vous plaignez pas j’en envoie si peu. Et pour mettre sur le bouquet du papier soie : Catherine écrit bien, donc elle écrit chaque semaine de belles revues de presse que je ne peux plus lire depuis que Vitisphère à dessein m’en prive et aussi des livres. De beaux livres, le premier en 2011 « dans les vignes » au Rouergue link qui était la chronique de sa reconversion et puis, comme je l’ai écrit lundi dernier, voici son nouveau petit dernier, qui ne sera pas j’en suis sûr son dernier : « Recettes de ma vigne » au Rouergue toujours.
Pour ne rien vous cacher, je ne prise guère les livres de recettes, ça bride ma créativité de cuisinier qui peut être attesté par mes copines du Net. Mais au Rouergue, ils ou elles sont fort(e)s, ils ou elles cultivent un bon filon : les vigneronnes. Ça a commencé par le livre d’Isabelle Guichard « Recettes de vendangeurs »link et voilà notre Catherine qui s’y colle aussi en duo.
C’est du beau dans la forme, c’est important la mise en livre – je n’ai pas écrit la mise en plis – car ça donne envie. J’aime le beau, pas le clinquant, le lisse et le glacé, mais ce je ne sais quoi qui est la vraie distinction. Comme disait ma couturière de mère « un rien l’habille » Donc ce livre est d’une belle sobriété qui donne l’envie de manger ; pas de déguster du bout des lèvres quelques petites « bechées » mais d’atteindre une douce satiété. Et puis, il y a les textes de la Catherine – je n’ai pas écrit la grande Catherine car en ces temps de Poutine ça n’est pas de saison – de la belle ouvrage comme le disait mon pépé Louis qui poussait des hurlements face à un sillon genre épris de boisson. Mais, il ne faut pas que je tire toutes les « bernes » sur la Catherine car c’est une œuvre à 4 mains et, comme dans une cuisine ce que fait la main est capital, je me dois de rendre hommage à la femme de l’art Anne-Sophie Thérond.
Donc achetez ce livre pour l’offrir à vos petits loups et petites louves ça vous évitera de manger des steaks hachés surgelés avec de la purée Mousseline. C’est 18 € au Rouergue www.lerouergue.com
Mais nous n’allons pas nous quitter comme cela ça vous défriserait. Oui notre Catherine « elle coiffe ses vignes ». Quand j’ai lu cette déclaration mon esprit vagabond a de suite connecté avec le merveilleux film de Patrice Leconte « Le Mari de la coiffeuse » où Antoine, petit garçon amoureux, rêve d'épouser une coiffeuse. Il se rend donc au salon de coiffure le plus souvent possible pour un jour, par hasard, il découvrir la coiffeuse de ses rêves dans un petit salon de coiffure de province. Alors, Antoine qui a épousé la coiffeuse, passe ses journées dans le salon. Il est devenu le mari de la coiffeuse. Amour passionnel avec un Jean Rochefort absolument délicieux. Plus dans la tendance du temps avec le foot, dans l'argot du ballon rond, les « coiffeurs » sont les remplaçants, les coiffeurs sont ceux qui attendent de coiffer les titulaires, c'est-à-dire de prendre leur place. Enfin, dans le plus pur style de Frédéric Dard, le coiffeur c’est le merlan « Quand le perruquier met de la poudre de riz à son client, il l'enfarine comme le merlan avant d'être mis dans la poêle à frire. Ce nom a été donné aux perruquiers quand il était d'usage de porter de la poudre dans les cheveux : les coiffeurs en étaient couverts et ressemblaient à des merlans roulés dans la farine. »
Tu fais quoi dans les vignes ?
Tu coupes ?
Je coupe ?
« … Ce qui est coupé est coupé. Il n’y a guère que les ongles et les cheveux que l’on coupe et qui repoussent. Depuis que Dalila a rasé la chevelure de Samson, manière elliptique de dire qu’elle lui a coupé les couilles, on coupe aussi les cheveux, parfois en quatre. Mais il serait plus exact d’employer, comme pour les vignes, le verbe tailler. Souvent quand je taille les vignes me vient l’idée que je les coiffe. Je commence par leur tirer les cheveux. C’est ce à quoi me fait penser le geste de rassembler en poignée les sarments de la main gauche et les raccourcir afin d’y voir clair. Puis je regarde la physionomie de la souche, j’observe l’équilibre de son port, la vigueur des bois, les taches éventuelles, la régularité de l’espacement entre les bourgeons, les pampres qui peuvent faire de nouveaux bras. La vigne aussi porte les marques du millésime, et nous celles de l’âge. C’est seulement cette inspection faite que je positionne la lame du sécateur à l’angle qui laissera la plus petite plaie de taille et que d’un coup net je ramène le bois à un ou deux bourgeons. Souvent je négocie, puis je m’écarte d’un pas pour voir l’œuvre accomplie, comme on jette un œil au miroir, je raccourcis encore un peu si nécessaire et, satisfaite, pense, parfois tout au haut, après tout il n’y a personne pour m’entendre dire ce genre de connerie : « Te voilà bien coiffée ».