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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 00:03

Lundi matin, le 24 du mois de juin, j'ai pris le TGV qui m'a déposé deux heures après à la gare de Beaune. Je suis allé à pied rue des Cordeliers. Dieu quelle paix en cette belle cité, j'éprouvais un sentiment de sérénité, de plus comme le soleil montait je me réjouissais que ça allait être une bonne journée. La matinée fut bien occupée à échanger : pour écrire il faut nourrir sa pensée donc écouter. L'heure du déjeuner fut conviviale aux caves de la Madeleine où le patron parle, comme j'aime, du vin avec simplicité et pertinence. Il ne fait pas qu'en parler, il sait saisir les désirs de ses clients : le St Aubin « sur le ban » (ce n’est pas un 1er cru) 2006 de chez Catherine et Dominique Derain se révèlait conforme à mes désirs. L'heure de l'AG du BIVB, Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne étant venu nous gagnâmes pédestrement la salle de la Comédie du Vin. Quelle belle appellation ! Des mains serrées, remerciements au président Paul-Louis Gagey de m'avoir invité, puis c'est François le connétable de Bourgogne toujours à son aise au milieu des vignerons. Déroulement classique d'une AG menée de main de maître par le président Gagey puis vint le temps des exposés débat sur un sujet qui me mettait l'eau à la bouche : " Agrément, typicité et marchés" avec Yves Bénard, le président du CN Vins et eaux-de-vie de l'INAO, Christelle Mercier de l'INAO Dijon, Yves Le Fur de l'UMR Flavic (Flaveur Vision, Comportement) de l'Université de Bourgogne, Antoine Gerbelle de la RVF et Claire Naudin vigneronne Présidente de la commission suivi aval qualité du BIVB. C'est à elle que je donne la parole ce matin car, je dois vous avouer, qu'elle seule à su revenir à l'essentiel sur le sujet de la fameuse typicité alors que les exposés de Christelle Mercier et d'Yves Le Fur m'ont empli d'un effroi profond. Si je m'en remets je consacrerai une chronique à leurs propos qui confortent mes craintes exprimées dans deux de mes Chroniques :
" CAC 51 : le croskill de la qualité des AOC "
http://www.berthomeau.com/article-20287518.html et
" La valeur des mots : appellation d'origine contrôlée quel contrôle ? "
 
http://www.berthomeau.com/article-20320269.html



Je donne donc la parole à Claire Naudin :

 

" Maintenant je parlerai à titre plus personnel, de ces notions de qualité, de typicité et de marchés.

Investie depuis longtemps dans l’agrément des vins des Hautes-Côtes, ces sujets m’intéressent. D’ailleurs j’ai participé au comité de pilotage de la réforme, aux côtés de Patrick Hudelot et depuis 2 ans. Avec 15 années de recul dans ce métier, 15 années à travailler la vigne et à explorer des voies en vinification, j’en suis arrivée à redécouvrir des conclusions d’une simplicité redoutable.

Pour faire de grands vins, il faut :

-         1 mettre en cuve ou presser un raisin mur, sain, et le plus intègre possible.

            Concernant la maturité, en 1582 dans la première édition de la Maison Rustique, p 330, on peut lire :

            « Maturité du raisin, que l’on connaîtra quand le raisin noircit, quand les pépins du grain se montrent noirs et demeurent tout nus, et séparés entièrement de la pulpe du raisin ».

 

Simple mais suffisant !

-         2 un terroir à fort potentiel : en Bourgogne nous sommes gâtés, pourtant nous oublions souvent à quel point c’est un privilège de travailler sur de tels terroirs, pour nous plaindre de la charge que ça représente.

 

-         3 un savoir faire : et nous touchons au cœur du problème. Cette notion parait simple, pourtant, la question à se poser est bien celle des limites de l’interventionnisme en AOC…

Mais aussi les limites de l’interventionnisme des cahiers des charges.

 

Ces trois fondamentaux sont à la fois immuables, puisque avérés depuis des siècles, et universels : j’ai souvent constaté que ces valeurs simples sont partagées par un grand nombre de vinificateurs, de l’ancien comme du nouveau monde.

Et ils permettent des interprétations illimitées, susceptibles de traverser les siècles.

Or jusque là rien n’est écrit, ou si peu…

Et ça fonctionne…

 

Le fait d’écrire en détail ce qui doit être fait, peut totalement stériliser ce processus.

La notion de typicité est intrinsèquement temporelle.

Je prendrai 2 petits exemples :

-         en 1708, dans la maison rustique toujours, sur la façon de cuver, on peut lire page 440:

      «  Il faut considérer l’espèce de vin, c'est-à-dire s’il est fin ou grossier : s’il est fin, et par conséquent beaucoup plus rempli d’esprit qu’un autre qui a plus de corps, quatre ou cinq heures de cuve suffisent si nous voulons qu’il soit bien rouge (…).

            Si le vin est grossier, c'est-à-dire moins spiritueux et moins sevé, on l’y laisse un jour entier, et même au bout de ce temps, si l’on juge qu’il n’a pas assez cuvé, on retardera encore à le mettre sur le pressoir, car ces sortes de vin n’acquièrent leur mérite que par le corps qu’ils prennent dans la cuve, n’ayant que très peu de qualité d’ailleurs. ».

-         Dans les années 90, dans une quête de qualité, sont apparues les techniques extractives (macération à froid ou sulfitiques, enzymage, délestages, extraction à la glace carbonique, etc.…).

Entre ces deux extrêmes tous les intermédiaires existent, et désormais tous peuvent se revendiquer d’une tradition. Encore un petit exemple…

En 1893, dans ‘l’Histoire de Chenôve, par Henri MARC, on peut lire page 159 que

« Pendant tout le temps que le clos du Roi appartint à la couronne, les vins qu’on y récoltait eurent une très haute réputation. On y faisait des vins cuits également très estimés. Presque tous les vignerons ou propriétaires en faisaient une certaine quantité qu’on désignait sous le nom de galant, depuis le 13ème ou le 14ème siècle, ceux-ci étant intermédiaires entre les vins de paille et les vins liquoreux. (…).Ils se préparaient (…) avec des raisins blancs et de choix. ».

Notre histoire œnologique n’est pas aussi linéaire qu’on veut bien le croire. Elle a été mouvementée et le sera probablement encore…

S‘enfermer dan un schéma, ou même un ensemble de schémas, sous prétexte qu’ils sont le schéma moyen, ou même considéré comme optimal, d’une décennie ou même d’une génération, c’est à mon avis prendre le risque de disparaître à moyen terme.

 

En conclusion,

Il me semble illusoire voire stérile de figer nos pratiques, par des textes d’une précision implacable,

Textes que nous sommes pourtant en train de nous imposer…

Alors qu’en raisonnant en terme d’objectifs à atteindre, on peut garantir tout autant la qualité, mais à travers une adaptation permanente à un contexte en perpétuelle évolution. Et là l’avenir est ouvert.

Encore faut-il se mettre d’accord sur les fondamentaux concernant l’AOC

 

Enfin vis-à-vis du consommateur, il me semble également totalement illusoire de prétendre fournir des descriptifs de chacun de nos climats et par là les figer. Certes cela ne simplifie pas la communication.

Mais la notion d’AOC doit-elle être simplifiée ???

Est-ce à l’AOC d’aller vers le consommateur ?

Là aussi, je ressens l’approche de l’AOC comme une démarche personnelle, une recherche initiatique presque, tant du producteur que du consommateur.

A chaque génération de réinterpréter la partition.

Pour ceux qui veulent de la simplicité, il existe d’autres sortes de vins, bien définis et normalisés !

Ensuite, l’AOC a sa raison d’être, c’est une exception, une autre dimension du vin.

A chacun de la découvrir, à l’infini."

 

 

Je vous remercie de votre attention.

 

Claire NAUDIN le 24 Juin 2008

Domaine Henri NAUDIN-FERRAND
Rue du Meix Grenot
21700 MAGNY les VILLERS
VINS DE BOURGOGNE - FRANCE
Tel : 03 80 62 91 50  ¤  Fax : 03 80 62 91 77
www.naudin-ferrand.com

 

Si vous souhaitez voir les autres photos de l'édition de la Maison Rustique de 1582 reportez-vous sur PAGES  ou cliquez sur ce lien
 
http://www.berthomeau.com/pages/N_23__les_photos_de_Claire_Naudin-581041.html

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commentaires

B
et pendant ce temps la, les vins de Claire se font refuser.... :-(
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P
Oh combien il est réconfortant d'entendre les propos que claire déclame avec une passion non dissimulée ! En fait les plus responsables et les plus sensés de nous tous sont sur le terrain !!! mais ce qu'ils disent est trop simple !! et pourtant !!
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M
Merci Jacques d'avoir repris l'intervention de Claire NAUDIN.<br /> Je partage sa description des fondamentaux de l'AOC.<br /> La reforme que nous allons subir norme et certifie un produit mais n'a jamais repondu à ce que devait-être un vin d' Appellation d'Origine Controlée.
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M
Si j'osais... et j'ose volontiers : avec Claire, les choses du vin sont aussi claires qu'un beau clair de lune. Merci de cette clarté ô combien bienvenue dans ce monde d'industrialisation à outrance. Merci aussi à Jacques Berthomeau de nous abreuver de paroles aussi limpides. Puisse-t-il aller plus loin en nous livrant son effroi face au discours évoqué de deux autres personnes.
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C
Merci Claire de ces propos limpides comme un grand vin. Nous sommes nombreux à penser comme vous. Bon courage.Jean Clavel
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