Un pays fracturé
Jean-Marcel Bouguereau
Édito de la République des Pyrénées
La crainte de voir Marine Le Pen arriver en tête du premier tour, la certitude que sa victoire éventuelle ne relevait plus de folles hypothèses a eu un effet mobilisateur : certes, l’affiche du second tour 2022 est la même que celle de 2017, mais avec cette différence qu’Emmanuel Macron a près de cinq points d’avance sur la candidate d’extrême-droite, là où il y a cinq ans, il n’en avait que trois. Pour autant, le président sortant ne doit pas se leurrer en croyant à un vote d’adhésion, au terme d’un mandat marqué par les crises - sociale avec les Gilets jaunes et sanitaire avec le Covid -. D’autant plus que Marine Le Pen a attiré près d’un électeur sur quatre.
En faisant campagne sur le pouvoir d’achat, elle a réussi à faire oublier que son programme n’est guère différent de celui d’Éric Zemmour et que les réformes constitutionnelles qu’elle préconise visent à mettre en place un état autoritaire et anti-européen. Quant à Zemmour, il n’aura finalement réussi qu’à servir de marchepied à Le Pen.
La réédition de ce duel Macron-Le Pen met par ailleurs en lumière la décomposition des anciens partis de gouvernement, Les Républicains et le Parti Socialiste. Valérie Pécresse a divisé par quatre le score de Fillon. Mais c’est encore Byzance par rapport au crash d’Anne Hidalgo qui, elle, a divisé par trois le score déjà calamiteux de Benoit Hamon en 2017, au point d’être dépassée par le pittoresque Jean Lassalle ! La candidate socialiste incarne la perte de contact du PS avec les classes populaires. Yannick Jadot, qui concourrait pour l’écologie, n’a pas réussi à faire des enjeux climatiques un sujet de cette présidentielle. Et c’est sur Jean-Luc Mélenchon que se sont portés les suffrages des électeurs de gauche ne pouvant se résigner à voter Macron d’emblée.
Dès hier soir, contrairement à 2017, Mélenchon a appelé à voter Macron pour faire barrage à l’extrême-droite. Pécresse, Jadot, Roussel et Hidalgo ont fait de même. « Je sais que cela ne vaut pas soutien », a admis Emmanuel Macron hier soir, en posant les enjeux du 24 avril : « Je ne veux pas d’une France de la régression pour tous. Je veux une France qui s’inscrit dans une Europe forte, pas dans l’internationale des populistes et des xénophobes ».
Dernier enjeu, et non des moindres : un électeur sur quatre n’est pas allé aux urnes hier. Sortiront-ils de l’abstention le 24 avril ? En faveur de qui ? « Ne nous trompons pas, rien n’est joué », a souligné Macron hier soir. Espérons qu’il ne cédera pas à sa pente naturelle, celle de l’arrogance, alors que ce premier tour montre un pays fracturé comme jamais et que son quinquennat a vu l’extrême-droite portée à un niveau sans précédent.
Jean-Marcel Bouguereau
Le site Internet du ministère affiche pour l’instant des « résultats incomplets calculés sur la base de 90 % des électeurs inscrits ». Sur cette base – qui n’est donc pas définitive –, Emmanuel Macron rassemble 27,40 % des voix, Marine Le Pen est à 24,58 % et Jean-Luc Mélenchon est à 20,96 %. Il faut désormais attendre le dépouillement définitif, qui devrait être dans la nuit, pour officialiser le nom des candidats qualifiés pour le second tour.
Selon la dernière estimation Ipsos et Sopra-Steria, Emmanuel Macron est à 27,6 %, Marine Le Pen 23 % et Jean-Luc Mélenchon à 22,20 %.
les résultats du premier tour dans le 14ème arrondissement
- Emmanuel Macron, 35,05%
- Jean-Luc Mélenchon, 30,07%
- Yannick Jadot, 8,55%
- Éric Zemmour, 6,67%
- Valérie Pécresse, 6,21%
- Marine Le Pen, 5,74%
- Anne Hidalgo, 2,51%
- Fabien Roussel, 1,97%
- Jean Lassalle, 1,30%
- Nicolas Dupont-Aignan, 1,02%
- Philippe Poutou, 0,57%
- Nathalie Arthaud, 0,32%
Sur 85 742 inscrits, l’arrondissement compte 67 577 votants.