Sans me vanter j’ai du nez, à la veille de la commémoration du 10 mai 1981, 40 ans déjà, certes Tonton n’est pas Napoléon, il a ses grognards, mais nous commémorons beaucoup dans notre vieux pays.
Du côté de ce qui reste du PS, le dimanche 9 mai, au Creusot, la Fondation nationale des élus socialistes et républicains, la Fneser, a organisé de son côté une journée consacrée à l'héritage de l'ancien chef de l'État socialiste. François Hollande a été invité par les organisateurs à prononcer un discours, annoncé comme très politique. Outre cette intervention de l'ex-chef de l'État, plusieurs tables rondes sont prévues pour cette commémoration « officielle », avec ou en présence de personnalités telles que les anciens ministres Bernard Cazeneuve, Jean Glavany, Lionel Jospin, Pierre Joxe, François Rebsamen, Jean-Pierre Sueur mais aussi la maire PS de Paris Anne Hidalgo, potentielle candidate socialiste en 2022 ou encore Anne Lauvergeon, Béatrice Marre, Gilbert Mitterrand...
Du côté du maigre côté gauche de Macron celui-ci va réunir tous les anciens collaborateurs de Mitterrand, en guise d'hommage. L'événement ne figure pas à l’agenda d'Emmanuel Macron. Ni hommage officiel ni message prévu, à l’occasion du quarantième anniversaire de l’élection de François Mitterrand. Néanmoins, d’ici à deux semaines, Emmanuel Macron organisera à l’Élysée « un moment de convivialité », dans le respect des règles anti-Covid, pour réunir tous les anciens collaborateurs des deux septennats de Mitterrand (1981-1995). Le service RH de la présidence a ressorti les listes, cela représente une centaine de noms.
Les cartons d’invitation sont prêts à partir : Jacques Attali, Ségolène Royal, Jean-Louis Bianco... En revanche, pour l’anecdote, pas de trace d'un certain François Hollande dans les fichiers. En 1981, il était pourtant chargé de mission à l’Elysée.
En Taulier peu porté sur les hommages aux anciens combattants des guerres politique j’ai choisi de rappeler aux Français encore confinés que le premier estampillé socialiste aux commandes de la France fut Léon Blum
Le 13 février 1936, la voiture de Léon Blum est attaquée par des nationalistes d’extrême droite à sa sortie de la Chambre des députés. « À mort Blum ! » hurle la foule. Il est roué de coups et n’évite le lynchage que grâce à l’intervention de la police et de passants qui ont accouru. Trois mois plus tard, la France se donne, en toute connaissance de cause, un président du Conseil juif et socialiste. On est là au cœur de la grandeur et du mystère français.
Frédéric Salat-Baroux : « Léon Blum incarne l’idéal de justice »
- Vous êtes gaulliste, vous avez été le bras droit de Jacques Chirac, dont vous avez épousé la fille, Claude. Pourquoi avoir choisi d’écrire sur l’homme du Front populaire, une icône de la gauche ?
Pour moi, la République est un bloc constitué de valeurs issues de la droite et de la gauche. Après avoir écrit sur de Gaulle, il m’a semblé naturel, nécessaire de mieux comprendre Blum et ce qu’il incarne : l’idéal de justice, l’importance de la culture comme ciment d’une nation.
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Frédéric Salat-Baroux livre une biographie sensible de Léon « Blum le Magnifique »
Comment se forge un destin ?
Il y a un « mystère Léon Blum », écrit Frédéric Salat-Baroux, et c’est le cœur de ce livre consacré aux années de formation de l’homme du Front populaire. L’ancien secrétaire général de l’Elysée (sous Chirac) raconte les ambiguïtés, les fragilités aussi, de cet « homme double » ayant longtemps privilégié la littérature et l’amour plutôt que le pouvoir. L’affaire Dreyfus, d’abord, puis la mort de Jaurès le conduiront à la politique. En filigrane, Salat-Baroux peint le portrait d’une époque, bouleversée par le triomphe du capitalisme et la montée de l’antisémitisme, avant la guerre qui vient.
Tout au long du livre, l’auteur laisse filtrer une discrète tendresse pour son sujet dans lequel, on le sent, il semble parfois se retrouver. Il le cache à peine d’ailleurs, quand il décrit cet homme « mince, de haute stature », au « regard tout de douceur, un peu perdu », travaillé par une « lave intérieure » et plus de « frustrations » qu’on ne le croit. Blum fut aussi, un siècle avant lui, commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat.
Léon Blum, les lettres avant l’Etat
LIVRES
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La passionnante biographie de Frédéric Salat-Baroux raconte l’itinéraire d’un leader socialiste français écartelé entre sa passion de l’écriture et celle de la politique. Avec Jean Jaurès en modèle.
Richard Werly
Publié vendredi 7 mai 2021
«Pourquoi le Conseil d’Etat ?
À première analyse, il s’agit d’une évolution assez logique du parcours que Léon Blum a voulu se construire en refusant de choisir entre le monde des lettres et la vie professionnelle.» Frédéric Salat-Baroux est un haut fonctionnaire, ancien secrétaire général de la présidence sous Jacques Chirac. Conseiller d’Etat lui-même, il connaît par cœur, place du Palais-Royal, «ce long couloir de bois verni et de tapis rouge qui mène à la salle de l’Assemblée générale» de la plus haute institution juridique française, «sorte de cathédrale de la République». Voilà sans doute pourquoi sa biographie Blum le magnifique donne au lecteur cette impression de proximité. Le leader socialiste français (1872-1950), l’homme du Front populaire, n’y est pas seulement dépeint sous l’angle de la politique et du pouvoir. C’est l’intellectuel Blum qui, sous sa plume, apparaît comme magnifique.
Deux éléments, à eux seuls, justifient de se plonger dans ce récit assez court (240 pages), dont les racines plongent dans la jeunesse de Léon Blum, en pleine affaire Dreyfus (1894-1906). Le premier est le goût de l’auteur pour l’itinéraire personnel de celui qui deviendra l’un des ténors du socialisme européen. Etre un jeune homme juif, prix du concours général de philosophie, dont l’ambition est de servir la République, devient, alors que «l’affaire» fait rage, une charge très lourde à porter. «Je suis né à Paris, Français de parents français […] Mon père est né dans un village d’Alsace, Westhoffen, il y a maintenant plus d’un siècle, de parents français», écrira Léon Blum dans Le Populaire, en 1938, en réponse aux odieuses allégations de Charles Maurras le traitant de «juif allemand naturalisé».
L’intelligence de Frédéric Salat-Baroux est de dresser, en même temps que la jeunesse de Blum, l’arrière-plan de cette France où «les juifs sont une forme d’harmonie intérieure car ce pays, qui fonde la Nation sur l’adhésion à des valeurs, ne les oblige pas à mettre en balance cette fidélité à leur appartenance et la fidélité à leur religion».
Le second élément mis en avant par Frédéric Salat-Baroux est l’amour de Blum pour la littérature et le théâtre. Ce combattant politique dont Jean Jaurès est d’abord le modèle nourrit une «passion de la littérature qui répond à une double aspiration; un désir d’assimilation propre à tant de juifs européens de l’époque et une volonté de rupture avec l’ordre établi». Voici Blum au théâtre, dans les couloirs de l’imprimerie de L’Humanité, ce journal fondé par ce Jaurès qu’il dit être frappé «par le sceau du génie». Blum admire le lutteur chez Jaurès, mais aussi sa profonde connaissance historique de la France. Il a trouvé un maître, dans tous les sens du terme.
Pour L’Humanité, il tient une chronique littéraire à connotation sociale. Solidaire, il cotise lorsque la survie économique de ce journal (déjà) est menacée. La presse, parce qu’elle est indissociable de l’action, est son terrain de jeu littéraire: «Je suis critique de profession et, j’ose dire, de vocation», écrit-il en 1913. Un projet de roman est abandonné. Deux pièces de théâtre sont inachevées. «Blum avait fait le choix de mêler critique et militantisme socialiste», raconte Frédéric Salat-Baroux.
Prince des artistes
Les contours d’un homme peuvent être tracés par les mots qu’il écrit. Ce sera le cas de Léon Blum tout au long de sa vie. Salat-Baroux a retrouvé ses écrits. Il a lu Blum lorsqu’il écrit sur Goethe, prince des artistes. Il s’est penché sur ses lettres d’amour pour les deux femmes qui marqueront sa vie, côte à côte, en parallèle, son épouse Lise et sa maîtresse Thérèse. Les batailles politiques et la «naissance d’un chef» ne sont pas oubliées dans ce livre d’un biographe clairement sous le charme de son personnage. Léon Blum est vivant lorsque Frédéric Salat-Baroux nous le dépeint, entre théâtre, livres et journaux. L’évocation du Front populaire, puis de la Seconde Guerre mondiale ponctue évidemment l’ouvrage. Ce Léon Blum plongé dans l’écriture apparaît tel que Jaurès: doté d’une immense humanité.
Brillant normalien, héritier de Jaurès, captif des Nazis... Deux précieux ouvrages explorent toutes les facettes de la grande figure du Front populaire.
Léon Blum (1872-1950) fut sans doute le plus haï et attaqué des hommes politiques français. On sait que le 6 juin 1936, alors même qu’il venait de présenter à la Chambre le programme de son gouvernement de Front populaire, il fut injurié par le député Xavier Vallat qui monta à la tribune pour le disqualifier en tant que juif. Quatre mois plus tôt, Blum avait failli être lynché en pleine rue. Sous l’Occupation, c’était presque quotidiennement qu’une presse abjecte le prenait pour cible. Dans le beau livre qu’il lui consacre, Pierre Birnbaum restitue l’antisémitisme virulent qui accompagna l’action et la vie de ce « juif d’Etat » venu à la politique et au socialisme au temps de l’affaire Dreyfus.
Mais il montre que la judéité de Blum ne se réduit pas à ces vilenies : cette identité qu’il ne renia jamais, sans non plus l’opposer à un parfait patriotisme républicain, explique également son attention et son soutien au projet sioniste jusqu’à la naissance de l’Etat d’Israël, en 1948, révélant par là « l’intensité d’un engagement largement ignoré par l’historiographie ».
Multiples vies
Ce n’est en réalité que l’une des facettes ici renouvelées par le recours à de nombreux documents inédits. L’auteur propose un portrait complet, vivement rythmé, éclairant les multiples vies de Léon Blum : le brillant normalien devenu dandy stendhalien, le conseiller d’Etat à l’impeccable culture juridique, le socialiste lucide, en héritier de Jaurès, sur la « cruauté » bolchevique, le captif de Vichy et des nazis, enfin, à l’humanisme inentamé au retour de Buchenwald.
Et pour qui veut lire la pensée souple et convaincue de Blum dans le texte, il faut se reporter au précieux petit livre d’Alain Bergounioux. Outre un portrait politique bref mais précis et bien pensé, il donne de très larges extraits de quatre grandes allocutions de Blum : son discours d’investiture de 1936 déjà mentionné, celui de 1920, au congrès de Tours, où il s’oppose à la bolchevisation du Parti socialiste, ses réponses aux juges lors du procès de Riom le 11 mars 1942, et, enfin, son ultime prise de parole désenchantée lors du congrès de la SFIO en 1946 au cours duquel il fut mis en minorité, longue méditation sur le difficile exercice du pouvoir « dans les cadres du régime capitaliste ».