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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 06:00

 

Le manuscrit de la lettre de Jean Jaurès lue en hommage à Samuel Paty © Maxppp - Humberto De Oliveira

J’aurais dû titrer : je suis lecteur de Didier Daeninckx mais j’ai préféré parodier le je suis Charlie pour marquer que je me retrouve dans les propos d’un auteur qui m’a toujours convaincu de son enracinement dans son terroir populaire. C’était un de ces militants communistes sincères, de ceux qui vivaient au plus près du petit peuple, de ceux qui maillaient ces fameux territoires dont a dit et écrits  qu’ils étaient les territoires perdus de la République.

 

Je n’ai jamais adhéré au PCF pour cause de Budapest et, dans ma vieille Vendée, du sectarisme des permanents de ce parti toujours en ligne avec la Direction, mon choix du PSU tenait d’un double rejet : celui d’un PCF aligné sur Moscou et d’une SFIO démonétisée par les errements et les trahisons de Guy Mollet.

 

Nous qui nous disions progressistes avons dialogué avec les intellectuels du PCF, beaucoup de prêtres-ouvriers étaient communistes (Nous catholiques communistes par Jean Galisson menuisier, prêtre (Le Havre) ICI , la JOC, les paysans-travailleurs, l’Ouest catholique sera ensemencé et basculera en grande partie dans le vote pour le PS d’Epinay sous la houlette des rocardiens issus du PSU.

 

Nous n’avions pas forcément raison mais nous ne transigions pas avec la réalité du monde d’au-delà du rideau de fer, l’étouffement du printemps de Prague, la dérive populiste de Marchais, la lente .érosion du bastion de la ceinture rouge, tout ce que Didier Daeninckx dénonce dans sa tribune

 

 

 

« Qui aurait pu imaginer que la gauche se déchirerait à propos d’un délit imaginaire forgé par des assassins ? »

TRIBUNE

Didier Daeninckx

Ecrivain

 

Le romancier raconte dans une tribune au « Monde » comment, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, une partie de la gauche a peu à peu cédé sur les principes républicains et notamment sur la laïcité dans sa lutte contre l’islamophobie.

 

Publié le 28 octobre 2020

 

Au début des années 1960, sans trop comprendre ce que signifiait le mot, je vendais chaque année au porte-à-porte les timbres de l’école « laïque » édités par la Ligue de l’enseignement ; je participais dans les rues de Seine-Saint-Denis aux défilés des fêtes de l’école qui se proclamait fièrement gratuite, obligatoire et laïque.

 

Il m’a fallu attendre l’année du bicentenaire de la Révolution, 1989, il y a plus de trente ans, pour prendre conscience qu’il s’agissait là d’un bien essentiel, quand l’Iran des mollahs a condamné à mort un écrivain laïque, Salman Rushdie, coupable d’« islamophobie » [son roman Les Versets sataniques avait provoqué l’ire de l’ayatollah Khomeyni]. Puis il y eut Taslima Nasreen que les mêmes dictateurs de conscience destinèrent à la décapitation [pour son roman La Honte, en 1994].

 

Qui aurait pu imaginer que la gauche, dans son ensemble, se déchirerait à propos d’un délit imaginaire forgé par les assassins, alors même que Rushdie nous mettait en garde, dès le prononcé de la fatwa le visant, en nous expliquant que ce concept d’islamophobie était jeté en pâture aux ignorants, afin qu’ils le restent ?

 

La trajectoire de Merah comme déclencheur

 

La terreur islamiste a sidéré le monde, elle a mis les mots en actes, répandant le sang « impur » des traducteurs, des éditeurs, des cinéastes, des dessinateurs, des amateurs de rock, des enfants de maternelle, des professeurs, des prêtres, de ceux qui les protégeaient… Cet effroi planétaire a produit ses effets au plus près et j’ai pu, au fil des ans, en mesurer l’impact dans mon entourage immédiat. Les premières alertes datent du début des années 2000, quand le responsable national de l’association antiraciste dans laquelle je militais s’était rapproché de Tariq Ramadan, de Dieudonné, et qu’il évoquait la nécessité d’une loi contre le blasphème. C’était tellement loin de mes préoccupations que je n’en ai, à l’époque, pas saisi la portée.

 

La trajectoire sanglante de Mohammed Merah, en 2012, a servi de déclencheur. Dans ma ville natale, Saint-Denis, un élu communiste et « délégué à l’égalité », répond alors sur les réseaux sociaux à ceux qui lui demandent ce qu’il pense des enfants juifs tués d’une balle en pleine tête dans une cour d’école : « Suis en mode hommage, j’arrête tout ou on va me dire que je ne suis pas touché, pas ému, du coup je vais m’entraîner à pleurer. » Au cours des années suivantes, il fera de cette ironie meurtrière sa marque de fabrique, produisant des centaines de Tweet infâmes, sans que jamais les organisations auxquelles il appartenait ne lui fassent la moindre remarque. Il sera l’un des principaux organisateurs, en 2019, de la déshonorante marche contre l’islamophobie, avant de figurer en bonne place sur la liste des « insoumis » aux dernières élections municipales.

 

En 2014, à Aubervilliers, ma ville de résidence, la coalition Front de gauche s’est vue adoubée dans les locaux mêmes de la mosquée où un imam dispense des prêches antirépublicains, homophobes et organise la défiance envers l’école laïque. Cette coalition acceptera dans ses rangs trois maires adjoints issus de l’association locale des musulmans.

 

Directeurs de conscience

 

L’un de ces adjoints s’illustrera en engageant publiquement le dialogue avec la mouvance d’Alain Soral, qui se définit lui-même comme national-socialiste, et en déclarant à plusieurs reprises qu’en matière d’immigration les gouvernements de la République se comportent plus durement que l’ancien maire Pierre Laval à l’encontre des juifs ! Ce qui, là encore, ne l’empêchera pas de figurer sur l’une des listes de gauche en mars dernier. Pour faire bonne mesure, on embauchera également, entre autres, un trafiquant de cocaïne à la tête d’une des directions municipales, pour service rendu. Il sera arrêté pour menace de mort [en 2016], un mois après son intronisation, alors qu’il arborait les insignes de Daech.

 

Dans le même mouvement, des directeurs de conscience autoproclamés peuvent, sans trembler, affirmer que Charlie a déclaré la guerre à l’islam, une obscénité qui n’a heureusement pas été réitérée lorsque Samuel Paty a subi le même sort que celui des membres de la rédaction du journal dont il expliquait les dessins. On se contente de parler, dans cet espace de radicalité, de « barbarie policière » pour qualifier l’exécution, en état de légitime défense, du tueur. Ces mêmes directeurs de conscience qui s’affichent aux côtés des racistes, des homophobes, des antisémites du Parti des indigènes de la République, et qui considèrent que l’on en fait trop avec la jeune lycéenne Mila, qui vit depuis des mois sous la menace des assassins pour avoir usé de sa simple liberté.

 

Basculement d’électeurs

 

Comment dire son dégoût lorsqu’une sénatrice sensible à l’environnement pollue le sien en posant au milieu de jeunes enfants manipulés qui portent une étoile jaune où est inscrit le mot « musulman » [lors de la marche contre l’islamophobie], suggérant une fois encore que la persécution fantasmée de l’Etat à l’encontre d’une religion équivaudrait à la « solution finale » ?

 

Toutes ces trahisons, tous ces abandons ont désarmé la gauche dans un combat essentiel. Ils permettent à la droite la plus obscure, à l’extrême droite, de se faire les championnes de la préservation des principes républicains ! Ils creusent la défiance, ils favorisent le basculement de centaines de milliers d’électeurs vers les porteurs de solutions autoritaires.

 

 

Tous ces gens qui ont failli, leaders de partis gazeux, adjoint à la mairie de Paris, députées des quartiers populaires, syndicalistes éminents, chroniqueuses en vogue, devraient avoir la décence de se retirer. Aucun d’eux ne parle en notre nom.

 

Une couverture emblématique de Charlie [datant de 2005] représente le prophète Mahomet qui se lamente prenant sa tête entre ses mains : « C’est dur d’être aimé par des cons. » Si j’avais deux doigts de talent, je placerais Jean Jaurès dans la même position, s’adressant à ceux qui, aujourd’hui, à gauche, usurpent et sa pensée et son nom, lui qui affirmait que laïcité et démocratie sont synonymes.

 

Didier Daeninckx est écrivain. Dernier ouvrage paru : Municipales. Banlieue naufragée (« Tracts », Gallimard, 48 pages, 3,90 euros).

 

Didier Daeninckx(Ecrivain)

Aux Instituteurs et Institutrices 

 

Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse.

 

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort. 

 

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! — Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […] 

 

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que  tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

 

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. 

 

Jean Jaurès, La Dépêche, journal de la démocratie du midi, 15 janvier 1888.

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commentaires

D
Confiné près de Nantes, je me suis abonné au gâteau nantais gorgé de ce rhum extrait des Antilles.<br /> Et je tombe par hasard sur votre blog saturé des mêmes effluves.<br /> Merci de relayer mes écrits, pauvres digues d'encre contre la montée des idées rances.<br /> Amicalement<br /> <br /> Didier Daeninckx
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P
DES NOMS, des noms!!! Voilà, voilà<br /> https://www.marianne.net/politique/marche-contre-l-islamophobie-l-insoutenable-legerete-de-la-gauche-avec-les-reseaux-de-l<br /> des durs des mous et des entre deux!!
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P
Il fut une époque ou l’anticommunisme primaire fleurait bon dans les salons de NAP<br /> (Auteuil, Neuilly, Passy) Sourire en coin, coupe de champagne ou petit four dans une main on se gaussait allègrement de ces drôles de gens, ces « rouges » dangereux car menaçant. Le rire parfois jaune devait conjurer la peur. Vous vous rendez compte, « Cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué » ? *<br /> Ou, sur un ton plus badin et se basant sur le principe du tiers exclus, on faisait carrément rigoler , oui ma chère, rigoler, en affirmant qu’on ne pouvait être à la fois, communiste, intelligent et honnête.<br /> Hélas pour ces bourrins, Didier Daeninckx ou des gens comme Jack Ralite (entre autre -horresco referens ** - un des quatre ministres communistes de Tonton) sont là pour démontrer le contraire.<br /> Tout est bon chez Daeninckx. A acheter les yeux fermer. Les rouvrir pour le lire !<br /> <br /> <br /> * Auguste BLANQUI – rapportant des paroles du patronnât<br /> ** Ca va le cuistre , t’en as beaucoup d’autre comme cela ?
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P
https://www.chasse-aux-livres.fr/prix/207289414X/municipales-banlieue-naufragee?query=Didier%20Daeninckx%20Municipales.%20Banlieue%20naufrag%C3%A9e
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A
et quand j'ai vu à Moscou l'Huma caviardée ! en fait, des plaques blanches, du caviar blanc, du vrai caviar prolo mon coco !<br /> Terribles les citations de l'auteur ! Merci de me rappeler le timbre que nous vendions à la sortie de l'école.
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