Les Suisses sont mes alliés de confiné.
Dans son blog publié par le journal Le Temps Christophe Catsaros, critique d'art et d’architecture indépendant, qui vit et travaille entre Paris et Lausanne, a extrait une pépite dont j’ignorais l’existence, normal suis un ignorant.
C’est Themroc, 3ième long métrage de Claude Faraldo, est « une pépite contestataire, vacharde et libertaire », étrange film sorti en 1973, Typique d'une certaine production post-68 et de l'esprit Hara-Kiri, sans paroles mais sonore, rythmé des bruits de la ville, mais surtout des cris et des mugissements des protagonistes qui nous font mesurer la distance qui nous sépare de l’esprit de mai 68.
C'est une fable satirique et radicale, tournée pour trois francs six sous avec le concours de techniciens et de comédiens payés au lance-pierre. Le tournage se fait parfois même dans l'illégalité, comme les scènes de métro qui sont filmées sans aucune autorisation. Une œuvre à part, comme en témoigne sa sélection au 1ierFestival du Cinéma Fantastique d'Avoriaz où le film remporte le Prix Spécial du Jury et le Prix d'interprétation masculine pour Michel Piccoli
« Michel Piccoli y incarne un ouvrier frustré, opprimé sur tous les plans (professionnel, libidinal), et qui décide de sortir de la civilisation pour vivre en homme des cavernes. Licencié de l’entreprise où il accomplissait une tâche des plus inutiles, il se mure littéralement dans une pièce de l’appartement qu’il partage avec sa vieille mère et sa soeur, une adolescente exhibitionniste. Une fois la pièce isolée du reste de l’appartement, il casse à coup de massue le mur extérieur et jette meubles et gravats dans la cour. Cette séquence aux allures de performance d’art contemporain dure plusieurs minutes. Elle consiste à transformer une pièce d’appartement en grotte sur cour. Piccoli transporte des pierres avec une brouette, fait du ciment et sculpte, comme le ferait un artiste, sa nouvelle habitation rudimentaire.
Le voici à présent heureux occupant d’une caverne à laquelle il accède par une échelle de corde depuis la cour de son immeuble. Son geste libérateur va en entraîner d’autres sur la même voie, à commencer par son voisin d’en face interprété par Coluche, qui l’imite en cassant lui aussi son mur de façade. Le néo-sauvage est rejoint par sa jeune soeur avec qui il entretient des rapports incestueux, ainsi que par un maçon envoyé pour reboucher le trou de la grotte, admirablement interprété par Patrick Dewaere. Le crescendo est atteint avec l’épisode des CRS capturés, brochés et dévorés par les néo-sauvages. C’est probablement la séquence qui rend aujourd’hui ce film infréquentable.
Le casting - composé de comédiens du Café de la Gare comme Miou-Miou, Patrick Dewaere, Romain Bouteille, Coluche, Henry Guibet qui souvent jouent plusieurs rôles Chroniques du déconfinement : Themroc de Claude Faraldo
Chroniques du déconfinement : Themroc de Claude Faraldo
24 avril 2020 Christophe Catsaros ICI
| Genre : poème barbare.
« C’est important de ne pas se soumettre au goût ambiant, au truc qu’il faut faire. Ce n’est pas parce que le cinéma coûte de l’argent qu’il faut faire autrement que si on écrivait des poèmes ou des trucs en liberté. » Ainsi parlait Claude Faraldo (1936-2008), cinéaste frondeur, à tendance anarchiste, et auteur d’une dizaine de films dont le plus connu reste Themroc, « hénaurme » fable anticapitaliste dans la veine de L’An 01, de Gébé et Doillon.
Aux côtés de la bande du Café de la gare (Romain Bouteille, Coluche, Miou-Miou, Patrick Dewaere), Michel Piccoli y incarne un peintre en bâtiment qui pète un plomb, se révolte contre l’absurdité du métro-boulot-dodo et régresse en homme des cavernes. Pour tenter de convertir ses voisins à la bestialité, il ira jusqu’à dévorer un CRS à la broche, appliquant au pied de la lettre les slogans bouffeurs de flics de Mai 68, dont les cendres encore tièdes attisent ce brûlot, qui n’hésite pas à en rajouter dans la provoc et la démolition systématique des tabous des bourgeois, sans épargner l’ordre moral des prolétaires, guère plus libérés en matière de mœurs. Hurlements de fornication et autres grognements constituent l’unique bande-son d’un film expérimental sans le savoir.