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7 octobre 2019 1 07 /10 /octobre /2019 06:00

 

Je passais par hasard chez Gallimard, rue du Bac, lorsque je suis tombé sur la couverture d’un roman noir publié par la maison de la rue Gaston Gallimard. Vraiment noire cette jaquette, très dans la grande tradition de la série noire, bien sûr je m’en saisis, le retourne pour consulter la 4e de couverture :

 

«Je connais bien la question algérienne. Je connais bien la police. Je ne veux pas être désobligeant avec vous, mais il y a des choses qui vous dépassent. L'intérêt supérieur du pays nécessite souvent que l'on passe certains événements, certaines personnes, par pertes et profits

 

Automne 1959. L'élimination d'un avocat algérien lié au FLN tourne au carnage. Toute sa famille est décimée. Antoine Carrega, ancien résistant corse qui a ses entrées dans le Milieu, Sirius Volkstrom, ancien collabo devenu exécuteur des basses œuvres du Préfet Papon, et Luc Blanchard, jeune flic naïf, sont à la recherche de l'assassin.

 

 

Une chasse à l'homme qui va mener ces trois individus aux convictions et aux intérêts radicalement opposés à se croiser et, bien malgré eux, à joindre leurs forces dans cette traque dont les enjeux profonds les dépassent.

 

Je demande à l’une des libraires si elle ou une ou un de ses collègues l’a lu ? La réponse est négative mais me dit-elle les retours sont bons.

 

J’achète !

 

Je lis.

 

Requiem pour une République débute le 15 septembre 1959 et se termine le 18 octobre 1961. Tout se déroule donc durant les années troubles les plus sombres de la Ve République.

 

Un avocat algérien, Bentoui, lié au FLN, est assassiné ainsi que toute sa famille, assassinat orchestré par le Préfet de Police, Maurice Papon, et savamment enterré par le 36, Quai des Orfèvres. Trois personnages centraux, aux opinions et aux caractères différents, veulent trouver l'assassin : Sirius Volkstrom, ancien collabo, manchot devenu exécuteur de basses œuvres pour Papon, Antoine Carrega, ancien résistant corse devenu convoyeur de drogue et Luc Blanchard, jeune policier assez naïf.

 

Chaque chapitre raconte une journée avec un de ces trois hommes comme personnage central. Ce sont bien sûr trois héros de fiction mais le talent de Thomas Cantaloube a été de leur permettre, lors de cette enquête, de rencontrer ou de croiser de vrais personnages politiques historiques : Mitterrand, De Gaulle, le Pen, Papon…

 

Ce qui en fait une fiction plus vraie que nature.

 

C’est un pavé mais il se lit avec plaisir car « remarquablement écrit, impossible à lâcher, Requiem pour une république mêle la rigueur d'un travail journalistique, la précision des faits, à des intrigues palpitantes, certes imaginaires, mais insérées habilement dans les faits historiques, totalement crédibles. »

 

« Thomas Cantaloube couvre l’actualité internationale de Mediapart depuis 2008. Requiem pour une république est son premier roman.

 

« Il a écrit là un polar à l'intrigue étourdissante, passionnant de bout en bout. Il emmène son lecteur dans une visite guidée des coulisses politiques du début des années 60, une présentation très documentée et édifiante des forces en présence, loin des images d'Épinal et de la propagande officielle. On est pas dans le combat du bien contre le mal, ses personnages principaux ont tous une part d'ombre et de lumière, même Sirius, un homme complexe, moins monolithique qu'il n'y paraît, moins en tout cas que Deogratias et Papon, constants dans l'ignominie la plus absolue, et les politiques, hypocrites de haut niveau, morale à la boutonnière et saloperies glauques dans la poche portefeuille. »

 

Sa rencontre avec le sénateur Mitterrand au placard, suite à l’attentat bidon de l’Observatoire qui est décrit dans le polar, dans son appartement de la rue Guynemer, est bien croquée, c’est du Mitterrand versus IVe pur jus, ambiguë, charmeur, jamais en reste de dérober.

 

Jean-Marie Le Pen, en jeune député poujadiste, égal à lui-même dans l'abject, Michel Debré, père de la constitution, premier ministre, protégé par les barbouzes du SAC.

 

Papon, préfet de police de Paris, est bien évidemment immonde.

 

Le SAC de Debizet, l’OAS, même le Pasqua de l’époque pastaga chez Ricard à Marseille.

 

La grande ratonnade des Algériens jetés à la Seine.

 

Le 18 juin 1961, près de Vitry-le-François, une bombe explose au passage du train Strasbourg-Paris, qui déraille, faisant 28 morts et 170 blessés.

 


 

L'attentat sera attribué à l'OAS, l'Organisation de l'Armée Secrète.

 

Mais aussi un Paris à jamais disparu.

 

Requiem pour une République par Cantaloube

 

Et, surprise, je blague, Télérama adore.

 

Michel Abescat Telerama n°3604

 

 « L’évidence du plaisir que l’auteur, par ailleurs journaliste, a pris à écrire son roman, emporte le lecteur. Libre de multiplier les angles, libre de combler les silences et les non-dits de l’Histoire, libre de faire vivre ses personnages, réels ou imaginaires, libre de reconstituer les atmosphères délétères de ce Paris des premières années de la Ve République qu’il met en scène, le romancier jubile. On le suit ainsi, aspiré par le souffle de ce texte au long cours, étonnant de maîtrise pour un premier roman. Tout commence en 1959 par l’assassinat d’un avocat algérien, proche du FLN, et s’organise autour de trois personnages à la recherche du meurtrier. En particulier un jeune flic novice qui va vite découvrir les coulisses de la préfecture de police dirigée par Maurice Papon.

 

Le roman court jusqu’en 1962. On y croise Michel Debré, François Mitterrand, dans quelques scènes hautement savoureuses, Jean-Marie Le Pen, Jean-Pierre Melville. On voit passer l’attentat de l’OAS contre le Strasbourg-Paris aussi bien que l’enterrement de Céline. On y voit surtout une France empêtrée dans la mémoire de la guerre où d’anciens collabos sont encore aux manettes. Et l’avidité néocoloniale pointer derrière l’indépendance algérienne à peine signée. C’est passionnant, formidablement vivant, solidement composé, romanesque autant que documenté. Une superbe réussite, dans la grande tradition de la Série noire. »

 

| Ed. Gallimard, coll. Série noire, 544 p., 21 €.

 

EXTRAIT

 

« Deogratias avait toujours aimé parler. Alors il causait, et Sirius écoutait.

 

Après avoir échangé les platitudes d’usage sur leur santé, leurs parcours respectifs ces dernières années et le devenir de telle ou telle connaissance, Deogratias se lança dans un de ses soliloques sur « l’état des choses ». Ça pouvait concerner la marche du monde, la politique, les affaires, les juifs, les Arabes, les Allemands, les Américains, les guerres, la bombe atomique, les jeunes dégénérés d’aujourd’hui, l’équipe de France de foot conduite par un mineur polak, les chevaux de course imprévisibles… mais, au final, il s’agissait toujours de lui. De lui, et de ses intérêts.

 

- … et maintenant, avec de Gaulle et Papon, c’est fini de déconner. On ne va plus se laisser emmerder par ces crétins de politicards qui ne savent pas ce qu’ils veulent. La guerre, ils vont l’avoir ! Tu as été en Algérie, toi, tu as vu. Si les Bougnoules pensent qu’ils vont nous faire partir, qu’ils aillent se faire enfiler bien profond ! Et leurs congénères en métropole, s’ils veulent nous intimider, ils vont trouver à qui parler !

 

Avec Sirius, Deogratias se lâchait. Quand il était en confiance, il délaissait ses manières de bureaucrate ambitieux. Ses petites lunettes rondes cerclées d’écaille lui glissaient sur l’arête du nez et il faisait des moulinets avec ses bras. Il lissait régulièrement sa fine moustache pour ôter les traces de sueur qui perlaient dans les poils. Volkstrom était prêt à parier que si un fonctionnaire de la préfecture était entré à ce moment-là dans la pièce, il n’aurait pas reconnu « monsieur le directeur adjoint du cabinet du préfet de police de paris ».

 

Sirius remarqua qu’il avait pris du poids. Deogratias était désormais gras. La toile de son costume trois pièces, certes bien coupée, était tendue. Il avait toujours ressemblé à une petite fouine, mais son embonpoint le rapprochait désormais du hamster. Un hamster au regard vicieux. » (p. 22-23)

« Le cinéaste Jacques Rivette avait défini il y a longtemps (je ne me rappelle plus où j’ai lu cela) les critères d’un bon film, de son point de vue en tout cas : un film qui dit à la fois quelque chose du cinéma et quelque chose du monde. On peut facilement transposer cette citation à la littérature. C’est ce que j’ai essayé de faire avec mon premier roman. »

 

Thomas Cantaloube

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commentaires

P
C'est ballot ça, un conseil de lecture de ce qui semble être de quoi m'éloigner de la Télé pour un bon bout de temps, un lundi matin, alors que par chez nous les magasins sont fermés ce premier jour de la semaine ! Je ne sais pas pourquoi cela me rappel l'histoire de ce copain qui n'aimait pas les filles qui couchent le premier soir. Tu comprends ,disait il, il faut attendre tout l'après midi.
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J
maintenant il va me falloir programmer la date de parution de mes critiques littéraires en fonction de Pax... je suis trop bon...

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