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31 août 2018 5 31 /08 /août /2018 06:00
Le châtaignier en Corse, sous Louis XV, était soupçonné de permettre aux populations rebelles de subsister en autarcie mais également de favoriser la paresse…

Le châtaignier est endémique en Corse, mais c'est à partir du XIIe siècle que la culture du châtaignier se développe. La Corse, qui est alors gouvernée par Pise entre 1077 et 1299, intègre des techniques agricoles toscanes. La conquête de l'île par Gênes, à partir du XVIe siècle, va donner un nouvel essor à la castanéiculture surtout dans le nord, le Pomonte ou Deçà des Monts. L’arbre bénéficia d’incitations à la plantation dès le XVe siècle et surtout de la politique de la Coltivatione mise en place par la Sérénissime sous l’égide de son commissaire à l’agriculture Francesco Maria Giustiniani.

 

Les montagnards de cette région, qui vivaient jusqu'alors de la culture des céréales et de l'élevage, vont subir une révolution de leur système agricole imposée par les Génois. Le gouverneur, signa le 28 août 1548, une ordonnance qui imposait aux propriétaires et aux fermiers « de planter chaque année quatre arbres fruitiers, figuier, olivier, mûrier et châtaignier, sous peine de trois livres d'amende pour chaque arbre non planté. ». Dans le Deçà des Monts, la future Castagniccia, les cultures céréalières disparaissent rapidement.

 

 

Une nouvelle ordonnance, datée du 12 novembre 1619 imposa à chaque propriétaire ou tenancier de planter au moins dix arbres. Le 2 décembre 1626 ordre fut donné de faire semer une centaine de châtaignes dans chacune des circonscriptions nobiliaires de l'île, les plants obtenus étant destinés à être replantés dans des terroirs favorables. Vingt ans plus tard, une dernière ordonnance fut édictée, le 25 janvier 1646 donnant ordre de planter dix châtaigniers avant la fin du mois de mai, il est explicitement notifié que ces pépinières devront être protégés du bétail.

 

Celui que l’on a coutume d’appeler arbre à pain ne bénéficia pas toujours  d’un regard favorable surtout auprès des autorités et des commentateurs extérieurs.

 

Le 22 juin 1771 le Roi Louis XV interdisait la plantation de châtaigniers afin de ne pas empiéter sur les terres susceptibles d’être ensemencées ou réservées à d’autres espèces. Il était soupçonné de permettre aux populations rebelles de subsister en autarcie mais également de favoriser la paresse, une bonne récolte pouvant satisfaire pour un an les populations bénéficiant de ses fruits.

 

  • Mémoires historiques sur la Corse par un officier du régiment de Picardie : 1774-1777

 

« … la grande abondance de châtaignes qu’ils cueillent sans peine et sans culture les dispense de travailler la terre, et pour l’ordinaire, ces peuples ne sèment de leurs terrains que ce qui leur est absolument nécessaire pour l’entretien de leur famille. » page 164

 

  • J.G.-M. Le Bon de Beaumont, observations sur la Corse 1824

 

« … la première châtaigne corse a dû sortir de la boîte de Pandore. L’abondance presque continuelle de cette denrée perpétue le goût de l’oisiveté, c’est-à-dire le plus grand fléau des nations. L’ouragan qui détruirait tous les châtaigniers de l’île y causerait d’abord une détresse cruelle ; dans quelques années il serait béni parce qu’il aurait remis le travail en honneur et placé l’agriculture au rang qu’elle doit occuper. En attendant la châtaigne se laisse cueillir et les champs sont en friche. » page 136

 

  • Cinquième lettre de M. Grégoire Paléologue. Il s’agit de 6 lettres où l’auteur raconte ses tribulations dans l’exploitation du domaine du Comte Pozzo di Borgo aux environs d’Ajaccio

 

« … il n’y a que le châtaignier qui soit multiplié par l’homme, et c’est parce qu’il constitue la base de la nourriture du montagnard corse, dont j’attribue l’indolence à la ressource que cet arbre lui présente. La culture  du châtaignier demande peu de peine et de soin, et son fruit séché et réduit en farine offre une nourriture saine et agréable. Aussi le Corse qui possède trois ou quatre pieds de cet arbre, ne se soucie guère d’aller travailler que lorsqu’il n’a plus de châtaignes. Ainsi je suis porté à dire que c’est un bonheur que le châtaignier ne se soit pas multiplié dans cette île, et qu’il n’y en a guère dans mes environs. » pages 460-461

 

Reprenant ces arguments Arrighi de Casanova Mémoire statistique du Département du Liamone adressé à Son Excellence le ministre de l’Intérieur d’après ses instructions par M. Hyacinthe Arrighi Préfet de ce département, « la manie d’enfanter des paradoxes égara un politique du dernier siècle au point de le porter à imprimer que pour forcer les montagnards à quitter leurs incommodes habitations et à venir peupler et cultiver les fertiles plaines des bords de la mer le moyen le plus efficace serait d’abattre tous les châtaigniers. Cette idée est assurément des plus singulières et son exécution absurdité à part, produirait à coup sûr un mal grave et réel pour l’espérance d’un bien à venir très douteux. On pense au contraire qu’on ne saurait jamais assez propager une plantation d’une utilité si générale. »

 

Un document du ministère de l’Intérieur sous la Restauration décrit le statut de l’arbre : « Dans l’intérieur des terres le châtaignier est pour ainsi dire l’arbre sacré. Son fruit assure la nourriture des deux tiers de la population. Il en existe des forêts immenses. »

 

Pascal Paoli déclarait : « Tant que nous aurons des châtaignes, nous aurons du pain ! »

 

Source : les productions alimentaires en Corse 1769-1852 Philippe Pesteil éditions Alain Piazzola

 

 

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