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6 septembre 2018 4 06 /09 /septembre /2018 06:00
Journal d’une adorable vieille dame de campagne, « Un clafoutis aux tomates cerises » qui nous donne envie de vieillir, du bonheur en mots…

« Je m’appelle Jeanne. J’ai quatre-vingt-dix ans… »

 

Elle est née à Paris, elle vit dans l’Allier, dans une maison isolée à 5 km de Bert (voir carte)

 

 

« … je suis plutôt bien conservée, je fais même illusion. De loin, je fais même illusion, je me tiens droite et mes chevilles sont fines. Même si je prends de plus en plus souvent ma canne, ma démarche reste alerte et, au téléphone, on me dit que j’ai une voix de jeune fille. Bien sûr, avec les années mon visage s’est chiffonné, mais j’ai toujours le teint rose et mon regard sait encore s’allumer et pétiller, surtout après un petit verre de vin blanc ou une coupe de crémant. *»

 

Crémant d’Alsace, sans doute pour faire plaisir à Pax.

 

« Finalement, à bien me regarder, je me trouve potable. »

 

« J’ai toujours aimé le naturel. J’étais blonde, mes yeux étaient clairs et mon teint celui d’une Anglaise. »

 

Jeanne et sa petite factrice qui, en dépit des instructions officielles, continue de lui porter ses lettres chez elle sur la table d’entrée où Jeanne laisse à son intention les enveloppes timbrées ou l’argent pour les timbres. Quand Jeanne est en bas, elles papotent.

 

« Les trains ne passent plus à Lapalisse et une à une les boutiques ferment, à cause des deux supermarchés qui se sont installés il y a quelques années. »

 

« Vivre toute seule m’est égal. D’abord je ne m’ennuie jamais… »

 

Jeanne n’est pas complètement isolé car il y a tout à côté Fernand et Marcelle, lui qui n’a pas son permis enfourche sa mobylette, une Peugeot grise pétaradante avec deux vieilles sacoches accrochées au porte-bagages ; elle roule en 2 CV.

 

« Ils sont tout le temps là. Ils ne partent pas en vacances, ne sont même jamais allés à Paris et ne voient pas l’intérêt de s’aventurer au-delà de Lapalisse. »

 

Jeanne a aussi de bonnes amies : Gilberte, Nine et Toinette… avec qui elle joue au bridge, petits goûters, déjeuners et toujours un petit verre de vin.

 

Jeanne conduit sa petite auto.

 

Jeanne a un potager avec un jardinier qui s’en occupe de temps en temps. « J’aime tellement ramasser les asperges ! C’est très amusant, il faut avoir l’œil pour dénicher leur nez blanc, puis creuser la terre avec la gouge, descendre doucement le long de la tige en veillant bien à ne pas la casser.

 

« Á nos âges, nous sommes comme de vieux arbres. Le beau temps nous ranime doucement, nous reverdissons un peu, même si c’est un peu moins chaque année. Et la douceur des jours nous donne une illusion d’éternité. »

 

Il y aussi sa femme de ménage, la petite Angèle miraculeusement guérie de ses rhumatismes « elle serait allée voir « quelqu’un », c’est très mystérieux. »

 

Son René, agent d’assurances est parti depuis longtemps.

 

Jeanne a deux enfants, un garçon, l’aîné, à la retraite, qui a trois enfants et cinq petits-enfants, et une fille venue sur le tard qui a deux garçons adolescents.

 

Sa fille, est une adepte du riz basmati, du vinaigre balsamique, de la fleur de sel, ce qui fait bien sourire la Jeanne.

 

« Tout doucement, mon petit monde  se dépeuple. Autour de moi, les gens meurent et les maisons se vident. »

 

« Il y a quelques années,  c’étaient surtout les hommes qui partaient retrouver le bon Dieu. Depuis peu, les veuves commencent aussi à s’en aller. »

 

Quand elle a un petit coup de moins bien, Jeanne s’offre un remontant « Heureusement, j’ai toujours une bouteille de muscat au frais. »

 

Jeanne ne porte jamais de pantalon.

 

Jeanne va à la messe.

 

« Je me fais un peu penser à une bouteille d’eau minérale dont on aurait fait fondre le milieu en y nouant un ruban chauffant. »

 

« Á mon âge, il faut se faire une raison. On n’habille plus le corps, on le cache. »

 

« Depuis la semaine dernière, les enfants sont en vacances. D’ailleurs, ils sont très souvent en vacances. Ils ne travaillent pas beaucoup, ce n’est pas étonnant qu’ils ne sachent plus rien. »

 

Jeanne adore faire du veau aux carottes pour ses amies, elle descendra à la cave pour y chercher une bouteille de vin blanc.

 

Comme moi Jeanne n’aime pas le lait.

 

« Je n’ai pas non plus d’eau minérale. Encore une manie de Parisiens »

 

« Lorsque j’ai pour la première fois embrassé un garçon sur les lèvres, j’avais vingt-trois ans et je l’ai épousé. »

 

« Á la pension, nous vivions confites dans l’eau bénite. »

 

Pour son enterrement Jeanne voudrait « … une jolie messe avec de la belle musique, et que ce ne soit pas triste… »

 

« On ne s’ennuie qu’avec les autres, jamais avec soi-même. »

 

« Pour me rassurer je me dis que, quand on a jamais eu de tête, on ne peut pas la perdre. »

 

L’auteur. Véronique de Bure est éditrice. Son premier roman, Une Confession, a reçu un bel accueil de la critique. Avec son deuxième roman, Un clafoutis aux tomates cerises, elle revient sur ses origines bourbonnaises

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commentaires

P
Bravo et merci. Voila relaté, avec charme et simplicité ce que peut être une vie à la campagne.Celle qui étonne nos amis qui ne comprennent pas comment on a pu aller s'enterrer à Lutzelhouse ( 30 ' de Strasbourg - ou nous n'allons plus que très rarement - tant on trouve dans telle ou telle bourgade avoisinante ce qui pourrait nous manquer comme une librairie. Alors que les citadins prennent d'assaut les terrasses dès les premiers ou derniers beaux jours, je dine dans mon jardin plein sud face à la montagne ou il nous plait de repérer , au petit matin, la ligne des 700 m qui se dessine quand la météo, la veille, a annoncé : neige au dessus de 700 m. Quand au service publique de la poste, loin des diktats des crânes d'oeufs réformateurs effrénés , les relations avec la factrice sont effectivement celles décrites par Jeanne : prise en charge du courrier à poster, avis de passage d'un RAR mais représentation le lendemain car on connait l'heure de la tournée et on la guettera. " C'est du bonheurs en mots" équivalent littéraire et qui 64 après lui donne raison du " Que la Montagne est belle " ( 1964 ) de Jean Ferrat chantant l'Ardèche ou il avait élu domicile .<br /> Ils quittent un à un le pays<br /> Pour s'en aller gagner leur vie<br /> Loin de la terre où ils sont nés<br /> Depuis longtemps ils en rêvaient<br /> De la ville et de ses secrets<br /> Du formica et du ciné<br /> <br /> Les vieux, ça n'était pas original<br /> Quand ils s'essuyaient machinal<br /> D'un revers de manche les lèvres<br /> Mais ils savaient tous à propos<br /> Tuer la caille ou le perdreau<br /> Et manger la tomme de chèvre<br /> <br /> refrain:<br /> Pourtant que la montagne est belle<br /> Comment peut-on s'imaginer<br /> En voyant un vol d'hirondelles<br /> Que l'automne vient d'arriver?<br /> <br /> Avec leurs mains dessus leurs têtes<br /> Ils avaient monté des murettes<br /> Jusqu'au sommet de la colline<br /> Qu'importent les jours, les années<br /> Ils avaient tous l'âme bien née<br /> Noueuse comme un pied de vigne<br /> <br /> Les vignes, elles courent dans la forêt<br /> Le vin ne sera plus tiré<br /> C'était une horrible piquette<br /> Mais il faisait des centenaires<br /> A ne plus savoir qu'en faire<br /> S'il ne vous tournait pas la tête<br /> <br /> refrain<br /> <br /> Deux chèvres et puis quelques moutons<br /> Une année bonne et l'autre non<br /> Et sans vacances et sans sorties<br /> Les filles veulent aller au bal<br /> Il n'y a rien de plus normal<br /> Que de vouloir vivre sa vie<br /> Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires<br /> De quoi attendre sans s'en faire<br /> Que l'heure de la retraite sonne<br /> Il faut savoir ce que l'on aime<br /> Et rentrer dans son H.L.M.<br /> Manger du poulet aux hormones
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