… toujours prêts à se partager en factions, [les Corses] veulent la victoire à tout prix. […] Ennemis dans leur patrie, ils sont, hors de leur patrie, amis comme des frères. Avides de changement, ils préfèrent la guerre à la paix ; s’ils n’ont point d’ennemi étranger à combattre, ils cherchent à faire naître la guerre civile. D’une très grande agilité, d’un esprit turbulent, ce qu’ils estiment le plus, ce sont les chevaux de guerre et les armes. À cheval et à pied, ils sont également bons soldats ; ils aiment la guerre et sont pleins de bravoure… […] Vainqueurs, la gloire leur suffit. […] Les Corses sont une race saine de corps, dure à la fatigue, à la faim, au froid, aux veilles ; toujours prêts à verser leur sang, d’une sobriété sévère et inflexible, ils mangent peu, et leur boisson et leurs aliments sont fort communs ; leur mise est simple et sans recherche. Une partie des Corses cultivent la terre, d’autres élèvent des troupeaux, d’autres enfin se font marins ; le plus grand nombre embrasse la carrière des armes soit dans l’île, soit hors de l’île. Bien peu s’adonnent au commerce, parce que les commerçants sont peu considérés. En effet, aucun noble ne fait le négoce ; les plus instruits s’occupent des affaires publiques et administrent la justice. Comme ils ambitionnent avant tout la gloire et les éloges, ils font peu de cas de l’or et de l’argent ;
« […] le vrai noble chez eux est celui qui reçoit beaucoup d’hôtes et qui ouvre sa maison à une foule de personnes de toute condition. Les Corses sont en effet le plus hospitalier de tous les peuples ; […] ils reçoivent avec empressement tous les étrangers et leur accordent la plus large hospitalité […]. Les Corses, élèves de la pauvreté, hôtes de la vertu, se montrent compatissants envers tout le monde ; c’est en restant fidèles aux principes austères de leur éducation qu’ils conservent à la fois leur pauvreté et leur générosité du cœur. En fait d’argent, il n’est guère de Corse qui n’ait des ressources très limitées, et même dans les principales maisons, c’est la maîtresse du logis qui préparent les aliments. Naturellement taciturnes, les Corses sont plus prompts à agir qu’à parler.
De Rebus corcisis, 1506
Pietro Cirneo (1447-1506) historien de son île
Commentaire de Robert Colonna d’Istria dans Une famille corse 1200 ans de solitude : « Justesse et modernité troublante »
« Lorsque, au début de l’ère chrétienne, Strabon déclare son mépris pour les mauvais esclaves corses, qui préfèrent la mort à la servitude, les insulaires n’ont-ils pas là quelque légitime sentiment de fierté ? C’était le sentiment de Napoléon, selon le rapport de Las Cases (propos datés du mercredi 29 mai 1816) : « À Paris, on disait au Sénat que la France avait été chercher un maître chez un peuple dont les Romains ne voulaient pas pour esclave. « Le sénateur a pu vouloir m’injurier, disait l’Empereur, mais il payait là un grand compliment aux Corses. Il disait vrai ; Jamais les Romains n’achetaient d’esclaves corses ; ils savaient qu’on n’en pouvait rien tirer ; il était impossible de les plier à la servitude »