Sur Twitter Marcel Sel (@marcelsel) de Bruxelles
Un Français me disait ce matin : « on croyait que les Belges étaient super sympas, on découvre qu'ils sont super rancuniers en fait ». Oui, ça se remarque.
La vie est Belge @Marjoriecolot6
La France a gagné une étoile sur un maillot...
La Belgique a gagné le respect du monde entier...
La France parle d’elle-même, le monde entier parle de la Belgique
La France championne du Monde: comment la presse étrangère a salué le sacre des Bleus
Un potard ventripotent outre-quiévrain, même pas belge, qui n’a sans doute jamais couru derrière un ballon rond, à même lâché : la France une petite équipe...
Quelle aigreur !
Moi qui ai tété le lait du jeu à la nantaise, celui orchestré par José Arribas puis par Jean-Claude Suaudeau, joué par un Henri Michel fidèle, que n’ai subi les lazzis de ceux qui m’envoyaient à la gueule que les Canaris n’avaient jamais décrochés de timbales internationales.
Le football est un sport d’équipe qui se joue dans le cadre de règles codifiées, avec des arbitres, cette « petite équipe » de France a-t-elle trichée ? A-t-elle cassée du tibia ? A-t-elle pervertie l’esprit du jeu ?
La réponse est non.
Elle a joué son jeu, pourquoi diable les défenseurs ne sont-ils jamais à l'honneur ?
Jules Rimet, l’inventeur de cette Coupe du Monde, voulait que « les hommes puissent se rencontrer en toute confiance sans haine dans leurs cœurs et sans insultes sur leurs lèvres ».
Le fair-play n’est pas inscrit dans l’ADN de certains de nos voisins, je le regrette. Libre à eux de nous trouver arrogants, donneurs de leçons, nombrilistes mais de grâce qu’ils ne profitent pas d’une compétition sportive pour déverser leur bile.
Oui la Belgique, et plus encore la Croatie, étaient de belles équipes, je l’ai écrit et j’aurais applaudi si l’une ou l’autre avait décrochée la timbale.
Mais n’en déplaise aux mauvais perdants cette équipe de France a gagné c’est que c’était une équipe solidaire, soudée et ce n’était pas couru d’avance avec la collection d’individualités talentueuses et cotées sur le marché.
Coupe du monde 2018 : « En route, les gars, on y va tous ensemble », par Pierre Georges
L’ex-journaliste du « Monde », Pierre Georges, qui a couvert plusieurs Coupes du monde, traduit mieux que je ne le ferais, comment cette « classe turbulente et vivante », cette « génération surdouée » en est arrivé là.
LE MONDE | 16.07.2018
Dans le fond, ce fut comme une révélation. Hilarante et en même temps dantesque. Dans ce fameux stade de Moscou, Poutine avait convié ses hôtes, non pas pour leur asséner, comme chaque soir de match, un admirable concerto de piano mécanique. Non, là, c’était autre : la grandiose remise des prix à la cérémonie Vladimir. Une vraie de vraie avec fanfare, collection de médailles, distribution de diplômes et coupes annexes, buteur espoir du siècle, Ballon d’or jusqu’à la fin des abonnements à vie, sauf trépas sportif. Et, bien sûr, la fameuse Coupe en or massif de la « Maison Jules Rimet, Paris », dont tout pratiquant rêve avant même l’idée de puberté. C’est dire l’horreur de la dépendance, et planétaire celle-là.
Notre tsar, incontestablement ravi de l’issue négative pour les Croates, ceux-là mêmes qui avaient éliminé sa Russie, les vit prendre l’ultime potion. Et ce fut pour ainsi dire une alliance franco-russe. Un gang de gamins, Français de partout et fiers de l’être, avait décidé, comme des jeunes, comme une équipe, d’arrêter les conneries, les déguisements, les trajectoires égoïstes de futures idoles des foules, de contrats en pétrodollars et de vie de nabab. Ne serait-ce qu’un moment, ils avaient juré d’aider leur pays à être le pays, la France leur France et réciproquement. Ensemble, faisons un bout de chemin, un bout de bonheur de vivre.
C’est un pari de jeunes, le pari d’une génération. C’est un pari de « ouf », diraient-ils. Essayer, comme l’avait écrit un jour Jean Lacouture (1921-2015), de « péter contre le tonnerre ambiant ». Le faire taire un peu, ce malheur collectif que les crétins, augures et prédicateurs, les racistes, les prévisionnistes des mille et une plaies, de la décadence garantie sur avenir et de l’endettement sur commande. Et d’ailleurs, ce pet fit tellement de bruit qu’il finit par estourbir l’orage, qu’on n’ose imaginer croate. Et qu’à la place, on vit le plus joyeux monôme de footballeurs français, déguisés en sac à Coupe aller chercher pour leur génération, l’immense majorité des jeunes Français, un moment d’autre chose que la sinistre assignation à la morosité contemplative : le bonheur.
L’équipe chantait au départ comme elle dansait à l’arrivée
Laissons Poutine et sa garde récupérer, mais un peu tard, des parapluies pour sauver ses hôtes. Laissons Trump, gougnafier de première, laisser la reine d’Angleterre rissoler sept minutes en plein cagnard, passer la garde en revue avant elle et faire une sorte de sacrilège photographique en un musée royal. Ces gens-là sont hors de notre espérance commune.
Ici, un aveu hors de toute modestie : savez-vous comment j’ai imaginé que la France pouvait gagner cette Coupe du monde ? En observant le car, leur car. Ce n’était pas un car à l’américaine, façon school, mais plutôt un car de sécurité en pur blindage. Et, après chaque match, en route vers un hôtel genre forteresse de luxe. Et immanquablement, au départ comme à l’arrivée, l’équipe chantait au départ comme elle dansait à l’arrivée, le personnel au garde à vous au début, hilare et joyeux. Des gens en route vers la félicité, et dans le rire le plus partagé. Signe infaillible de rêve. Pour tout dire cela ne ressemblait pas à un car sud-africain où d’autres s’étaient constitués prisonniers à leur propre connerie collective.
Et puis, deuxième signe infaillible : le sort fait aux deux sélectionneurs, Aimé Jacquet et Didier Deschamps, en ligne de mire, l’un comme l’autre, limogeage maintenant ou demain. Bref, le procès permanent fait par des millions de sélectionneurs, gens de métier ou gens de bistrot, agents d’influence, et tous ceux qui se croient oints de la sainte huile footbalistique. C’est la nature même de la passion dévorante du football. Seulement, voilà : Aimé Jacquet a gagné la Coupe du monde en 1998 et occi les cabalistes. Et Didier Deschamps vient de suspendre au lustre moscovite la coalition de ses tourmenteurs. 2 à 0, en bonne arithmétique de nos enfants de France !
Mœurs de satrape et procès de fronde
On a tout dit, et tout prédit, sur Deschamps : que sa sélection était bancale, que sa visée de jeu n’était pas optimiste, mais Rapetout, point après point, marche après marche. On lui a lancé dans les pattes – et là, c’est de l’infamie – une hypothèse Zinedine Zidane, libre de Madrid et supposé libre pour l’équipe de France. On a organisé, en plein début du Mondial, des sondages : chers Français de France, qui préférez-vous comme sélectionneur national ? Zizou répondit la foule. Et bien, patientez un peu, on embaumera le défunt au premier quart de finale venu, et vive Zizou !
Voilà ce joli monde tel qu’il va, avec ses mœurs de satrape et ses procès de fronde. Et voici en face le grand mystère qui nous réjouit ce jour : comment Didier Deschamps a-t-il réussi à convaincre ses jeunes Marie-Louise et ses quelques vieux briscards de se fédérer, d’être vingt-trois au début et vingt-trois à la fin, de leur dire, en somme, « en route, les gars, on y va tous ensemble, je ne peux pas vous promettre de tous jouer, mais de vivre un bonheur commun » ?
Il s’agit, sans aucun doute, du vrai triomphe d’un pédagogue et, derrière lui, d’une ribambelle d’enseignants, de parents, d’éducateurs, de formateurs. Et puis une chose insensée, la découverte d’une génération formidable et surdouée. Mais il ne faut pas exclure une extraordinaire évolution du pédago lui-même, au contact de cette classe turbulente et vivante. Oui, il n’est pas exclu d’imaginer que Deschamps ait été parmi les premiers à avoir vu bouger le bonheur sous leur pied. Et qu’il en soit devenu, à sa manière rude et tendre, « tout chose ».
Une femme entrée sur le terrain salue le Français Kylian Mbappé, les Pussy Riot ont revendiqué cette invasion de terrain.
Rarement en maîtrise lors de la finale contre la Croatie, les Bleus ont fait la différence sur des inspirations individuelles. L’analyse des « Cahiers du football ».
Une frappe enroulée de Pogba après des jongles de Griezmann dans la surface. Un missile à rebonds de Mbappé dans la foulée d’une percée d’Hernandez. Et deux coups de pied arrêtés, un coup franc et un penalty obtenu sur corner. Les quatre buts français, mélanges de talent individuel et de savoir-faire sur coups de pied arrêtés, résument bien mieux les forces tricolores que le contenu d’une finale jamais vraiment maîtrisée, loin de la force tranquille dégagée ces dernières semaines.
Ce qui ne change évidemment rien au résultat : un deuxième titre mondial indiscutable, remporté par des Bleus qui sont les premiers à boucler la phase finale sans jouer de prolongation, depuis le Brésil en 2002. Et rend particulière toute froide analyse d’un match qui vaut avant tout pour son aspect historique. Comment s’attarder sur le rapport de force, souvent en faveur de Croates qui ont su maximiser leurs forces, sans émettre des réserves forcément inaudibles après un tel succès ? Et que tirer d’une lecture tactique qui, ce Mondial désormais terminé, ne peut même pas servir à prévoir la réussite future ?
La réponse la plus simple, et qu’on peut d’ailleurs trouver parfaitement rassurante, est que le football appartient aux footballeurs. Que, peu importent les forces et faiblesses d’une stratégie, la qualité finit souvent par l’emporter. Mais aussi que, dans la lignée des trois sacres européens d’affilée du Real Madrid, la Coupe du monde a confirmé une tendance lourde : les compétitions à élimination directe, traditionnellement plus imprévisibles que les championnats, finissent tout de même souvent par sacrer les équipes qui possèdent le meilleur effectif. Ou, plus exactement, celles qui possèdent le plus de talent aux deux extrémités du terrain.
Analyse de Didier Deschamps : « On a des imperfections, aujourd’hui [dimanche] on en a eu aussi, on n’a pas tout bien fait mais on a fait preuve de qualités mentales et psychologiques déterminantes dans cette Coupe du monde où la maîtrise n’a pas suffi. » Qu’il semble loin, ce sacre espagnol de 2010 construit autour d’un milieu qui confisquait le ballon mais avec peu de tranchant à l’approche de la surface…
Fébrilité inhabituelle
On l’a écrit tout au long de ce Mondial, c’est la solidité de la charnière Varane-Umtiti, pourtant pas toujours rassurante lors des matchs de préparation, qui permettait à l’équipe de France de jouer aussi bas pour contre-attaquer, une stratégie que la vitesse de Mbappé rend létale. Encore une fois, et malgré quelques moments de flottement avec le ballon en première période, les défenseurs centraux ont répondu présent, le Madrilène battant même le record historique de dégagements défensifs sur l’ensemble de la compétition (44). Dans l’autre camp, et là aussi la finale n’a fait que confirmer ce qui se passe depuis un mois, la Croatie a failli sur coups de pied arrêtés, elle qui avait déjà encaissé quatre buts sur cette phase avant les deux de dimanche.
Dans cette finale, on a d’abord vu la difficulté de l’équipe de France à gérer un 4-3-3 avec trois milieux techniques, elle qui se retrouve en infériorité numérique dans l’entrejeu si son 4-2-3-1 n’est pas renforcé. Etiré par Modric et Rakitic, qui venaient demander les ballons de manière basse et écartée, le bloc français s’est distendu, la position des stars croates empêchant de poser un calque défensif où le marquage serait naturel. Tantôt libres, tantôt pris par un adversaire sortant de sa position et ouvrant un espace, les dépositaires du jeu croate ont ainsi pu trouver des solutions, à commencer par Perisic, logiquement vainqueur de nombreux duels face à Pavard.
On a aussi vu une fébrilité inhabituelle, probablement liée à l’enjeu, qui relativise les limites du plan de jeu initial. Si la Croatie, très agressive à la perte de balle, a privé les Bleus de temps, il a manqué la maîtrise technique à la relance. Ces fameuses séquences où, en quelques secondes, Pogba et Griezmann réussissent grâce à des redoublements d’une folle précision à se libérer de l’étau pour lancer Mbappé. En difficulté pour récupérer les ballons et incapables de se donner de l’espace quand ils y arrivaient, les hommes de Didier Deschamps ont alors endossé un drôle de costume : celui de l’équipe de contre qui ne peut pas contrer.
Malgré tout, le score était de 2-1 à la pause, et le but encaissé était venu d’une séquence hautement improbable, enchaînement de duels aériens perdus par une équipe habituellement intraitable dans le domaine. Mener sans briller, mais mener quand même. D’où ces mots de Didier Deschamps après la rencontre : « Les équipes avec le plus de possession ont pratiquement toutes été punies par des attaques rapides, parce que c’est le foot. Si vous savez bien défendre, vous êtes sûr que vous aurez deux ou trois occasions à chaque match, en contre ou sur coup de pied arrêté. » La construction par la défense, rationnalisée par une théorie voulant que toute équipe finisse tôt ou tard par se procurer des situations de but. L’histoire a donné raison au coach des Bleus, d’autant que le troisième but a largement rééquilibré le rapport de force, la Croatie accusant le coup physiquement et psychologiquement.
Deschamps, pas idéologue
Pas idéologue, le technicien aura essayé et jamais hésité à rectifier le tir, quitte à en faire un implicite aveu d’échec sur le moment. Du changement de système après un premier match raté à la sortie d’un Kanté redevenu humain en finale, Deschamps aura prouvé sa capacité à lire les situations et à rectifier les problèmes, rappelant au passage que le projet de jeu n’a finalement pas besoin d’être spectaculaire et ancré dans l’ADN d’une sélection pour fonctionner. Ces Français qui alternaient entre contres et attaques placées à l’Euro 2016 sont cette fois allés au bout d’une idée réactive, masquant leur manque de créativité avec le ballon face à une défense regroupée par le fait de le laisser et de jouer en transition. Les 34 % de possession en finale sont d’ailleurs le plus faible chiffre enregistré par une équipe à ce stade depuis 1966 et l’apparition des statistiques.
Alors il faut féliciter Deschamps, évidemment. Et d’autant plus après les critiques, souvent justifiées tant son équipe a parfois déjoué, mais parfois systématiques, comme si bâtir sur la défense (quand c’est bien fait) était un péché. Mais ce titre mondial, au-delà d’être celui de l’entraîneur, est celui d’un modèle de formation. De compétences d’éducateurs un peu partout dans l’Hexagone qui permettent à une équipe de 25 ans de moyenne d’âge d’être championne du monde en débutant sans un ailier de Barcelone et un milieu du Bayern, et sans même emmener en Russie l’attaquant du Real. Et qui, dans les années futures, pourrait être renforcée par Lenglet ou Laporte derrière et Aouar ou Ndombele au milieu, pour ne citer qu’eux.
En faisant sortir des joueurs de leur zone de confort (Pavard latéral, Pogba dans un rôle très discipliné, Griezmann en quasi-numéro 10), le sélectionneur a pris un risque. En acceptant la mission, qui n’était pas forcément de nature à les faire briller individuellement, les joueurs l’ont suivi. Au lieu de se brider, ils ont su se cadrer, séquencer leurs fulgurances. Ils sont désormais champions du monde. Sans rien à prouver mais avec encore tellement à gagner. Joueur, Deschamps avait soulevé le trophée l’année de ses 30 ans. Mbappé ne les aura pas encore au Mondial 2028…
Christophe Kuchly, journaliste pour les Cahiers du football