Selon la version du clan des femmes, que je n’ai jamais contestée, je suis né, un 12 juillet, en fin de matinée, dans un chou, au lieu-dit le Bourg Pailler, à l’entrée du bourg, au bord de la nationale, un ancien relais de poste aux murs épais imprégnés de salpêtre. Bien plus tard, je ne sais quand, lorsque vint l’âge de raison peut-être, j’admis, face aux lazzis de mes petits camarades, qu’en réalité j’étais né dans le lit Henri II de mes parents, celui où sans doute je fus conçu. C’est Marthe Regnault, la sage-femme du village, aux mains larges comme des battoirs de lavandière, qui recueillit, après l'ultime poussée de ma mère, mon petit corps visqueux et coupa le cordon.
Le chou, notre chou, c'était un chou à vaches, un chou fourrager haut sur tige, dont nous mangions les petites feuilles vert pâle du cœur. Déjà affublés de noms d’oiseaux, péquenots, bouseux, ploucs, nous, les petits gars du bas-bocage vendéen, on nous taxait aussi de ventres à choux. Je détestais la soupe aux choux autant que les petits cons de la ville qui venaient faire bronzer leur cul blanc sur la grande plage des Sables d’Olonne.
Qui nous avait baptisés ainsi ?
Nos perfides voisins charentais qui, au début du XXème siècle, virent débarquer des hordes de vendéens venus les repeupler ; il existait d’ailleurs des « foires aux vendéens » où des « recruteurs » venaient engager les bras surnuméraires. Nos familles catholiques du bocage battaient des records nationaux de fécondité alors que les charentais se gardaient de procréer outrancièrement, afin de ne point diviser les héritages. Les fermes des 2 Charente manquaient de bras. On offrait donc des conditions inespérées aux vendéens qui n’avaient pour toute richesse que leur seule réputation de travailleurs acharnés. Tel qui vivotait sur quelques arpents ingrats se voyait confier une riche terre de 60 hectares. Nos vendéens apportèrent dans leurs bagages leur bétail, leurs modes de cultures et le fameux « choux fourrager », dont ils plantèrent de grandes quantités pour leurs bovins et, sans doute, eux-mêmes.
« Des ventres à choux, ces gens-là… »
L'hirondelle du faubourg était la chanson que chantait maman
On m'appelle l'Hirondelle du Faubourg
Je ne suis qu'une pauvre fille d'amour
Née un jour de la saison printanière
D'une petite ouvrière
Comme les autres j'aurais peut-être bien tourné,
Si mon père au lieu de m'abandonner
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle